Pour un coup d'essai, les initiés à la musique, du moins localement, le qualifient d'un coup de maître.
Le tout premier album de Cheikh Yahia, après la surprise agréable de son entourage, semble recueillir un franc enthousiasme de ceux qui le découvrent. Fait de sept chansons très « posées », le CD se propose comme une véritable œuvre à bien décortiquer. Chaque titre se veut une leçon et parfois une gifle de la vie. C’est connu : Le malheur, la tristesse, la désillusion, les rendez-vous ratés avec le beau, l’amour contrarié… sont autant de sujets qui inspirent ceux qui les subissent. Et Cheikh Yahia a bien l’air d’avoir pris son lot de tous ces « ingrédients ». Avec au bout ce premier album bien réussi. C’est sans doute un grand soulagement déjà pour lui d’avoir dit. C’est la jouissance première d’un artiste : Dire et partager ses joies comme ses peines. Yahia n’a pas encore un grand public, mais ceux qui découvrent ce qu’il vient de leur servir apprécient déjà. On est loin du vocabulaire bâtard en vogue chez certains de la nouvelle génération des interprètes saisonniers. Yahia a fait simple et beau. Avec des mots bien du terroir kabyle qu’on peut répéter et dire devant son ami, son frère, sa grand-mère… À écouter sans restriction d’âge. En public et en famille. C’est de l’art raffiné et bien tamisé. Les titres comme leurs contenus sont, d’ailleurs, à méditer. À commencer par cette chanson dont l’album porte l’intitulé : « Imetti Umeghbun » (les larmes d’un attristé). Le reste des chansons n’est pas moins mesuré. Le… Cheikh a mis de la qualité dans le tout. « Anida Tellam? » (Qu’êtes vous devenus ?), « Awin Ighedren » (Le conspirateur), « Lailah Illa llah » (Dieu est unique), « Kra Guemdanen » (Certains gens), « Mmis Umazigh » (Descendant Amazigh), et enfin « Tayrim Tes3a Lhiba » (L’amour tenace), sont autant de haltes qui incitent à l’écoute concentrée, à un voyage qui vous en met plein la tête. Ça vous laisse parfois perplexe en admiration. Autant l’auteur paraît encore trop jeune pour évoquer Dieu, autant on le trouverait assez vieux pour chanter l’amour. Mais il alterne les rôles admirablement. Sans doute qu’il tire son talent de sa profonde conviction pour les deux. Sa réussite est certainement aussi dans cette aptitude à faire la part des choses. Ce qui lui permet de dire tout haut son admiration pour le Créateur et sans complexe sa frustration de continuer à se nourrir d’un amour inabouti. Un beau mélange plein de sagesse et d’enseignement à découvrir donc. Le CD est dans les bacs depuis samedi et c’est sorti chez l’édition Akhalaf Music. Les arrangements sont signés Madjid Halit.
Djaffar C.