Quand on apprend que nous sommes parents d’un enfant handicapé, c’est d’abord un immense vide qui nous engloutit, une interrogation sans réponse et le silence des gens d’en face qui ne savent comment expliquer, réconforter, dédramatiser…Ensuite, c’est la recherche de l’information sur cet handicap qui frappe notre enfant…On se rend compte que les spécialistes sont rares et que la science est vraiment relative. On tourne en rond, on essaie de dénouer les nœuds, puis on se rend à l’évidence : nous avons besoin des autres.Il y va ainsi de la création des associations comme de la rencontre des hommes.L’intention et le hasard aidant, la rencontre des bonnes volontés ouvrent des perspectives et permettent l’espoir.Il est vrai une cela ne suffit pas, et qu’un travail de profondeur s’impose. L’introduction de l’idée de prise en charge des inadaptés mentaux de la région d’Aokas située sur le littoral est de Béjaïa s’est faite par l’équipe dirigeante de l’AAIMB durant l’année 1995. Le programme de cette équipe était de sortir du chef-lieu de wilaya pour aller vers les autres communes où de nombreux parents de déficients mentaux ignoraient jusqu’à l’existence de cette possibilité de prise en charge associative.La riche expérience du personnel de cette association (AAIMB) créée sous la houlette de la FNPEI en 1983, permettait d’envisager un travail d’information et de sensibilisation de qualité.C’est ainsi que des sorties sur le terrain à travers des expositions et des conférence ont permis de dégager une stratégie efficace.A Aokas, où l’expérience a abouti, un programme de consultation a été arrêté en collaboration avec la direction de la santé. Ainsi l’association a dépêché une équipe composée d’un psychologue et d’une assistante sociale pour faire de la consultation dans chaque structure sanitaire existante dans la région d’Aokas, ce qui nous a permis de dresser la carte des déficients mentaux de la région. Une fois les parents informés de la possibilité de prise en charge de leur enfant à condition qu’ils se mobilisent pour cela, nous avons programmé notre sortie sur le terrain un 14 mars 2005.Exposition animée par les éducateurs et éducatrices, accueil par les psychologues des parents pour les informer avec prise de rendez-vous pour une consultation et conférence-débat qui a regroupé les équipe de l’association, les autorités et les parents. Tous les acteurs étaient réunis pour permettre de concrétiser l’idée de prise en charge des déficients mentaux recensés :• Les enfants sont recensés• Les professionnels sont disponibles• Des éducateurs stagiaires ont même été recrutés durant cette journée.L’association AAIMB avait rempli sa part de contrat, il ne restait plus aux autorités qu’à mettre à sa disposition un local adéquat. Les engagements sont pris. Pour le suivi, un bureau communal provisoire est installé composé des parents et des sympathisants.A ce stade la partie n’est pas encore gagnée des deux côtés.1- Côté association : ce n’est pas toute l’équipe qui saisi la nécessité de cette démarche d’ouverture et d’extension d’où conflit et tension.2- Côté autorités : il n’est pas évident que les engagements soient tenus.C’est ainsi qu’est vite apparue la nécessité d’autonomie d’action au niveau local pour permettre la survie de cette idée dont la générosité ne garantit pas la compréhension de tout le monde.L’association pour la défense, la formation et l’insertion des inadaptés mentaux (DEFI-Aokas) a été agréée au mois d’août 1996 suite à une assemblée constitutive tenue en juin de la même année.Vous voyez qu’entre l’introduction de l’idée et la création de l’association il s’est écoulé plus d’une année.Mais c’est grâce à la ténacité de ses fondateurs et de son équipe dirigeante qu’elle a pu maintenir la flamme jusqu’à obtenir son agrément et ouvrir son premier centre psychopédagogique le 03 décembre 1996.Cette association est née, a grandi et a même fait des crises de croissance et d’adolescence.En suivant la même démarche, elle s’est même permis d’ouvrir un deuxième centre psychopédagogique à Taskriout et des ateliers d’élevage de lapins et poules pondeuses.Les crises existent à tel point qu’il m’est permis quelques questionnements sur la nécessité d’autonomiser chaque nouveau projet à travers la mise en place d’une équipe de professionnels d’abord et d’une association de parents ensuite.Ne faut-il pas multiplier les associations ensuite les fédérer ? Puisque la gestion des associations wilayales et même de la FNPEI semble poser problème. En relatant cette petite expérience, ma seule ambition est de la voir rééditée dans toutes les communes d’Algérie où les enfants déficients mentaux ne bénéficient d’aucun prise en charge. La qualité de cette dernière est un autre débat. Aussi que chacun joue son rôle, parents et professionnels, que l’information arrive partout, que l’idée de prise en charge de ces enfants se concrétise là où ils sont.
M’Hamed Hassani : ex-président de l’AAIMB président de Défi Aokas.