Ces « marsiens » de 1962 (ces usurpateurs de la dernière heure) dénoncés par Slimane Azem

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Dans sa chanson «Ssaâtac di meghres yeffeg-ed tikkuk», Slimane Azem traite des faux combattants de la dernière heure qui se sont improvisés en tant que tels, dès la signature des accords d’Evian intervenus entre la France et les dirigeants de l’Algérie le 19 mars 1962. Ces accords ont consacré le cessez-le-feu et l’indépendance de l’Algérie. Curieusement une «marée» humaine, un essaim d’opportunistes en spectateurs zélés durant toute la durée de la guerre qui s’est étalée sur sept années et demie, se sont brusquement découvert des sentiments patriotiques. Ils vont grossir les armées de l’ALN (particulièrement celles stationnées sur les frontières marocaines et tunisiennes et dont avaient grandement besoin ceux qui allaient confisquer l’indépendance par la force militaire. Tout au long de sa chanson, Slimane Azem, en fin Esopien, ce fabuliste qui a introduit des animaux dans ses nombreuses fables pour donner des images parlantes et dont s’est grandement inspiré Jean de La Fontaine, nommera ces faux combattants de «Tikkuk», allusion faite au coucou, cet oiseau qui n’apparait que durant les périodes fastes de l’année. L’allusion est toute bien faite, car le coucou est connu ravageur mais surtout usurpateur. Il repartit ses œufs un dans chaque nid qu’il trouve. À l’éclosion, chaque oisillon du coucou va immédiatement et instinctivement éjecter par-dessus chaque nid les autres oisillons «autochtones» appartenant aux couples d’origine. Le couple nourrira le jeune coucou également par instinct, jusqu’à son envole et deviendra à son tour un nouveau coucou malfaiteurs. Ainsi s’en est allé des «marsiens» usurpateurs, contrefacteurs et falsificateurs du 19 juin 1962, comme le souligne Slimane Azem. Par le nombre et la complicité ils formeront une fausse ALN. Un homme politique a, à juste titre, déclaré lors de son meeting à Aïn El Hemmam, que s’il y avait réellement autant d’anciens combattants inscrits aujourd’hui au ministère des Moudjahidin, la France coloniale aurait été chassée du pays en très peu de temps. C’est dire qu’encore une fois, Slimane Azem, en visionnaire averti, a très tôt dénoncé cette gabegie de faux moudjahidine. Pour rejeter cette trahison, le géni populaire les désignera sous l’expression de «Shab 19 mars» (ces énergumènes du 19 mars). «Le fleuve» sera dès lors «détourné» (pour reprendre ici le titre de l’ouvrage de Rachid Mimouni) et les véritables patriotes peu à peu perdent un terrain chèrement conquis, hélas, capturé par ceux de «ssaâtac di meghres». Slimane Azem notera, dans son texte, que le plus grave est que la notion de patriotisme s’est désagrégée à mesure que disparaissent les véritables et valeureux combattants de la première heure qui, dès le déclanchement de la guerre le 1er Novembre 1954, se sont engagés pour offrir leur vie au pays. Ils n’ont pas attendu le 19 mars 1962 pour le faire.

Abdennour Abdesselam

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