La formation pour assurer la relève

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Comme le Sphinx, le théâtre, art de la transposition de la vie en scènes de vie, renait de ses cendres. Le plus ancien art de la représentation, contrairement au cinéma qui revient de loin, profite largement du progrès des nouvelles technologies. Il se taille ainsi une large place dans les programmes de télévision, il s’invite dans les salles de spectacles où il jouit de la faveur d’un large public, tout en demeurant un genre littéraire majeur grâce aux pièces écrites qui se lisent comme des romans. Le secret de cette renaissance pourrait s’expliquer par cette capacité à investir tous les espaces publics et à revêtir toutes les formes d’expression pour capter l’attention : le théâtre est, en effet, depuis l’ancienne Grèce, à la fois danse, chant, musique, mimique et littérature. À Bouira comme ailleurs, le théâtre n’a pas mauvais genre. L’homme qui se donne pour mission de relever ce défi a pour nom Abderrahim Houche. Il a une longue expérience de réalisateur et ne se contente pas seulement de «monter» les pièces des autres, mais écrit ses propres pièces (il en a 6), et les porte sur la scène. Grâce à sa coopérative Machachou, cet artiste originaire de Tizi-Ouzou, joue au bénévole, en aidant les associations et les jeunes passionnés qui débutent comme comédiens. Son passage, dernièrement, à la maison de la culture Ali Zaamoum s’expliquait de deux manières : il organisait un casting pour dénicher et former les jeunes talents et il prenait en stage onze comédiens qui vont jouer prochainement sa pièce «La Palestine». Ce stage a commencé déjà à Bouira, puis s’est poursuivi à Constantine et Jijel. Cette troupe de comédiens stagiaires (cinq garçons et six filles) se déplacera ensuite à Laghouat, puis Alger. À chaque halte, elle reste cinq jours. La pièce, de style «à la Kateb Yacine», selon notre réalisateur, traite de la question palestinienne et de l’implication totale de l’Algérie pour une solution juste et équitable. Ce grand artiste reste au fond un admirateur inconditionnel de Kateb, dont il a traduit en tamazight, puis joué avec succès une de ses pièces, en l’occurrence ‘La guerre de 2000’. Lui-même devait obtenir un honnête succès avec sa pièce «Mon grand-père m’a dit» (Enayi Jeidi). Quoi qu’il en soit, s’il n’a pas eu cet honneur de connaître personnellement l’auteur de Nedjma, il avait largement profité de ses passages fréquents à Tizi-Ouzou, où l’amenaient ses conférences et son théâtre vers les années 80. Cet apport est allé consolider d’autres, venant de metteurs en scènes talentueux comme Hamid Bentayeb et Fellag vers les années 70. Son plus beau succès en tant que producteur et réalisateur, il le doit à sa pièce «Arc en ciel» (Tislit Benzar), jouée en 2013 au Festival national de Mostaganem. C’est dire, la carrière d’Abderrahim Haouche a été longue et bien remplie et le théâtre, à l’opposé du cinéma, a encore de beaux jours devant lui.

En effet, pour l’artiste Houche, les nouvelles technologies n’ont pas freiné l’élan du théâtre. Au contraire, elles lui ont donné une formidable impulsion au niveau de la mise grâce aux effets spéciaux. Ce qui l’amène, au passage, à déplorer le fait que ces mêmes technologies aient été à l’origine du déclin du cinéma. Considérant, par ailleurs, la formation des jeunes comme essentielle pour la survie de cet art, il estimait qu’il était de son devoir de poursuivre sa mission jusqu’au bout afin d’assurer la relève au moyen de stages du genre de ceux qu’il dispense à ses élèves. Ainsi a-t-il été ce jeudi, à la fois très flatteur et très heureux de voir l’engouement provoqué par son casting chez les jeunes talents et de découvrir que parmi les vingt d’entre ceux qui s’étaient présentés à l’examen de sélection, ils étaient tous bons. La preuve : il les a tous pris pour une formation de deux semaines. Comme nous lui demandions si le stage n’était pas trop court, il a répondu que lorsqu’on était jeune et d’un niveau comme celui que présentaient ses futurs élèves, quinze jours suffiraient largement. Selon lui, les activités qui seront développées au cours de ce recyclage ne demanderaient pas d’efforts particuliers, puisqu’il s’agit de gestes et de mouvements empruntés à la vie quotidienne. «Il suffit juste de les répéter le plus simplement possible», expliquait notre interlocuteur. Le séjour à Bouira de ce grand metteur en scène est lui-même une aubaine pour les jeunes comédiens et comédiennes, notamment pour le théâtre Ahcène Ould Kaci et de l’association Ibtissama, dont le dynamisme débordant augure d’un bel avenir pour cet art.

Aziz Bey

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