«Halte au massacre urbanistique»

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On assiste, ces dernières années, à une prolifération rampante de promotions immobilières, qui poussent comme des champignons sur le territoire de la commune d’Oued Ghir, sise à la périphérie de la ville de Béjaïa.

Jadis, réputée pour être une commune rurale à vocation essentielle agricole, Oued Ghir connait actuellement une densification de l’urbanisation des plus anarchiques. Une croissance spontanée et non maîtrisée de promotions immobilières, qui produira inévitablement des travers sociaux préjudiciables au développement harmonieux de la commune. Devant cette menace, le mouvement associatif se mobilise pour stopper «ce phénomène» et mettre fin au «désastre urbanistique». Dans la localité de Mellala, renfermant trois grands douars, les habitants s’insurgent contre l’implantation de pas moins de cinq promotions immobilières privées. «Nous nous opposons radicalement à la réalisation de ces promotions immobilières, qui prévoient des immeubles à six étages ou même plus. Quelques 3 000 logements, si ce n’est plus, sont prévus dans la localité avec des immeubles à grande hauteur, implantés au milieu de petites habitations. Cela va défigurer le beau paysage de nos villages de campagne en les transformant en cités dortoirs», tempête un membre actif d’une association locale. Pour ces habitants, qui ont déjà saisi les autorités concernées et les responsables locaux, pour intervenir et épargner à la région «un massacre urbanistique», seuls les promoteurs immobiliers tireront profit de ces hautes constructions verticales aux conséquences désastreuses. «Notre refus n’est pas seulement justifié par le fait que la construction de promotions immobilières privées à grande hauteur contraste avec la conviction profonde de la population locale, qui veut que la localité garde le caractère de campagne, mais nous craignons aussi une dégradation des réseaux divers de viabilisation de la localité lors de la construction de ces projets, qui nécessitera le recours à de grands engins. En outre, plus tard, des problèmes de stationnement, d’eau, d’électricité et de scolarité de nos enfants, se poseront avec acuité quand des centaines de familles vont déménager dans ces logements», a-t-on souligné. L’autre argument avancé par ces habitants pour justifier leur opposition à la construction de ces promotions immobilières, est l’absence des équipements d’accompagnement des nouvelles cités qui seront créées. «Comment construire autant de logements sans prévoir des équipements d’accompagnement, tels que des parkings de stationnement, des établissements scolaires et autres édifices d’utilité publique ?», s’est-on indigné. Certes, ces équipements sont à la charge de l’Etat, mais peut-on accorder des permis de construire à des promoteurs immobiliers, tout en sachant qu’une densification urbaine conduira à l’asphyxie, à des routes congestionnées et à un manque d’harmonisation, qui offrira aux yeux un paysage laid et agaçant ? Selon une source municipale, un promoteur immobilier a même construit à proximité d’un terrain relevant du POS communal, hypothéquant ainsi un développement sain et harmonieux de la localité. Pour un élu à l’APC d’Oued Ghir, ces promotions immobilières engendreront de grands problèmes pour la commune. «Ces promoteurs ont acquis des assiettes foncières de 2 000 m2 ou plus avec des prix dérisoires pour y construire des promotions de 300 ou 200 logements, sans prévoir aucune aire de jeu, parking, espace vert et autres commodités essentielles à une vie décente», a-t-il affirmé.

Une déforestation effrénée

Par ailleurs, la commune d’Oued Ghir est victime d’une déforestation effrénée et déplorable qui s’est produite au su et vu de tous, sans que cette agression contre la nature ne soit stoppée. Tout un patrimoine forestier a été détruit et envahi progressivement par le béton. Ce constat amer est visible dans tous les villages de la commune. À Ibachirene, c’est toute une belle forêt qui a été décimée. «Je me demande où était la conservation des forêts quand les engins ont commencé à déraciner et à abattre les arbres et réaliser des travaux de terrassement. Cette forêt abritait une végétation riche et diverse. Il y avait plusieurs espèces d’arbres, tels que le sapin, le chêne et le caroubier. Aussi, des espèces animales et des oiseaux y vivaient. Des lapins, des sangliers, des chacals et autres animaux habitaient dans cette forêt avant qu’elle ne soit réduite à néant», a déploré un citoyen de la localité. Tout le monde redoute la transformation de cet endroit à un «deuxième Tizi», une localité surplombant la banlieue d’Ighil Ouaâzoug, dans la commune de Béjaïa, et sinistrement connue pour ses constructions anarchiques offrant aux regards une laideur indescriptible. Notons que ces terres, relevant du domaine privé ont été achetées par des revendeurs du foncier. Ces derniers ont aménagés ces vastes terrains en petits lots pour la vente à des particuliers. Certains ont déjà commencé la course aux étages, sans bien sûr le permis de construire. Cela posera un problème lorsqu’ils solliciteront le raccordement de leurs habitations aux réseaux de l’eau, de l’électricité et aux autres réseaux de viabilisation, car ce sont des constructions illicites. Au premier temps, des fosses sceptiques serviront certainement à l’évacuation des eaux usées, ce qui ne manquera pas d’empester l’endroit par des odeurs nauséabondes et mettra en péril la santé publique. Dans un autre chapitre, la déforestation et les travaux de terrassement effectués au niveau de ces plaines et forêts risquent de provoquer des catastrophes naturelles. «J’ai saisi les autorités de wilaya sur le danger que représente cette situation lamentable. Les gens, qui effectuent les travaux de terrassement dans ces endroits, ont pratiquement obstrué toutes les rivières et courants d’eau serpentant la région. Je crains que les villages, sis en bas de ces plaines, soient inondés et envahis par les eaux en cas de pluies torrentielles», nous a indiqué un élu à l’APC d’Oued Ghir. À la menace d’inondation, il faut aussi ajouter le risque d’affaissement de terrain, rendu possible par la déforestation.

B S.

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