Saharidj s’est réveillé jeudi dernier, dans un formidable vacarme provoqué par une subite arrivée d’une impressionnante colonne composée de dizaines de milliers d’étourneaux qui volaient à basse altitude, presque à ras du sol, au point de cacher les rayons du soleil. L’essaim serpentait dans le ciel et formait des ronds pour protéger le roi de couleur blanche, dénommé en kabyle «thanina», attaqué par plusieurs faucons qui tentaient de le tuer pour éparpiller l’essaim et faciliter la chasse. Les étourneaux formaient un bouclier compact autour de leur roi et empêchent ces prédateurs d’arriver jusqu’à lui dans de spectaculaires acrobaties semblables à celle d’un serpent géant qui «navigue» dans les airs. Un événement plutôt rare qui a duré plus d’une heure et suivi par des citoyens fascinés par ce grandiose spectacle au dessus de leurs têtes, notamment du côté du village Aggach, en périphérie sud du chef-lieu de commune. C’était l’occasion pour les vielles personnes de replonger dans d’anciens souvenirs et se lancer dans des récits du temps où les étourneaux, ces oiseaux migrateurs, étaient abondants dans la région durant toute la saison hivernale. C’était du temps où les forêts étaient luxuriantes, notamment les pins d’Alep centenaires sur lesquels ces oiseaux se posaient pour y passer la nuit notamment dans les forêts de Chréa, Tamelaht, Tizi Ghrane et Achaivou. C’est à la tombée de la nuit que les chasseurs se rendent sur les lieux pour les chasser en tirant des salves de petit plomb dans les branches des arbres et ne rentraient qu’au petit matin avec des sacs de jutes, gibecières ou gros couffins remplis de ce gibier des plus succulents. Chacun de ces anciens chasseurs se lançait dans le récit de ses prouesses qui remontent aux années 70/80. Durant cette même période, le ramier «azidhudh», qui a totalement disparu depuis plusieurs décennies et qui se déplace lui aussi en essaim de plusieurs centaines de têtes, cohabite avec les étourneaux. Le ramier ressemble fortement au pigeon mais d’envergure plus imposante. Sa chair aussi est très succulente d’où l’adage kabyle «l’merqa uzidhudh zidheth» (la sauce du ramier est succulente). Ceux qui sont soulagés par cette impressionnante arrivée des étourneaux sont, sans conteste, les agriculteurs qui ont terminé la campagne de ramassage d’olive et qui ont mis leurs récoltes à l’abri, sachant qu’un essaim moyen d’étourneaux, des oiseaux des plus voraces, peut «soulager» un olivier de ses grains en quelques minutes. La grive aussi fait des ravages dans les récoltes d’olives, mais passe inaperçue, et ce, du fait de se déplacer en solitaire et silencieusement ; d’où le qualificatif «suqat» dont il est affublé.
Oulaid Soualah
