Toudja, beauté… au naturel

Partager

Avec la clémence du climat de ces derniers temps, la commune de Toudja, perchée sur la montagne, offre une beauté incroyable à ses visiteurs.

Malheureusement, rien n’a été préparé pour les accueillir. En quittant la ville de Béjaïa, on s’engage sur la route menant à la commune de Toudja, en passant par Amtik Ntafat. La route est sinueuse, mais pleine de surprises. La verdure s’étend sur toute la région, permettant d’apprécier toutes les nuances de la couleur verte, reflétée par une abondante végétation. Parfois, des lits de fleurs jeunes couvrent les champs qui sont en train de livrer le meilleur d’eux-mêmes à la vue des passants. Du haut de la montagne, on a une vue plongeante époustouflante sur la vallée de la Soummam qui livre sa beauté au ciel d’un bleu intense, inspirant joie et émerveillement. Sur la route, on croise quelques rares véhicules. Ça et là des maisons sont perchées sur des monticules ou sommets, témoins d’une vie agréable et paisible. Certains de ces habitants refusent même de descendre en ville, refusant de troquer leur oxygène contre la fumée de l’essence et l’odeur du mazout. Kilomètre après autre, on est agréablement surpris par le relief, et l’intensité du feuillage des arbres. On a vite oublié les tumultes de la ville, pour baigner dans le climat serein de la campagne, jusqu’à l’arrivée à Ifrène.

Ifrène, témoin de l’histoire

C’est à cet endroit précis que se trouvent les vestiges romains de l’aqueduc de Toudja. Dès le premier siècle, ces derniers avaient construit et érigé toute une installation constituée de piliers massifs en pierres de tailles, servant à supporter les canalisations pour drainer l’eau de la montagne vers la ville de Saldae. Il en reste quelques bouts témoins de cette époque prospère. Ifrène, dont le nom dérive du nom berbère de l’Afrique, reste donc un des lieux témoin de la rencontre entre Rome et le pays des Hommes Libres. La présence de cette série de piliers est à la fois impressionnante et désolante. En effet, ces témoins de l’histoire millénaire de notre pays sont laissés à l’abandon. Il n’y a ni protection autour d’eux ni mise en valeur de ces vestiges. Ils sont comme plantés dans le décor comme éléments naturels sans valeur. Personne n’en prend soin. Certains de ces piliers sont penchés, et leur inclinaison suscite quelques inquiétudes sur le risque de leur effondrement. De plus, l’environnement immédiat a besoin de plus d’entretien et de propreté. La direction du tourisme ferait mieux de s’en occuper pour, d’un côté protéger ce patrimoine historique, et en faire un lieu touristique contribuant à l’enrichissement de la culture générale des enfants de la région, et de ceux qui pourraient venir de plus loin. Ce serait également une source non négligeable de revenus pour les commerçants de la région, ainsi que pour la commune. Arrivés à Toudja même, on entre dans un village au charme kabyle incontestable. Le long de l’avenue principale, il y a des commerces et des cafés. Ces derniers semblent être les seuls lieux de loisirs pour les habitants. Pas de cinéma, pas de salle de spectacles ni de centre culturel. C’est le musée de l’eau qui semble concentrer les quelques activités culturelles du village, mais il semble à l’abandon. La salle d’exposition était fermée lors de notre passage. En montant au premier étage, on emprunte des escaliers en marbre qui semblent ne pas avoir été nettoyés depuis des lustres. Au premier, l’état d’abandon du lieu se confirme. Même la dalle de sol a été arrachée, et personne ne semble s’en inquiéter. Les différentes salles étaient fermées et personne pour nous renseigner.

Saleté et des jeunes livrés à eux-mêmes

Alors, on se rabat sur le café d’à côté pour s’inquiéter de la situation. Des jeunes attablés écoutent de la musique sur leurs téléphones, alors que la télé allumée diffuse un documentaire qui ne semblait intéresser personne. Un homme d’une trentaine d’années se plaignait auprès de ses copains de la situation qu’il traversait : pas de travail, pas de maison, pas de femme… Plus bas que le musée, il y a les cascades. Le débit de l’eau semble avoir baissé du fait du manque de pluies. Mais ce qui frappe le plus, ce sont les détritus qui longent ces cascades. La saleté semble avoir pris le dessus sur la beauté du paysage. Et là encore, l’état d’abandon se sent à plein nez. Murs lézardés, chaussée non entretenue,… l’état général est lamentable. On se demande s’il existe une assemblée dans cette commune, qui aurait au moins la dignité de s’occuper de la salubrité de ces lieux. À quelques semaines de la fête de l’eau, qui est traditionnellement célébrée dans cette commune, rien ne semble avoir été prévu pour préparer les lieux. Toudja a été délaissée par les autorités de la wilaya, avec probablement la complicité des responsables communaux, encouragés en cela par la résignation de la population. Si rien n’est fait, Toudja ne sera bientôt plus qu’une commune comme une autre, alors qu’elle a les moyens de se distinguer par la beauté de son paysage et la richesse de son patrimoine touristique. Il suffirait de se mettre au travail. Une brouette et des balais suffiraient dans un premier temps à changer le visage de tristesse qu’offre la commune. La société civile pourra, ensuite, prendre le relais en procédant à la mise en valeur de ce site exceptionnel, que même les romains appréciaient. Faudrait-il les rappeler pour prendre en charge cet héritage dont on se montre indignes ?

N. Si Yani

Partager