Les cours contre des espèces sonnantes et trébuchantes ont la cote dans la région d’Akbou.
La gangrène de l’argent facile et l’appât du gain, qui touche pratiquement tous les strates de la société est-elle en train de s’inviter dans le système éducatif ? D’aucuns en ont la certitude : «nous assistons à une relation triangulaire, avec l’entrée en lice d’un 3e élément, en l’occurrence l’argent», observe un directeur d’école d’Akbou. Notre interlocuteur lève le voile sur les techniques de racolage, la publicité mensongère, les subterfuges incitatifs, les conditions de vente de ces cours et la mercuriale des tarifs «fixés à la manière des maquignons de la viande de nos marchés de gros», dénonce-t-il. Pratique plutôt ancienne, la dispense de cours supplémentaires avait pour unique but de venir en aide aux élèves en retard scolaire, dans une ou plusieurs matières, soit à titre gracieux, soit moyennant une modique somme pour compenser le surplus de labeur de l’éducateur. Mais aujourd’hui, le phénomène a pris une telle ampleur qu’il est devenu un passage obligé pour les parents pris à la gorge et, du côté des enseignants, pas tous évidemment, comme une façon d’élever leur niveau de vie, jusqu’à transformer le salaire en moyen de boucler les fins de mois et non le contraire. Pris dans une spirale d’angoisse exacerbée, certains parents mettent la pression sur leurs enfants dès l’entame de l’année scolaire, et cavalent derrière les cours de soutien. Comme s’il existait des enseignants- miracles dans un système qui croule sous les dysfonctionnements majeurs. «Je le fais autant par mimétisme que par acquis de conscience, pour ne pas avoir à assumer l’échec scolaire éventuel de mon rejeton», confesse un parent d’élève du quartier Guendouza. Les tenants de cette pratique sacralisée par les cours de soutien revendiquent un palmarès honorable à différentes cessions du bac et du BEM. «Il n’y a rien d’anti-pédagogique à aider, contre une modeste contribution, un élève à améliorer ses compétences et à consolider ses acquis, pour lui donner de meilleurs chances de réussite. Naturellement, rien ne se fait sans le consentement éclairé et une adhésion pleine et entière des parents», allègue un enseignant officiant dans une école privée. L’élève trouve, assure-t-on, dans ces cours particuliers le cadre idéal pour parfaire son savoir, avec un suivi personnalisé de ses lacunes. «C’est vrai, l’enseignant fait montre d’un sérieux sans faille pour combler le vide et les trous qu’il a lui-même créés dans l’établissement public», soutient un inspecteur pédagogique, estimant que c’est la persistance de l’archaïsme pédagogique qui donne des ailes aux férus de ces cours sonnants et trébuchants. Dans un tel contexte, pense-t-on, ni l’enseignant modèle, ni le directeur consciencieux ne pourront exercer leurs compétences, encore moins agir sur les métastases d’un régime pédagogique frappé d’immobilisme.
N. Maouche

