Dans les quatre coins de la wilaya de Bouira, les hérons garde-bœufs ont “pendu leur crémaillère” et se sentent parfaitement chez eux. Des colonies entières de hérons se sont stabilisées dans des périmètres qui leur sont devenus familiers (bosquets, arbres d’alignement ou d’embellissement, lignes de brise-vent…). Cet oiseau, faisant partie de la famille des Ardéidés et ayant pour nom scientifique Bubulcus ibis s’est répandu d’une façon fulgurante au cours de ces dernières années dans la ville de Bouira et dans sa périphérie immédiate, dans les régions de M’chedallah, Lakhdaria, Aïn Bessam et Sour El Ghozlane. On les retrouve perchés sur des eucalyptus, des casuarinas et les vieux pins d’Alep des jardins publics. Naguère connus comme étant des oiseaux migrateurs, les hérons garde-bœufs se manifestaient particulièrement pendant la saison des labours où ils venaient débarrasser les bœufs, utilisés alors comme bêtes de trait, de leurs tiques et autres acariens qui leur collent à la peau. C’est d’ailleurs pour cette raison que ces oiseaux étaient tant redoutés par nos ancêtres car, dès que le bœuf reçoit le coup de bèque du héron sur son dos, il sursaute et se démène dans tous les sens au point de mettre en danger l’araire, instrument vital de labour considéré comme un capital précieux à côté de la paire de bœufs.Sur les trottoirs garnis d’arbres colonisés par les hérons, la fiente de ces oiseaux dresse une couche blanchâtre qui se renouvelle dès qu’elle est nettoyée par les services de la voirie. Il paraît que dans certaines wilayas, cette fiente, connue pour être très acide, est à l’origine du dessèchement de certains arbres plantés en milieu urbain. En dehors de la saison de nidification, l’oisillon et l’oiseau adulte prennent une couleur blanche. Lors de la période nuptiale, les plumes des garde-bœufs prennent une couleur fauve-orangé sur la tête, la poitrine et le dos, tandis que leurs pattes et doigts virent au rougeâtre (verdâtres aux autres saisons). Leurs becs sont jaunes.Sur certains arbres, il a même été remarqué une cohabitation heureuse entre le héron garde-bœuf et la cigogne lors des voyages saisonniers que cette dernière effectue dans notre pays. Les territoires respectifs sont harmonieusement délimités sur les houppiers des arbres. Cependant, l’idée circule comme quoi la multiplication exagérée de cette espèce, autrefois connue seulement pendant la période des labours, déséquilibrerait l’écosystème avifaune du fait qu’elle se ferait au détriment de certaines espèces locales. Il est encore trop tôt de conclure à une telle “dérive”, même si des études ornithologiques s’avèrent nécessaires pour expliquer une telle expansion des garde-bœufs et en avertir des conséquences. S’il y a bien un aspect que l’on ignore en rapport avec la présence de cette espèce, c’est bien le sujet de la brûlante actualité, à savoir la grippe aviaire. Le héron est-il un agent potentiellement porteur de la maladie ? Y’a-t-il une manière particulière de se conduire face à un éventuel risque venant de ce côté-là ? Ce sont là quelques questions que se posent certains citadins en apercevant les nuées de hérons accrochés aux branches des arbres ou en recevant une crotte de fiente sur la tête provenant de ces Ardéidés.
Amar Naït Messaoud
