Un phénomène en pleine expansion

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« Petit affairiste deviendra grand », susurre-t-on souvent à la vue d’un jeune faisant ses premiers pas dans la contrebande.

Cette activité parallèle est devenue tentaculaire. Un filon qui happe de gros contingents de jeunes désœuvrés, évincés du système éducatif. Certains parmi ces jeunes, avouent pourtant avoir vainement tenté de s’insérer dans la vie professionnelle, par la voie classique. En désespoir de cause, soutiennent-ils, ils ont fini par se résoudre à ce négoce de la rue. «J’ai constitué une pile de dossiers et entrepris de multiples démarches pour suivre une formation qualifiante ; mais à chaque fois, on m’a opposé une fin de non recevoir, arguant que je n’avais pas le niveau scolaire requis», maugrée Kamel, comme pour se défendre d’avoir opté pour cette activité. «J’ai été aculé dans l’impasse. Trop vieux pour l’école, trop jeune pour le travail», se lamente Yani, tenant un éventaire de bric et de broc, à l’entrée du marché hebdomadaire de Tazmalt. Un jeune faisant commerce de téléphones cellulaires atteste avoir franchi le pas après mure réflexion : «tout compte fait, je m’en sors pas mal, et j’entrevois l’avenir sous de bons auspices», déclare-t-il, sur une pointe de fierté. Une fois habitués à ce mode de vie et, le goût du luxe et du lucre aidant, ils ne peuvent plus s’en passer. À force de pugnacité quelque uns parmi ces jeunes assurent avoir pu tirer de juteux dividendes, et même à se constituer de gros pactoles. «Je connais pas mal de mecs qui ont commencé dans le créneau en proposant des confiseries et des cigarettes à l’unité. Au bout de quelques années seulement, ils sont devenus fortunés», nous confie un adolescent de Sidi Aïch, qui ne fait pas mystère de son ambition de leur emboiter le pas. Si vous évoquez avec eux l’idée d’un travail à revenu fixe, vous obtenez un malicieux sourire ou un rictus aux lèvres, en guise de réponse. Et pour cause, l’aversion pour tout emploi salarié est profondément ancrée dans les esprits : «pour rien au monde, je ne troquerai le commerce contre un emploi dans l’administration ou dans une entreprise, fut-il des plus gratifiants», tranche Malek, un jeune de Seddouk. Et d’enchaîner : «attendre la fin du mois pour encaisser son solde n’est sans doute pas le meilleur chemin vers la réussite sociale». Rencontré au hasard d’une déambulation au marché hebdomadaire d’Akbou, où il propose à la vente des babioles et autre joyeusetés pour les enfants, Youcef, 17 ans à peine, nous conte son infortune : «depuis des décennies que mon géniteur de père exerce dans une administration publique, nous créchons toujours dans un misérable trois-pièces-cuisine. Je me suis rendu à l’évidence que pour sortir de la mouise, il faut aller au charbon». Par la force des choses et de …la misère, une partie de ces jeunes parviennent à se prendre en charge et même à voler au secours de leurs parents. À peine sortis de l’adolescence, d’aucuns ont toute une smala à charge. Soudés par une communauté d’intérêts, ces jeunes constituent d’authentiques trusts. Leur milieu semble régi par un code de conduite infaillible. À croire qu’ils possèdent un syndicat occulte !

N. Maouche

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