Gestion façon Ponce Pilate

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Par Mohamed Bessa

Il faudra complètement inverser les termes du débat actuel et s’interroger sur l’utilité de maintenir une école publique qui bouffe le plus clair du budget national pour enfin accoucher de très médiocres diplômés. Il fallait interroger les raisons qui ont poussé des parents à organiser de véritables maquis scolaires pour soustraire leur enfants à l’école du crétinisme comme d’autres s’étaient rués sur les paraboles pour enfin voir par-delà l’écran noir de l’Unique.L’école privée qui véhicule une très peu républicaine inégalité des chances de départ ne doit être que l’exception limite. Et pour qu’il en soit ainsi, il fallait une réforme éducative qui inscrive l’école publique dans les valeurs de ce temps et les objectifs de demain. Mais, le système est ainsi fait qui se veut à mi-distance entre la chèvre et le loup. Quand il donne un coup à droite, il faut bien qu’il le compense par un autre à gauche. Dans son univers médian font bonne carrière les moyens, les carénés, les invertébrés, les petits malins qui ne croient en rien sinon au dernier relevé de leurs comptes en banque, ceux qui peuvent parler sans rien dire, qui peuvent applaudir sans adhérer, jurer et se dédire. Il ne faut surtout pas avoir un profil qui dépasse. Pour passer, il faut être fait comme un mollusque flasque et sans écalures. Le pouvoir croit avoir réglé le problème de l’école par quelques réformettes qui ont supprimé, parait-il, le cours sur le lavement des morts et d’avoir opposé ce rude défi aux islamistes, il s’estime quitte de tout scrupule pour enfin tomber à bras raccourcis sur le reste de la société. D’avoir pris des décrets d’encadrement des rites non-musulmans, il se compense vite par une injonction aux télés et aux radios de diffuser en live les cinq appels aux prières de l’Islam. Quand il a jeté en tôle les très pieux directeurs de Iqra et d’Es-Safir, il fait bonne mesure en décidant que le chroniqueur « laïque » Hakim Laâlam devait leur tenir compagnie. Lorsqu’il avait interdit un parti de ce bord, il ne fallait pas surtout s’empresser de saluer une précaution républicaine mais bien s’attendre au coup qui va tomber sur celui de l’autre. Il croit se mettre au cœur du consensus national pendant qu’il n’en n’est que dans la formelle synthèse. Ce n’est pas l’instruction des faits qui détermine son jugement mais bien un strict souci d’équilibre équidistant entre le coupable et la victime. Et quand on se tient à mi-distance entre le bien et le mal, c’est, à ne pas douter, le second qu’on conforte au détriment du premier. C’est la gestion façon Ponce Pilate. Il viendra bien un moment où cette façon de gérer un interminable modus vivendi ne contentera aucun bord. Les consensus bâtards ne peuvent que différer les vraies solutions.Car c’est injustement le bœuf le plus sain qui souffre de l’équilibre de l’attelage. Et qui finit par user de son énergie à rompre le joug.

Manuel Texeira Gomez a été président du Portugal de 1923 à 1925. Décidé à prendre ses distances par rapport au climat délétère de la 1ère République, il va se retirer pour le restant de ses jours à Bougie.Depuis la chambre 13 de l’hôtel de l’Etoile de la place-Gueydon, son regard promène dans les évanescences de l’horizon méditerranéen une méditation sur ce Portugal englué dans la crise politique. Cela finit dans des œuvres, semble-t-il parmi les plus belles de la littérature portugaise. C’est ce prestigieux devancier qui vaut, aujourd’hui, à Béjaïa d’accueillir le Président Sampiao.L’histoire fournit toujours les meilleurs prétextes pour le resserrement des liens du présent et des promesses sur l’avenir.Celle de Bgayet regorge de mille prétextes. Ville-phare de la méditerranée, on y venait pour commercer ou étudier ou, comme on va aujourd’hui à Paris ou à New York, pour simplement se sentir de plain-pied dans son époque. La liste de ceux qui y ont séjourné est longue. Citons pêle-mêle le mathématicien italien Léonardo Fibonacci (1175-1240), le théologien et poète Raymond Lulle (1235-1315), Ibn Arabi, Ibn Tumert, Léon l’Africain et bien d’autres. De quoi envisager une vaste perspective de diplomatie de l’histoire. Ibn Khaldoun qui a donné des cours et qui a écrit plusieurs chapitres de ses “Prolégomènes”, et dont on fêtera ces jours-ci le VIème centenaire nous a été indûment chapardé par les Tunisiens au prétexte d’une nativité qui ne pèse guère lourd, si ce chapardage ne recoupait en fait une attente locale, devant l’intensité de son vécu algérien et plus spécialement béjaoui. Nos voisins, décidément savants des plus values qu’on peut tirer de l’histoire, ont opéré la même OPA sur Saint-Augustin au prétexte d’une géographie de l’époque qui situerait Souk-Ahras dans l’actuel territoire tunisien. Les assauts adverses se nourrissent de la faiblesse de nos lignes de défenses. Ce n’est pas que par rapport à l’épisode de la guerre de Libération, L’Algérie vit un complexe global vis-à-vis de son passé. Il n’est que juste qu’elle ait du mal à prendre pied dans le présent et à se projeter dans l’avenir.

M.B.

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