Dans le contexte de la crise financière que traverse actuellement l’Algérie, la politique de rationalisation des dépenses ou d’austérité est vue comme une première réaction des autorités du pays, censée faire barrage à des grands déséquilibres qui mettraient en péril l’économie du pays. L’accompagnement, supposé assurer la « relève » économique, est inscrit dans la logique de la recherche de fiables substituts à la rente pétrolière. Cette dernière étant condamnée pour de longs mois, si ce n’est des années, depuis juillet 2014, à cause de la chute continue des cours de pétrole sur les marchés mondiaux, a largement montré ses limites historiques, puisque, à son tour, elle a condamné tout le reste de l’économie à s’abreuver à sa source. Outre l’austérité et la recherche d’alternatives d’investissements viables, qui sont réellement dans les « cordes » du pays, au vu de ses diverses potentialités, l’économie algérienne et les politiques publiques mises en œuvre par le gouvernement ont besoin également d’instruments de mesure, d’évaluation précise et d’une « boussole » fiable, contrairement à la règle du « pifomètre » ayant prévalu jusqu’ici. Les approximations chiffrées et le déficit d’une véritable évaluation des programmes de développement sont à l’origine de graves pertes, voire de dilapidation de l’argent public, outre le fait que les populations ciblées par ces projets sont loin d’être satisfaites. Les malfaçons, les retards et les abandons de travaux ont bien valu de grandes protestations, des barricades, des fermetures forcées de mairies et d’autres assièges d’administration de jeunes en furie. Quinze ans après le lancement des premiers grands programmes d’investissements financés sur le budget de l’État, l’évaluation de telles politiques publiques demeure, aux yeux de certains analystes, prisonnière des anciens schémas, où l’administration est considérée comme « omnisciente », en plus du fait qu’elle est juge et partie. En dehors des bilans physiques et financiers des travaux réalisés et des fournitures servies, de quels outils dispose l’administration pour juger des impacts sociaux et économiques des projets et des impacts environnementaux de certaines réalisations ? Lorsqu’on sait que, face à des contraintes rédhibitoires ayant grevé certains projets, les agents de l’administration n’ont pas su tirer les leçons et ont reconduit les mêmes pratiques ou procédés, il y a lieu de rester sceptique quant à une évaluation scientifique des mégaprojets entrant dans le cadre des investissements publics. La logique aurait voulu que les investissements en question bénéficient d’études préalables consacrant la faisabilité et orientant l’exécution des travaux- étape qui n’a commencé à être prise en charge que récemment- et qu’ils bénéficient également d’études d’évaluation à la fin de la réalisation de toutes les étapes. Cette dernière mission revient nécessairement à des bureaux d’études qui évaluent en premier lieu le degré d’atteinte des objectifs fixés initialement dans le projet ; ce travail suppose obligatoirement l’existence de critères objectifs d’évaluation que le lexique du nouveau management appelle les indicateurs objectivement vérifiables (IOV). Il s’agit de concevoir et de faire prendre en charge par les agents de développement- à tous les échelons de responsabilité- une méthodologie de suivi-évaluation des projets telle qu’elle se décline pour tous les programmes de développement mis en œuvre dans les pays avancés. Le suivi-évaluation et la revue à mi-parcours des projets permettent non seulement de contrôler la marche des travaux et la qualité des prestations, mais également de prendre de nouvelles mesures et de rectifier le tir lorsque des risques non prévus ou d’autres impondérables viennent à grever la bonne marche des projets.
L’Algérie objet de notation par des organismes internationaux
Depuis le début de ce qui est appelé la transition économique, qui peine à faire accéder le pays à une véritable économie de production, délestée de la rente, l’Algérie s’offre à toutes sortes d’appréciations, d’évaluations et de classifications venant de parties étrangères, généralement des organismes financiers internationaux ou des ONG activant dans divers domaines. Jadis, les seuls signaux auxquels nos gouvernements et autres responsables étaient quelque peu sensibles étaient ceux émis par les chancelleries étrangères au sujet de la situation sécuritaire ou des droits de l’Homme dans notre pays, ainsi que les notations des organismes d’assurance des pays occidentaux sur le risque-pays destiné à couvrir les investisseurs qui engagent des contrats en Algérie. Tout en demeurant toujours en vigueur, ces deux tableaux d’analyse que les pays partenaires de l’Algérie et certaines ONG établissent pour notre pays ne sont plus les seuls. Ouverte au vent de la mondialisation, liée à l’Union européenne par un accord d’association depuis septembre 2005 et candidate à l’OMC, l’Algérie se voit souvent intégrée dans les panels mis sur pied par des institutions internationales assurant des missions économiques, financières ou sociales. Ainsi, le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a toujours intégré l’Algérie dans la formulation des indices de développement humain (IDH), indices qui réservent une place privilégiée à la santé l’espérance de vie et l’éducation des populations. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale (BIRD) suivent de près l’évolution de l’économie algérienne et établissent régulièrement des tableaux et des rapports relatifs à la croissance, aux investissements, au climat des affaires, au chômage et à d’autres données socioéconomiques pour lesquelles les pays et les entreprises étrangères en partenariat avec notre pays montrent une attention particulière.
Se délester des interférences politiques
Cet intérêt s’accroît davantage avec la crise qui frappe depuis un an et demi les finances extérieures du pays. Les entreprises tentées par un partenariat avec l’Algérie- particulièrement dans le domaine industriel- se sentent dans l’obligation de prendre connaissances des atouts et des risques qu’il y a à s’engager sur le terrain de la coopération avec l’Algérie. Le dernier classement effectué pour l’Algérie par la Coface- compagnie d’assurance des investissements français à l’étranger- remonte au mois de janvier dernier. Dans une notre intitulée « Baromètre Risque Pays : les grands enjeux de 2016 », la Coface juge l’économie algérienne comme étant une « économie profondément dépendante du pétrole et du gaz, avec déficit public important ». Ce qui fait valoir à notre pays la case « B » (orange), correspondant à un risque-pays « assez élevé ». S’il est toujours utile de prendre connaissance des notations et classements que des institutions internationales (FMI, BIRD, PNUD,…), ou des organismes étrangers (Coface, Ducroire, ou autres agences de notation et d’assurance,…) confèrent à l’économie algérienne, cette dernière ne devrait pas se contenter de regards extérieurs, lesquels ne sont pas toujours dénués d’arrière-pensées ou de visées politiques. Il s’agit de réhabiliter les organismes et bureaux d’études nationaux versés dans l’évaluation économique et la statistique. L’Algérie possède un capital appréciable en la matière. L’ONS, le Cread, le Ceneap, la Bneder, le Cnes et d’autres structures encore moins connues ont besoin de soutien dans la formation de la ressource humaine, de l’accès aux nouvelles technologies de traitement numérique et, surtout, d’une autonomie qui les libère des interférences politiques. C’est la seule manière à eux d’acquérir crédibilité et efficacité qui les haussera au rang d’instruments précieux d’aide à la décision.
Amar Nait Messaoud