Les pré-requis d'un partenariat fructueux

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Par-delà les mesures fixées dans la loi de finances pour faire face à certains effets de la crise financière qui prend en étau le pays, le gouvernement, les experts nationaux et les institutions financières internationales savent parfaitement que la vraie réponse à la crise dépasse les simples mesures d'urgence, consistant à renflouer partiellement et provisoirement les caisses de l'état par un surcroît de taxes et une possible révision des transferts sociaux.

La solution durable est celle consistant à se départir définitivement de l’hégémonie de la rente pétrolière, et ce par une politique d’investissements diversifiés tous azimuts. Les dernières assises de l’aménagement du territoire ont esquissé l’idée de l’attractivité des territoires et des potentialités d’investissements qui nichent dans des domaines comme le tourisme, l’agriculture, l’agroalimentaire et les services. Cependant, cette vision, exprimée déjà par le passé mais de façon velléitaire par les gouvernements successifs, est toujours brouillée par le climat des affaires et l’environnement des entreprises, lequel n’arrive pas à se dégager des griffes des archaïsmes bureaucratiques, de la paradoxale rareté du foncier industriel dans un pays de 2,4 millions de km2, de l’anachronisme du système bancaire et de la tentation de la corruption. Le projet du nouveau code des investissements, ébauché depuis 2012, actuellement sur le bureau de l’APN, est supposé apporter des correctifs, voire des réformes substantielles au morose climat des affaires actuel. En tout cas, c’est une nécessité vitale, absolue. L’Algérie n’a aucun autre choix que de se remettre au travail et de s’ouvrir sur les horizons d’une économie de production. Pour ce faire, l’entreprise algérienne n’a pas seulement besoin d’une fluidité des procédures d’investissement, mais également de la ressource humaine qualifiée et des nouvelles technologies. Comment combler cet immense retard ? Outre la nécessité d’une nouvelle politique de formation, dont les résultats ne seront obtenus et exploités que dans quelques années, le partenariat avec l’étranger paraît comme l’une des clefs de dynamisation de la politique de l’entreprise, avec des possibilités de transfert de technologie, dont il faudra arrêter les modalités. Car, à ce jour, tout ce qui a été dit sur ce sujet par comme une littérature superfétatoire dont les résultats laissent à désirer.

Opportunité d’un rebond ?

La crise financière que traverse l’Algérie depuis un an et demi pourra-t-elle être à l’origine d’une nouvelle vision et d’une nouvelle typologie des investissements étrangers ? L’accord d’association avec l’Union Européenne, en vigueur depuis maintenant plus de dix ans, et pour lequel on envisage une demande de révision d’ici quelques semaines (en janvier 2016), a permis aux produits européens d’envahir le marché algérien, avec des dégrèvements douaniers substantiels. On estime le manque à gagner à près de huit milliards de dollars depuis 2005. L’Algérie a été vue pendant toute cette période comme un marché qui a évolué de 35 à 40 millions de consommateurs, avec un pouvoir d’achat boosté par les revenus pétroliers, redistribués par les différentes tripartites en salaires. Mais, en matière d’investissements productifs, créateurs de plus-value et d’emplois, l’ensemble des flux étrangers n’ont pas dépassé 2,5 milliards de dollars. C’était le bilan de l’année 2011. En 2014, ce chiffre est descendu à 1,7 milliards de dollars. Malgré une forme de « désapprobation » exprimée en 2009 par les autorités algérienne à l’égard de la tournure prise par l’Accord d’association avec l’UE, rien n’a presque changé dans sa typologie générale. Pire encore, on sait que d’ici quatre ans, en 2020, cet accord donnera lieu à une zone de libre-échange, lequel affectera non seulement les recettes douanières, mais portera un coup dur à l’embryon de la production algérienne qui ne trouve pas encore ses marques. Il est évident que l’environnement général- économique, administratif, social et même mental- n’était pas vraiment favorable aux investissements directs étrangers (IDE). En effet, pour capter les flux des IDE, l’on ne peut pas le faire avec la position de consommateur effréné avec un climat administratif et juridique des plus dissuasifs. Le foncier, le système bancaire, la bureaucratie, la tentation de corruption et la fameuse règle de l’actionnariat 51/49%, étaient vus comme autant d’obstacles pour des initiatives d’investissements productifs par des partenaires étrangers. Certains partenaires de l’Algérie avaient montré une certaine compréhension pour la règle de l’actionnariat 51/49%- sans pour autant vouloir « aller au charbon »- d’autres l’on considérée comme un frein. Le débat reste ouvert. Mais il tarde à s’ouvrir au niveau de l’Assemblée populaire nationale (APN), dont les députés sont destinataires de l’avant-projet de loi relatif au nouveau code des investissements. En effet, ébauché depuis trois ans, enrichi et passé par les différentes étapes procédurales, le texte inhérent à cet avant-projet est transmis à l’APN au début de la session actuelle. Planchera-t-elle sur le dossier dans les prochains jours, maintenant que quelques-uns de ses articles ont été insérés dans la loi de finances de l’année 2016, votée la semaine passée ? En tout état de cause, du nouveau code des investissements, il est attendu une dynamisation du secteur économique par l’incitation à l’investissement productif, créateur de richesses et d’emplois, non seulement par entreprises algériennes, mais également par les partenaires étrangers.

Amorcer un virage fort à 180 degrés

La conjoncture économique et sociale du pays, telle qu’elle est installée par le recul dramatique des revenus en hydrocarbures- plus de 50% pour l’année 2015- exige imparablement un virage assez prononcé par rapport aux pratiques et à l’indolence qui ont caractérisé le champ économique national. La politique d’austérité tout en portant les tensions sociales à un degré supérieur, ne pourra pas aller au-delà d’une simple atténuation des effets de la crise sur les comptes publics. Le gouvernement et ses partenaires le savent bien. Ce n’est pas en taxant de quelques dinars de plus les carburants ou l’électricité que le budget de l’État et la santé financière du pays se redresseront. Il n’y a que les nouvelles recettes fiscales, générées par les nouveaux investissements productifs, qui voleront au secours de l’équilibre budgétaire et de l’action sociale de l’État que le gouvernement jure de ne pas abandonner. Les flux et directions des investissements directs étrangers sont dictés non seulement par le niveau d’attractivité du pays « receveur », mais également par la crise financière mondiale qui dicte aussi les délocalisations des entreprises vers des cieux jugés plus « cléments » sur le plan des coûts de travail et des coûts de production. L’on sait que, dans le contexte de la tension qui prend en étau les économies européennes, particulièrement celles de l’Europe méditerranéenne, depuis la crise de 2008, une certaine panique s’est emparée des responsables d’entreprises au point de chercher des marchés là où ils ne l’avaient jamais envisagé auparavant. L’intérêt montré après la relance des programmes des logements AADL, par des entreprises de bâtiment espagnoles et portugaises pour le marché algérien, en est un exemple probant, même si la suite du parcours a été mois heureuse pour des considérations techniques ou contractuelles. Ces entreprises espagnoles, et un grand nombre de leurs consœurs européennes, ont découvert sur le tard que l’Algérie dispose d’un vaste marché de consommation, particulièrement en matière de travaux et de prestations de services. Dans ce créneau, comme dans celui des fournitures en équipements électroniques, électroménagers, pièces détachées,… etc., la Chine semble avoir une longueur d’avance, non seulement en Algérie, mais plus généralement en Afrique. Le sommet Chine-Afrique, qui s’est tenu il y a une dizaine de jours à Johannesburg, confirme une nouvelle fois la tendance qui montre que l’Europe perd ses parts de marché sur notre continent au profit de la Chine.

Transfert de technologie : une chimère?

Hormis quelques mouvements de délocalisation dus à la crise financière mondiale persistante, la dynamique des investissements directs étrangers ne devrait pas donner l’illusion d’une « révolution » de transfert de capitaux et de technologies vers les pays du Sud. Il se trouve même que certaines appréhensions, formulées à temps par des experts et des responsables algériens, relatives à la difficulté d’entretenir les investissements réalisés par les fonds publics depuis le début des années 2000, difficulté liée aux coûts et à la technicité sont en train d’être malheureusement vérifiées. En quoi une telle dépendance technologique diffère-t-elle de celle, largement et abondamment critiquée, des usines « clefs en main » des années soixante-dix du siècle dernier ? La leçon n’est apparemment pas bien apprise. Qu’en sera-t-il des stations de dessalement d’eau monobloc disséminées sur le littoral algérien et dont les équipements sont réputés corrodables par le sel marin ?

En définitive, l’on est autorisé à se poser la grave question de savoir ce que sont devenues les clauses des contrats signés avec les partenaires étrangers portant sur le transfert de technologie. De même, comme cela est exigé du partenaire Renault bien avant la conclusion du marché de l’usine de Oued Tlelat, le taux d’intégration avec des produits et des pièces fabriqués localement est censé créer des postes d’emploi dans le marché de la sous-traitance. Mais, qu’en est-t-il exactement, avec un taux d’intégration qui est loin de pouvoir réaliser les 40% ambitionnées depuis longtemps ?

Ce sont là disions-nous, des appréhensions qui n’ont pas trouvé d’oreilles attentives lorsque, à l’occasion du premier plan d’investissements publics portant sur un montant de 50 milliards de dollars, des économistes et experts algériens avaient émis le vœu de voir une partie du coût de l’investissement aller aux études préalables et à la formation pour ne pas dépendre du partenaire étranger non seulement dans l’entretien des investissements, mais également dans les possibilités de duplication des mêmes projets, voire de leur perfectionnement à l’avenir. Sur le plan des études et expertises, dont l’opportunité et la qualité ne sont pas toujours établies- le président de la République a déjà eu à déplorer une telle situation dans une directive adressée au gouvernement-, le montant de leur importation a atteint le chiffre vertigineux de 12 milliards de dollars par an entre 2008 et 2012.

Captage et valorisation des IDE

Tout en étant, sur le plan du principe du développement économique, une nécessité vitale, les investissements étrangers ayant pour destination l’Algérie demeurent entourés d’un certain  »flou artistique » où se sont mêlées précipitation et dissuasion, ouverture et autarcie. Sur le plan de l’attractivité pour les IDE et en tenant compte de la taille de l’économie nationale, notre pays s’est situé au cours de ces dernières années, dans des positions peu enviables, allant de 103e à la 107e place à l’échelle du monde. Cette place peut être diversement appréciée en mettant en ligne de compte la nature même de ces investissements. Vu comme un marché de consommation de 40 millions d’habitants, avec, en sus, un pouvoir d’achat facticement dopé par le pétrole, la tendance  »naturelle » de certains secteurs européens serait, comme ils en ont montré la tendance depuis le milieu des années 2000, l’activité commerciale pure consistant à inonder le marché algérien de voitures, de produits alimentaires, de médicaments, de produits électroniques et… d’expertises/études. Cela, au moment où le potentiel d’études algérien est mis à rude épreuve, la fuite des cerveaux continuant à saigner l’économie nationale et les produits algériens disparaissant au profit de produits chinois, turcs et européens. À n’en pas douter, c’est à partir de la manière de valoriser et de capitaliser les investissements étrangers, d’une part, et de la connaissance de leur nature même (activités de production, de service,…), d’autre part, que l’on pourra juger de leur l’impact réel sur le cours et le rythme de l’économie nationale. En tout cas, le niveau actuel des investissements étrangers, moins de 2 milliards de dollars par an, est considéré comme un échec de la politique nationale des investissements productifs, au profit des seuls investissements dans les infrastructures. La crise financière actuelle de l’Algérie conforte la thèse de ceux qui avaient appelé à réserver une partie des revenus pétroliers à l’incitation à la création d’entreprises et à la qualification de la ressource humaine par la formation.

Amar Naït Messaoud

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