Qui n'a pas, un jour, fredonné avec joie la chanson "Idurar n leqbayel"? Vous auriez reconnu l'auteur qui n'est autre que le regretté Moh Saïd Oubélaïd.
De son vrai nom Larbi Mohand Saïd. Cet artiste qui a laissé son empreinte indélébile dans la chanson kabyle, a vu le jour le 19 février 1923, au village Amalou dans la commune de Bounouh (wilaya de Tizi-Ouzou). Après un bref passage à l’école, Moh, à l’instar de beaucoup de ses semblables, s’est consacré aux travaux champêtres et à l’élevage, avant d' »aterrir » à Alger, à l’âge d’à peine 15 ans, où il exercera plusieurs petits métiers pour subsister. Et c’est pendant son « séjour » dans la capitale qu’il fit connaissance avec l’un des cardinaux du Chaâbi, Dahmane El Harrachi. Ce qui sera déterminant pour lui dans l’adoption de la chanson quelques années plus tard. En 1946, Moh décida d’émigrer en France, en laissant derrière lui sa famille nombreuse, pour se retrouver à Issy-Les-Moulineaux, où son frère gérait un café. Et c’est là qu’il fit ses premiers pas dans la chanson en animant des soirées. Gagné par la « fièvre » nationaliste, notre artiste s’engagea alors dans la politique comme militant au sein du PPA-MTLD. Ce n’est qu’en 1953 que Moh Saïd Oubelaïd entre en studio pour enregistrer son premier disque. Il sera édité par la prestigieuse maison « Philips ». Dans l’une de ses chansons, Moh s’en prend aux amateurs de Bacchus avec le titre éloquent « Barkat tissit n crab » (cessez de boire). Le chanteur faisait allusion à l’éveil de la conscience et à la révolution. «Ayen zer3ed at megred» (tu récoltes ce que tu as semé), «Taqbaylit yerna d ssah» (Kabyle et authentique) sont, entre autres, les chansons cultes qu’a produites l’artiste. Après le déclenchement de la guerre de libération, il revint au pays pour monter au maquis afin de lutter contre le colonialisme, à l’instar de ses compatriotes. Il repart ensuite une nouvelle fois à Paris pour organiser là-bas la résistance en terre ennemie. Là il se distingua avec des actes de bravoure en transformant le café qu’il avait acheté auparavant, en gîte et lieu de rencontres entre les artistes nationalistes et les militants de FLN. Suite à cela, il eut des démêlées avec les autorités coloniales qui l’arrêtèrent en 1958. Il passera deux années dans les geôles. A l’indépendance, Mohand Saïd Oubélaïd se consacrera à la chanson, où il produira des albums, avec la chanson phare qui le révélera au large public : « Idurar n leqbayel », un véritable hymne à la Kabylie, sa jeunesse et ses belles montagnes. Déçu par la tournure qu’a prise le pays, le désenchantement et la désillusion ont poussé cet artiste, au patriotisme à fleur de peau, à émigrer pour la énième fois en France pour ne revenir au pays que vers les années 1980. Il produira par la suite quelques albums, notamment «La JSK» (1981), où il rend un vibrant hommage à cette équipe qui porte haut le nom de la Kabylie. Il finira par perdre la vie tragiquement un certain 3 mars 2000. Son corps a été retrouvé inanimé sur la plage de côté d’Azeffoun. Il sera inhumé trois jours plus tard en son village natal d’Amalou.
Voici quelques couplets de la chanson-culte «Idurar n leqbayel»
Ay itbir siweḍ-asen sslam i warrac akk n tmurt-iw
Deg idurar n leqbayel dinna ay ɣlin watmaten-iw
Letniyen, Yesser, Ceεbet, wεan abeḥri n lebḥer
Sseḥ akk dinna ad tafeḍ-t, ɣef lewṭen sebblen leεmer
Tsellim akk fell-asen, aqcic d ilemẓi d umɣar
Iflisen d Tizi Ɣennif d seǧǧaε akken ma llan
D tayasa rnan nnif, Ssuq Lḥedd, Beni Ɛemran
I yeḍran dinna a lḥif, tuddar qqlent d iɣeẓran
Tamurt-iw a tin ḥemmleɣ, a tin εzizen fell-i
Isem-im Draε Lmizan tefkiḍ-d irgazen n lεali
D tamurt n rrsas d nniḍam, yecbeḥ fell-as ma ad nɣenni
Kemmel akkin i udrar, si Tezmalt bdu amerreḥ
Idurar n La Ṣumam, lǧihad dinna i yefteḥ
Seg Uqbu ar Bgayet, d irgazen yerna d sseḥ
Sfeḍ-asen akk imeṭṭawen, ssired-asen akk irkul leǧraḥ.
Syphax Y.

