La mésaventure des automobilistes

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Il faisait encore un temps agréable ce jeudi matin. À Alger, nombreux étaient ceux qui se préparaient à aller passer le week-end loin de la capitale. Mais la météo les attendait au tournant, puisque Algérie Météo annonçait une forte dégradation des conditions climatiques. Sur la route reliant Alger à Thenia, les conditions étaient plutôt agréables, et l’avertissement météorologique ne semblait pas concerner la région. Sur le tronçon allant vers Tizi-Ouzou, la circulation était dense, avec un nombre important de voitures sur la route. À la sortie d’Azazga, il était un peu plus de midi-trente lorsque de légers flocons de neige commençaient à faire leur apparition. Petit à petit, la Kabylie, sur la route menant de Tizi-Ouzou vers Béjaïa, se couvrait d’un doux manteau blanc, recouvrant les paysages printaniers tout de vert. À la radio nationale, la chaîne trois ne cessait de rappeler le contenu des BMS de météo Algérie, sans toutefois donner de précisions. C’est donc en arrivant à Yakourène que le paysage a complètement changé. Toute la région était recouverte de la poudreuse et les arbres mêmes commençaient déjà à crouler sous le poids de la neige qui était tombée si brusquement et si abondamment. À vue d’œil, les automobilistes commençaient à rouler plus vite pour ne pas se laisser prendre par ce brusque changement de climat. Malheureusement, dix kilomètres plus loin, les premiers véhicules commençaient à s’arrêter, ne pouvant plus avancer à cause de la neige. Il s’agissait dans un premier temps, essentiellement de poids lourds qui se sont mis sur le côté permettant aux véhicules plus légers de passer. Peine perdue, puisque tout en avançant péniblement, les véhicules commençaient à montrer des signes de fatigue. La route était bloquée et presque personne ne pouvait avancer. Sur la chaussée, les habitants de la région se sont résignés à rentrer à pieds, en l’absence de tout moyen de transport. Mais les voyageurs ne désespéraient pas de voir les véhicules de déneigement arriver pour libérer la route. Pendant ce temps, la température ne cessait de diminuer, descendant vers le zéro Celsius. Dans les véhicules recouverts de neige, on pouvait voir des familles, des jeunes, des enfants,… Après trois heures d’attente et l’approche de la tombée de la nuit, les gens commençaient à se demander pourquoi les autorités ne se manifestaient pas. Normalement, ces communes qui sont habituées à la neige devraient être équipées de chasse-neige ou de tout-autre engin permettant de déblayer les routes. Ni la commune ni la Direction des travaux publics ni la Gendarmerie n’ont pointé du nez, abandonnant des centaines de véhicules et leurs occupants à leur sort. Pas d’information, pas d’orientation, surtout pour ceux qui ne sont pas habitués à la neige, qui ont besoin d’être rassurés. La situation devenait dramatique et plusieurs automobilistes ont commencé à montrer des signes d’inquiétude. Comment passer la nuit dans ces conditions, avec des températures négatives, sans couvertures, ni nourriture ni même des boissons chaudes ? Le drame semblait se dessiner, quand, malgré tout, certains véhicules réussissaient à manœuvrer pour faire demi-tour. Petit à petit et avec le vrombissement des moteurs, les voyageurs semblaient décidés à faire demi-tour, convaincus que personne ne viendrait à leur secours. Manque de chance, quelques centaines de mètres plus bas, un camion à semi-remorque a dérapé fermant totalement la chaussée. Il était évident qu’il faudrait de lourds moyens pour le dégager du fossé dans lequel il était tombé. Il n’y avait, donc, rien à faire. Il fallait sérieusement envisager de passer la nuit dans les voitures. Il était urgent d’économiser le carburant pour pouvoir se chauffer quand les températures deviendront insupportables. Au téléphone, les nouvelles n’étaient pas meilleures ailleurs. Toutes les routes menant vers Béjaïa et Bouira étaient fermées. Deux heures d’attente après, quelques jeunes ont eu l’excellente idée de creuser, avec les moyens de fortune, un chemin pour contourner le camion. Petit à petit, voiture après voiture, les véhicules commençaient à passer et l’espoir du retour vers un temps meilleur commençait à revenir. Il était presque dix-huit heures quand la descente vers Yakourène, puis Azazga a commencé. Pendant tout ce temps, aucun signe des autorités locales ou nationales n’est venu donner espoir aux nombreux voyageurs traversant la région. Les gens étaient livrés à eux-mêmes, et la chaîne trois de la radio nationale continuait inlassablement à diffuser le même message. Pour rejoindre l’Est du pays, il faudrait maintenant aller jusqu’à Thenia, puis emprunter l’autoroute de Bouira. Il n’y avait pas d’autre chemin et personne ne voulait prendre le risque d’emprunter d’autres cols, comme celui de Chellata qui devait lui aussi être fermé. Il est, cependant, étonnant que les camions habitués à sillonner le pays de long en large ne soient pas équipés de moyens leur permettant de faire face à ce genre de situations. Ni chaines de neige, ni pelles, ni cordages suffisants permettant de tracter d’autres véhicules et de leur venir en aide en cas de besoin. Au final, pour ceux qui ne sont pas habitués à la neige, on découvre la fragilité de la situation des voyageurs. Il n’existerait donc aucun plan pour faire face à ce genre de situation ? L’APC ou tout autre organisme public n’aurait-elle pas pu fermer la route en contrebas pour éviter aux automobilistes de s’engager sur une route devenue dangereuse et de tomber dans le piège de la neige ? Les services sociaux et sanitaires de la commune n’auraient-ils pas pu s’inquiéter de la situation et aller au-devant des sinistrés de la route pour conseiller, orienter et aider les gens, en fournissant une boisson chaude, notamment aux enfant et personnes âgées ? Dans les pays qui connaissent ce genre de situations, l’émission d’un BMS déclenche automatiquement un plan ORSEC, donnant les moyens aux organismes responsables de se déployer sur le terrain pour être d’un secours évident aux citoyens. La garde nationale (ou la gendarmerie, selon les pays), est équipée et instruite de prêter main forte à ceux qui en ont besoin.

N. Si Yani

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