Hocine Aït Ahmed à Aswel

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En passant, comme à chaque fois, devant ce café qui a non seulement pignon sur rue à Aïn-Zaouïa, mais surtout qui avait vécu sur sa terrasse, en cette veillée du Ramadhan du jeudi 12 octobre 2006 à 20 heures, l’assassinat par un groupe de terroristes de celui qui était le président de l’assemblée populaire de wilaya de Tizi-Ouzou et ancien P/APC de ladite localité sous les couleurs du FFS, à savoir feu Rabah Aïssat, nous nous attendions comme de coutume à ce que les consommateurs qui nous reconnaissent, nous invitent avec insistance à nous joindre à eux. «Nous savons pertinemment que vous êtes pressés de rejoindre le maire, votre ancien confrère pour lui demander certainement des informations sur les préparatifs du déplacement des citoyens d’Aïn-Zaouïa qui assisteront aux obsèques de Dda El Hocine, que Dieu l’accueille dans Son vaste Paradis, mais vous pouvez prendre un café avec nous et nous avons quelques photos à vous montrer», nous dit Si Amar en nous approchant de cette table occupée par quatre vieux cadres à la retraite. Lorsque nous nous assîmes, on me remit entre les mains quelques photos qui datent de plusieurs années et qui devaient être prises avec

un ancien appareil. «Est-ce que vous pouvez donner une date à ces photos ?» nous questionna Si Lounès comme s’il nous passait un test d’examen. Bien évidemment, il s’agissait de très vieilles photos sur lesquelles apparaissait feu Hocine Aït Ahmed, heureux, en bonne santé et avec toute son énergie qui se dégageait. Nous fîmes remarquer également à nos hôtes que ces photos auraient été d’excellentes qualités s’il y avait à cette époque des appareils numériques comme maintenant. «C’est exact mais il reste tout de même que nous détenons d’excellents souvenirs de Dda El Hocine avec qui nous avions passé des moments inoubliables, d’autant plus que nous avions eu la chance de le voir, ce jour là comme l’homme le plus heureux du monde», reprend Si Amar, le plus vieux du groupe. «Ces photos nous les avions prises, le samedi 31 août 1991 à Aswel, à Tikjda, dans le Djurdjura où le FFS avait organisé une grande rencontre ou plutôt une garden party avec les citoyens, venus de partout mais notamment des deux côtés du Djurdjura. C’était fantastique car cette occasion avait été rehaussée surtout par la présence de Dda El Hocine», ajoute Si Amar alors que Si Saïd, qui jusque-là était resté silencieux, intervint pour dire que s’ils étaient partis, tous les quatre en famille, chacun avec sa propre voiture, ce n’était que pour se détendre et non pas comme militant du FFS auxquels, ils n’ont jamais adhéré. «C’était merveilleux ce jour-là car le Djurdjura était devenu une immense plaine et non comme une montagne qui sépare la Kabylie en deux versants, car outre la présence de nombreuses familles, il y avait également plusieurs associations culturelles et scientifiques qui avaient dressé leurs tentes pour des expositions alors que des troupes folkloriques animaient toute la petite plaine ainsi que les pentes remplies de monde bien que sur la scène dressée se succédaient des artistes connus», dira Si Saïd tout en ajoutant que ce jour là qui fut également merveilleux pour lui, c’est lorsqu’il pénétra dans l’une des tentes de l’association culturelle d’un village de M’Chedallah, où il avait été affecté pour la première fois comme enseignant, une vingtaine d’années plutôt, il reconnu les enfants de ses anciens collègues, devenus de vrais adultes mais qui ne le reconnurent pas et alors qu’ils pensaient qu’ils avaient affaire à un quelconque visiteurs à qui il faut expliquer leurs activités, ils furent interpellés par leurs prénoms. «J’avais demandé à chacun les nouvelles de leurs pères et ils demeurèrent stupéfaits tant ils n’avaient gardé aucun souvenir de moi, bien que j’avais joué tous les jours avec eux, alors qu’ils étaient enfants. Et à un autre qui est devenu professeur de français, j’avais demandé s’il se souvenait de son premier enseignant de français et il s’écria que j’étais bien celui qui le surnommait «Moustique» et il sauta à mon cou», se souvient Si Saïd. Cependant et après ce souvenir, Si Amar revient sur cette mémorable journée au moment de l’arrivée de Hocine Aït Ahmed à Aswel. «Bien sûr qu’il avait été accueilli par certains responsables du FFS, mais il n’y avait rien de protocolaire pour nous. Nous n’avions pas jugé d’aller au devant et nous sommes restés au côté de nos familles, mais après une courte prise de paroles sur la scène qui avait été dressée pour la circonstance, il entreprit de faire une tournée au milieu des citoyens et comme il devait passer devant nous, nous nous sommes levés et nous l’avions applaudi en guise de salutation», raconta notre interlocuteur qui devint triste, peut être avec des regrets, tout en ajoutant que feu Aït Ahmed s’était arrêté devant eux pour les saluer et leur demander d’où ils venaient. «Nous sommes d’Aïn-Zaouia et nous tenons à vous souhaiter au nom de toute notre commune une bonne santé et nous prions Dieu pour qu’il vous accorde longue vie, lui dis-je et il fut, je crois très heureux et il nous demanda de transmettre ses remerciements aux gens d’Aïn-Zaouia», termine Si Amar en baissant les yeux, très attristé. Nous repassions les photos tout en admirant en silence celui qui avait sacrifié toute sa vie pour l’Algérie alors que, malgré son âge avancé gardait son allure altière et promettait encore de donner davantage pour le pays et pour la Kabylie. Nos compagnons nous donnèrent rendez-vous pour le vendredi prochain à l’enterrement de feu Aït Ahmed, avant de nous libérer tout en nous permettant de scanner quelques photos.

Essaid Mouas

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