Takaâts fier de ses martyrs

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Le samedi 31 octobre 2015 restera gravé dans les mémoires des habitants du village Takaâts, dans la commune de Seddouk, où l’on a célébré le 61° anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération.

Et pour cause, mobilisés comme un seul homme, ils ont réussi un événement majeur qui est celui de l’inauguration de la stèle du village, construite récemment, où sont transcrits sur une plaque en marbre les noms des 46 chouhadas qui s’étaient sacrifiés pour l’indépendance de notre pays et qui sont la fierté des villageois. Le service d’ordre assuré par les jeunes était impeccable et c’est ce qui a fait que cette fête grandiose ait tenu toutes ses promesses. Invités pour couvrir cet événement auquel on a participé nous avions jugé utile de livrer à nos lecteurs à travers ce reportage une rétrospective d’une journée pas comme les autres, passée dans ce grand et beau village de la commune de Seddouk, habité par des hommes qui accueillent chaleureusement leurs invités. Nous nous sommes rendus donc à ce village pour partager la joie avec ses habitants comme tous ces hommes et femmes qui ont honoré cet événement par leur présence en répondant à l’invitation. En quittant la ville de Seddouk pour rejoindre Takaâts, nous avons emprunté la RN74 dont la chaussée a été fraichement rénovée par la pose d’une couche de bitume. En passant par Adha, des ouvriers travaillant pour l’usine Amimer Energie, sont à pied d’œuvre pour charger sur des camions des groupes électrogènes fabriqués dans cette usine, mamelle nourricière d’environ un millier d’ouvriers qu’elle emploie. Pas loin de là une autre usine appelée Thermocad spécialisée dans la fabrication de cumulus. Elle aussi emploie des centaines d’ouvriers. Ces deux usines sont le fleuron de l’industrie de la commune de Seddouk. Elles contribuent à la résorption du chômage dans la région et procure des ressources pour la municipalité. Nous traversons une plaine où sont cultivés autrefois des céréales et légumes secs, et où sont plantés des figuiers, oliviers et arbres fruitiers. Ce bon vieux temps reste un souvenir lointain du fait que cette plaine est envahie par le béton avec la construction de maisons assorties de garages alignés sur les deux côtés de la route. Des commerces variés sont créés, faisant de ce tronçon de route un grand boulevard commercial où y sont exposés différents produits. Nous arrivons à un quatre chemins, une plaque indique de prendre la route à droite pour se rendre à notre lieu de visite. C’est de là que commence le bâti du village de Takaâts avec des villas somptueuses nouvellement construites. Des villas pavillonnaires assorties de jardins fleuris dont la plupart sont entourés de murets construits avec de la pierre taillée. Des villas qui ajoutent du charme à ce village.

Takaâts, la perle de Seddouk

Des gens venus des quatre coins de la wilaya ont découvert la beauté de ce merveilleux village qui subjugue les plus curieux. À ce charme qui fait de ce village la perle de Seddouk s’ajoute l’hospitalité des habitants qui est omniprésente. Les maisons bien embellies ressemblent à une poignée de perles multicolores parsemées sur une toile de satin. En somme, c’est un village qui séduit avec beaucoup de belles choses. L’ancien village est composé de maisons traditionnelles construites avec de la pierre locale et charpentées avec de la tuile qui ressemblent à des gites ruraux bons pour les villégiatures, tant qu’on y trouve un calme si doux, une tranquillité reposant le moral et de l’air pur. Il est construit sur une protubérance d’une colline qui culmine à 600 mètres d’altitude et surplombe la haute vallée de la Soummam et la ville de Seddouk. Il est tourné naturellement vers la montagne du Djudjura, qui surplombe elle aussi le douar d’Ath Ouaghlis où est disséminée sur tout le flanc une panoplie de villages collés les uns aux autres. La journée du samedi, tôt le matin, les invités commençaient à affluer vers la placette du village où les attendaient les habitants qui les recevaient chaleureusement. Une placette où un drapeau géant est suspendu à l’une des façades. Sur une autre façade, ce sont les photos portant aussi les noms, prénoms et les dates de naissance et de décès des 46 chouhadas qui sont collées. À 8h30mn, la placette grouille de monde. La présence des enfants de chouhadas, des moudjahidines et d’autres invités de marque comme les cadres de la wilaya, est fort remarquable du fait que parmi ces moudjahidines, même ceux qui sont vieux et marchant difficilement ont tenu a être présents pour participer à la célébration d’un événement qui leur rafraichit la mémoire, notamment les souvenirs de leurs compagnons de combats qui sont tombés au champ d’honneur, et avec qui ils ont partagé des peines. Ces chouhadas, aujourd’hui, ne sont pas oubliés par leur village qui leur rend un vibrant hommage. À 9h, arrive la fanfare (Zorna) de Tazmalt avec des tenues de guerriers et suivant le roi Massinissa qui lui, sur un cheval, drapeau de l’Algérie hissé d’une main et l’autre main levée en l’air en guise de victoire. Ils marchaient et sont suivis par les scouts d’Ouzellaguen qui tambourinaient. Des moments d’émotion durant tout le trajet qui dépasse de loin un kilomètre de route. La foule suivait la fanfare en applaudissant pendant que des femmes lançaient des youyous des balcons. Arrivés au cimetière du village où est implantée la stèle des chouhadas, la foule s’est amplifiée avec l’arrivée des retardataires. Là il faut faire vraiment des coudes pour se déplacer du fait que la placette exigüe a du mal à contenir tout ce beau monde. Seuls les invités de marque ont pu accéder au cimetière où a eu lieu l’inauguration qui a débuté par la levée des couleurs pendant que l’hymne national entonnait d’un disc jockey. Puis les autorités locales et le représentant des Moudjahidines ont déposé la gerbe de fleurs et ont procédé par la suite à l’inauguration officielle de la stèle sous une salve d’applaudissement. Beaucoup de responsables ont pris la parole pour parler de cette date historique et remercier les responsables qui ont construit ce joyau à la belle architecture. La cérémonie a continué par une exposition sur la guerre de libération où chaque chahid est présenté dans un portrait qu’a dessiné la talentueuse madame Ait Hamouda. Les invités sont conviés par la suite à visiter les sites historiques de l’ancien village de Takaâts. Thabourth oufella servait durant la guerre de lieu de rencontre des moudjahidines. À côté la mosquée où ils accomplissaient leur devoir religieux. Tout en bas, Thabourth ouadda est un passage obligé pour toute personne se rendant au village. Le dernier site visité est la maison du cheikh qui est une vraie caverne de par les manuscrits anciens qu’elle contient, traitant de l’histoire de la période coloniale. Des livres qui méritent d’être exploités. La première partie de la cérémonie qui s’est déroulée durant toute la matinée, a été clôturée par la prise de repas servis à l’école primaire du village, où environ trois cents personnes ont pris part au déjeuner dans les quatre classes aménagées comme réfectoires. C’est vers 18h30 que les cérémonies ont repris avec la projection d’un film sur l’histoire du village Takaâts.

Solidarité et entraide : la devise des villageois

La clôture en apothéose a eu lieu avec une conférence suivie d’une rencontre entre les membres de la famille révolutionnaire qui a pris fin vers minuit, pour tirer des coups de feu comme l’ont fait les Moudjahidines un certain 1° Novembre 1954, date du déclenchement de la guerre de libération nationale. Il est utile de déborder de cette fête pour parler du changement subi depuis quelques années par ce village, qui a atteint les noblesses d’une petite ville de campagne où les habitants même s’imprégnant de la vie moderne avec toutes les commodités dont ils ont bénéficié sont encore ancrés dans les traditions séculaires léguées de leurs ancêtres, dont les plus importantes sont la solidarité et l’entraide entre les membres, la force et l’unisson propres à toute communauté. Dans ce village, la démocratie n’est pas un vain mot. Pour exemple, les notables sont élus lors d’une assemblée où tous les membres sont présents. Les candidats sont choisis pour leur intégrité morale et jugés aptes à apporter un plus. Des représentants qui ne lésinent pas sur leur volonté en courant chez les institutions étatiques arracher des projets qui leurs sont toujours accordés. Aux côtés de ce comité de village, il y a aussi les associations créées par les jeunes qui s’investissent dans les activités sportives et culturelles pour l’épanouissement de la masse juvénile, avec la création d’équipes de football et d’athlétisme qui représentent dignement leur contrée de par les différents succès réalisés, mettant en exergue le combat des chouhadas qui ont laissé leurs vies au maquis, et dont les sacrifices ne sont pas vains du fait qu’ils ouvrent droit à une stèle pour qu’ils soient connus des générations futures. Ces dernières doivent savoir que des Algériens ont défendu la patrie par des insurrections contre l’oppresseur colonial dont la plus importante est la guerre de libération nationale du 1er Novembre 1954, qui a unifié le peuple algérien qui s’était soulevé comme un seul homme pour chasser l’ennemi au prix d’une guerre de 7.5 ans qui s’est soldée par la mort d’un million et demi de chahids, laissant derrière eux des veuves et des orphelins. Takaâts ne cesse d’inscrire son nom dans l’histoire d’un village qui a enfanté des hommes de valeur, dont le plus en vue est Bessa Mokrane, un Moudjahid qui, après la guerre, a continué à servir dans l’ALN comme militaire de carrière. À sa sortie en retraite, il était maire de Seddouk, où il a passé deux mandats consécutifs. Il a donné les premiers jalons de développement de la commune en créant une multitude d’infrastructures qui servent la population jusqu’à aujourd’hui. Methia, le psychanalyste auteur de six livres sur la psychanalyse, ce qui lui a valu une renommée mondiale. Ecrivain de l’émigration en France où il s’était établi, il nous a quittés il y a trois ans. Takaâts a toujours donné de meilleurs joueurs pour le RC Seddouk, à l’image des Benbelout, Salhi et Anares, pour ne citer que ces trois qui ont fait le bonheur du club Seddoukois, car il y en a d’autres. Takaâts est un village qui a assuré son développement à une vitesse effrénée avec la création d’infrastructures essentielles qui ont fait passer ses habitats de la vie de ruraux à la vie de citadins. Les routes sont presque toutes bitumées, les trottoirs aménagés et l’éclairage public bien entretenu. Il possède une agence postale, il a bénéficié d’une salle de soins, un projet qui vient d’être réalisé et son ouverture ne saurait tarder. Il aura bientôt son antenne administrative, projet inscrit par l’APC cette année. Les tracasseries de la bouteille de gaz ont été mises aux oubliettes avec l’alimentation des foyers en gaz de ville. C’est un village qui est alimenté en eau potable à partir du barrage de Tichy Haf, comme tous les villages de la commune. S’agissant des activités sportives, le village est pourvu d’un terrain de jeux de proximité et d’un stade de football où s’entraîne l’équipe d’athlétisme locale, la JS Takaâks. Sur le plan économique, les villageois pratiquent l’agriculture avec la prédominance de l’olivier et à un degré moindre le figuier. Takaâts est un beau et grand village de la commune de Seddouk qui a assuré son développement grâce à ses membres ancrés dans les traditions séculaires, dont la cohésion sociale est exemplaire. Sur la voie des ancêtres, la solidarité et l’entraide sont appliquées à la lettre et c’est peut-être le secret de leur réussite. Nous avons quitté le village et sa sympathique population très accueillante dans l’espoir d’y revenir un jour dans une autre circonstance de joie et de bonheur.

L. Beddar

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