Énigmatiques cimetières

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Relevant de la commune d’Aït Khellili dans la daïra de Mekla et faisant face à la chaîne montagneuse de Tamgout (vers le Nord), le village de Bouachir, peuplé de près de huit cents habitants et dont la plupart résident ailleurs, demeure encore à rapprocher des autres villages du fait de sa situation géographique tout au fond de la vallée vers l’Oued Aït Khellili.

Pour y accéder, le véhicule et son chauffeur auront fort à faire dans cette descente vertigineuse, quittant le chemin de wilaya n°150, reliant Mekla à Aïn El Hammam, suivant le chemin de village qui traverse le village d’El Kalaa. De prime abord, rien ne laisse supposer que ces vieilles habitations traditionnelles (en terre et pierres) sont occupées par des familles.

Beaucoup sont à l’abandon, tandis que le ciment a fait son apparition sur les lieux et les nouvelles réalisations rivalisent avec les architectures modernes … en fonction des moyens. Car, il faut surtout le rappeler, l’accès étant très difficile du fait du relief accidenté le transport des matériaux coûte les yeux de la tête. Aux dires de certaines vieilles personnes rapportant ce que leurs grands-parents leur auraient raconté le village a connu un peuplement qui aurait disparu sans laisser de traces en dehors de deux cimetières, aujourd’hui gagné par les herbes sauvages et les arbustes.

Comment ces populations ont disparu ? Nul ne le sait. La zone fortement boisée a vécu deux incendies importants qui ont provoqué des dégâts même dans le village, particulièrement en 1986, lors de l’incendie qui a embrasé toute la région du village d’Aït Zellal (commune de Souama), en face aux villages voisins, à savoir El Kalaa, Sahel et même des villages de la commune d’Aït Yahia sur l’autre versant.

Dernièrement, lors de travaux pour la réalisation d’un château d’eau, le chauffeur du bulldozer a déterré des ossements, mettant à jour des tombes. Surprise générale : si les ossements sont bien là l’orientation du corps (habituellement enterré sur le côté droit et la tête orientée vers l’est) ne devait pas être la coutume en ce temps-là puisque les enterrés sont bien sur le côté droit mais dans l’autre sens la tête orientée vers l’ouest. Pourquoi cette position ? Nul ne le sait. Et juste à côté des tombes, une autre découverte : de la poterie (épaisseur supérieure à la norme actuelle) disposée aux trois coins d’un triangle.

Serait-ce un site funéraire ? Ajouter à cela que les tombes sont recouvertes avec des dalles de couleur blanche ressemblant à du schiste alors que, dans toute la région, ce genre de pierres n’existe pas. Cela sous-entend-il que ces pierres auraient été ramenées d’ailleurs pour servir de pierres tombales ? Une autre question demeure encore posée : Si les personnes enterrées dans ce cimetière ont bien habité les lieux, où sont leurs demeures puisque les actuels résidents ont construit eux-mêmes les leurs ?

Les services de la police scientifique sont bien clairs : il s’agit bien d’un cimetière ancien sans pouvoir en fixer la date. Pour la direction de la culture, dont les agents se sont présentés sur les lieux, la seule directive donnée est de regrouper les ossements puis les enfouir plus loin, en évitant de déblayer le site lui-même pour préserver ce qui n’est pas encore déterré sachant que beaucoup de tombes ont été déjà repérées par des villageois sur les lieux.

L’on aurait pu penser à divers moyens de datation et surtout à rechercher les survivants de ces populations disparues, partant du principe qu’une tombe ne peut exister sans … fossoyeurs ! La disparition de ces populations devrait aussi faire l’objet de recherche pour découvrir les raisons qui ont certainement amené les survivants à quitter les lieux sans laisser aucune trace de leur passage en dehors de ces tombes anonymes !

Sofiane Mecherri

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