Le double challenge de l'Algérie

Partager

Au moment où l’Algérie est contrainte de changer la typologie de son économie de fond en comble, pour la faire passer de la rente vers une économie de production, elle découvre que la culture entrepreneuriale n’est pas tout à fait au rendez-vous. Pourtant, dans la crise financière actuelle, il n’y a de salut que par la promotion du monde de l’entreprise et l’amélioration de l’environnement des affaires. Pour plusieurs mois encore, sans doute pour des années, selon certains experts, le cours du baril de pétrole ne dépassera plus, dans le meilleur des cas, les 50 dollars, alors que depuis quatre jours, il est sous la barre des 35 dollars. Une occasion de réviser profondément le mode de gouvernance économique du pays et de remettre en cause un certain nombre de pratiques et d’attitudes qui font des Algériens de simples consommateurs, avec une facture d’importation de 58 milliards de dollars en 2014. Les exportations, constituées à 97% d’hydrocarbures, étaient facturées à quelque 60 milliards de dollars. Pour l’année 2015, le montant des exportations ne dépassait pas les 32 milliards de dollars. C’est dire le niveau atteint par la contraction des recettes extérieures. Les « efforts » de taxation que le gouvernement a mis dans l’élaboration de la loi de finances 2016 ont, peut-être, pour avantage de créer un « déclic » psychologique chez tous les acteurs et agents économiques, à commencer par les ménages, afin de se préparer à une nouvelle étape, celle de vivre sans l’opulence pétrolière. Mais, cette même loi, sur le plan de l’impact sur le budget de l’État- et ce, malgré la forte pression faite sur le budget des ménages, sans aucune préparation-, aura des avantages limités. Elle ne pourra jamais faire remplacer l’ancienne aisance financière en ciblant des taxes sur les produits de consommation. Car, en effet, ces taxes ont leurs limites sociales et politiques. Autrement dit, le gouvernement est contraint de chercher des solutions plus durables. Ces dernières ne se trouvent nulle part que dans l’économie d’entreprise et l’évolution du modèle énergétique national. Le modèle algérien de création et de développement de l’entreprise n’a encore acquis aucune visibilité souffrant d’un héritage d’une économie administrée, doublée d’un système de rente. Après qu’ont eût été conduits, pendant trois décennies, à ne tolérer que l’entreprise publique- qualifiée plutôt de nationale-, les vertus de la mode des années 1990, renforcées par l’impasse structurelle du mode de gestion administré a fait faire aux autorités du pays une volte-face à 180 degrés de façon, en ne jurant que par l’entreprise privée et la privatisation des entreprises publiques héritées des années soixante-dix du siècle dernier. En lieu et place d’un débat sérieux et pondéré on eut droit à des « coups de tête » sans préavis, à une arrogance qui en dit long sur l’indigence de l’argumentation et, in fine, à des parodies, où des modèles fort éloignés de notre univers culturel et politique, ont été essayés à tout bout de champ. Le « tout libéral » n’a pas eu le temps de mûrir sa littérature économique en Algérie. En effet, depuis 2007, un vent d’incertitude souffle sur le monde de la finance et de l’économie à travers le monde et a conduit des ultralibéraux dans le domaine de la décision économique à « revoir leur copie ». On en est arrivé à l’idée que pour sauver le capitalisme mondial, il est indiqué de puiser dans la politique interventionniste et protectionniste, c’est-à-dire, pour une grande part dans les valeurs de la gauche.

Les conditions d’un nouvel essor

En Algérie, les impacts de la crise mondiale sont affectés d’un effet retard, du fait d’une connexion peu « intime » de notre système financier et bancaire avec le système financier mondial. Cependant, la situation semble plus délicate lorsqu’on considère le recul des recettes pétrolières, l’amenuisement progressif des apports fiscaux y afférents et le manque de préparation des autres secteurs non énergétiques. C’est dans ce contexte qu’une nouvelle réflexion s’engagea sur la manière de sortir du piège de la mono-exportation et d’engager une stratégie d’investissement qui est censée la soutenir. Il s’agit, en fait, d’imaginer une nouvelle politique de l’entreprise où la rationalité et l’efficacité puissent transcender la nature juridique (privée/publique) de celle-ci. Le pouvoir d’achat des ménages, dont on craint, dès maintenant, une érosion historique dans quelques mois, tout en étant une préoccupation majeure des syndicats et des pouvoirs publics en raison du souci de la paix sociale que l’on met toujours en avant, ne peut se réaliser sans le redressement de l’entreprise algérienne, qu’elle soit publique ou privée, ni sans une politique d’investissements productifs offensive et durable. Les errements de l’économie nationale remontent au moins au début des années soixante-dix du siècle dernier, lorsque les recettes pétrolières ont commencé à remplacer les anciennes productions algériennes exportées vers l’étranger. Le résultat des courses est que les recettes pétrolières représentent aujourd’hui quelque 98% de l’ensemble des exportations. Il suffit, alors, d’un petit aléa de la politique internationale, de la géostratégie régionale ou d’une faiblesse de consommation, comme c’est le cas actuellement pour la Chine, pour que ces recettes soient remises en cause. Pire, au cours de ces dernières années, d’autres menaces, sans doute plus sérieuses, à l’image de saturation du marché pétrolier due à la production du pétrole de schiste, commencent à apparaître. Il faut dire que l’ « opulence » pétrolière de ces quinze dernières années a même quelque peu éloigné la préoccupation d’investir dans les énergies renouvelables, comme l’ont fait un grand nombre de pays contraints par la « diète » énergétique. Donc, en plus de la diversification économique, l’Algérie est appelé à ouvrir le grand chantier des économies d’énergie et de la transition énergétique, sachant que l’Algérie possède des potentialités inépuisables dans ce domaine.

Amar Nait Messaoud

Partager