Un Plan national de reboisement (PNR) est actuellement en cours d’élaboration au niveau des différentes wilayas du pays, projetant ses actions sur deux échéances: 2016-2020 et 2020-2030. Il s’agit de faire face au phénomène de déforestation ayant gravement affecté le pays depuis le début des années 1990, de juguler la désertification qui avance à grands pas à partir de l’Atlas saharien, de redonner leurs lettres de noblesses aux forêts de production et de protection, tout en cherchant à améliorer le cadre de vie des populations par la création de forêts récréatives, urbaine ou suburbaines. Le souci développé dans le cadre du présent plan par les cadres forestiers est la diversification des espèces à planter, en rompant avec l’uniformité du pin d’Alep qui a largement montré ses limites. Le Plan national de reboisement (PNR) cible en priorité la partie septentrionale du pays et les Hauts Plateaux, là où l’action de reboisement peut être menée sur des assiettes assez consistantes. Ces projections tendent à relever le taux de couverture forestière à environ 25 % du territoire Nord du pays.
Abstraction faite des objectifs de production de bois ou d’autres sous-produits, la priorité assignée aux opérations de reboisement demeure la lutte contre l’avancée du désert et la protection des terres contre l’érosion. Le PNR, dans le cadre de ce vaste programme, va s’appuyer sur l’investissement dans les pépinières. En effet, la production de plans forestiers, dans leur diversité de genre et de variété est une condition sine qua non de la réussite du plan de reboisement à l’horizon 2030. Le créneau de l’activité pépinière implique, bien entendu, la réhabilitation et la modernisation du dispositif de la récolte de la graine et du contrôle de l’élevage en pépinière. Une grande partie des peuplements porte-graines identifiés et exploités jusqu’au début des années 1990 ont été affectés par les grands bouleversements qu’a connus la forêt algérienne pendant cet intervalle de temps. Les facteurs de dégradations sont principalement le feu et les coupes délictueuses. Il s’agit donc de confirmer certaines stations porteuses de semences et d’en identifier de nouvelles pour les asseoir sur document cartographique à l’usage des investisseurs pépiniéristes. Habituellement, la récolte de la semence se fait sous le contrôle et le suivi des agents appartenant au corps de l’administration des forêts.
Cette chaîne logique allant de la récolte de la graine jusqu’à l’action de reboisement est, bien entendu, tributaire d’un maillon capital, celui de l’assiette foncière sur laquelle est censé se réaliser l’opération de plantation. À cet égard, il y a lieu de préciser que deux situations se présentent. La première étant la reconstitution des forêts dégradées ou incendiées où la régénération naturelle n’a pas pu se réaliser. Ce cas offre un double avantage : l’existence préalable de terrain (même si des cas d’occupation illicite pour usage agricole ont posé d’énormes problèmes d’évacuation) et la nature généralement fertile du sol. Ce dernier a déjà servi de support à la forêt naturelle et compte, de ce fait, un taux appréciable de matière organique et d’éléments minéraux nutritifs.
Ouvrir le champ à l’extension du patrimoine forestier
Le deuxième volet concerne l’extension du patrimoine forestier à l’extérieur des limites des massifs déjà existants. Le Plan national de reboisement bute, à ce niveau, sur un problème épineux, celui de la propriété des terres ciblées par le reboisement. L’on sait que la propriété publique étant composée des terres domaniales, communales ou aârchs. Lorsqu’elles ne servent ni pour l’agriculture ni pour d’autres projets d’utilité publique, ces terres sont généralement des terrains de parcours, y compris les plus dégradées d’entre elles dont l’offre fourragère est réduite à quelques touffes saisonnières. Les possibilités de leur reboisement ne sont pas toujours évidentes pour des raisons sociologiques liées aux systèmes de production en vigueur dans la plupart des régions ciblées par cette action. En effet, le système d’élevage extensif développé sur les zones des Hauts Plateaux et de certains contreforts décharnés de l’Atlas tellien compromet toute réussite des plantations. Plusieurs expériences malheureuses ont été vécues en la matière. La plus connue est certainement celle du barrage vert dont une grande partie est rayée de la carte essentiellement pour des raisons de pâturage. Aux yeux des techniciens qui ont eu à mener ce genre d’opération sur le terrain, la seule alternative est de faire évoluer les communautés rurales pastorales de ces régions vers des formes d’élevage plus intensives qui ne consomment pas beaucoup d’espace. C’est là une véritable révolution sociologique et économique à mener sur le terrain du fait que, pour parvenir à cette nouvelle organisation, il faudra investir dans une nouvelle politique de l’offre fourragère qui exclut le pacage sur les terres squelettiques qui s’appauvrissent d’année en année. L’offre fourragère nouvelle est tributaire de la mobilisation de la ressource hydrique de façon à pouvoir installer des prairies artificielles et amener les communautés pastorales à accepter de diversifier leurs activités économiques (innovation pastorale [prairies, plantation pastorales, élevage en milieu clos], agriculture maraîchère, arboriculture, artisanat et produits du terroir,…). Ce sont là des axes de développement censés être pris en charge dans la politique dite de Renouveau rural, basée sur les projets de proximité de développement rural intégré (PPDRI). Ces projets, tout en créant de l’emploi en milieu rural et en générant de nouveaux revenus pour les ménages bénéficiaires, ont aussi pour objectif de contribuer à diminuer la pression sur les espaces ruraux touchés par une inquiétante régression écologique. Les résultats ne sont pas encore quantifiables par rapport au challenge lancé même si des évolutions palpables ont été constatées sur le plan de l’amélioration du niveau de vie des populations. Ce n’est qu’à ce prix que de nouvelles terres peuvent être dédiées aux reboisements forestiers, de façon à lutter contre la désertification et à contribuer au maintien et même à la promotion de la biodiversité. Une problématique similaire est posée au niveau de la protection des bassins versants des barrages hydrauliques. Dans plusieurs pays européens, les terres faisant partie du bassin versant sont, à l’exception des périmètres urbains et des sites d’implantation de villages ou hameaux, déclarées d’utilité publique et sont, de ce fait, achetées par l’État. Le décret officialisant cette opération est publié dans le journal officiel et les propriétaires sont indemnisés en conséquence. Alors, les services techniques des eaux et forêts établissent un plan d’aménagement et de protection du bassin versant, appuyé sur des études, lesquelles prévoient toutes les actions susceptibles de contribuer à la lutte contre l’érosion et l’envasement des barrages hydrauliques (reboisements en espèces forestières, fourragères et fruitières, ouvrages de correction torrentielle,…). Ainsi, on voit bien que l’extension du patrimoine forestier demeure tributaire de plusieurs facteurs que les pouvoirs publics tentent de soumettre à une maîtrise graduelle. Cependant, avec les missions de développement rural qui sont confiées au corps de l’administration des forêts depuis le milieu des années 2000, la ressource humaine semble ne plus répondre sur le plan du nombre. La faiblesse des effectifs d’encadrement et d’exécution, ainsi que le manque de moyens matériels, rendent difficile une prise en charge efficiente de l’ensemble des missions qui sont confiées au personnel technique des conservations des forêts au niveau des wilayas.
Amar Naït Messaoud