La plus ancienne huilerie ne tourne plus

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L’installation de cette distillerie, à cet endroit, remonte aux années quarante alors qu’une autre de moindre importance existait déjà au milieu du village mais elle était la propriété de plusieurs actionnaires, ce qui fait en soi la réputation du village.Placé en ce lieu, éloigné de quelques centaines de mètres des habitations, cela permettait aux étrangers de rapporter leur récolte sans aucune gêne lorsque l’on sait les traditions d’autrefois. Par ailleurs, près de là se trouvait déjà le seul café du douar et qui appartenait à la même personne faisant sa notoriété, car il n’était pas facile au commun des mortels d’avoir une telle licence.Si auparavant et jusqu’à la moitié des années 80, “Timaâssarth N’El Hadj”, triturait chaque année des centaines de quintaux d’olives, d’autant plus qu’elle était passée du cheval ou de la jument, qui la faisaient tourner, au moteur à mazout puis à la génératrice électrique, mais les presses hydrauliques demeuraient les mêmes ainsi que toutes les autres étapes.Son déclin avait commencé non pas avec l’installation d’autres fabriques, plus nombreuses aux environs, mais avec l’arrivée de l’automatisme où l’effort humain est nul.Alors, trouvant tous les prétextes, les oléiculteurs, même ceux du village évacuent leurs récoltes à plus de vingt et parfois trente kilomètres de là, vers ces huileries industrielles.D’année en année, le jeune Hocine, qui devient l’héritier de ce patrimoine industriel historique vient remettre en marche, bien qu’à vide les lourds broyeurs et allumer la cheminée sur laquelle trône le grand chaudron d’eau chaude.Pourtant, pour cette saison, la récolte ayant été très mauvaise y compris celle familiale, le jeune homme y vient quand même tous les jours, se contentant de contempler les camions chargés de sacs d’olives s’en allaient au loin.Aura-t-il un jour le courage de présenter un dossier d’investissement pour acquérir de nouvelles machines ou doit-il se résigner à vivre dans la grandeur passée de son aïeul ?Rencontré au bord du CW que jouxte le stade communal et une petite superbe “superette”, un des villageois d’un certain âge n’a pas hésité à nous inviter à faire un reportage sur son village car, pour lui, il faut rester plusieurs heures tant est grande son histoire allant de sa grandeur, sa gloire sa décadence. “Le village de Tighilt-Oukerrouch a une histoire aussi grande que celle de Rome !”, nous déclare-t-il joyeusement avant de revenir sur notre sujet à savoir le moulin à huile d’El Hadj.“Au début des années, nous rentrions en voiture avec un de ses cousins de Paris, le moulin était alors dans l’indivision. Arrivé dans la Camargue, je lui montrais les moulins à vent qui défilaient sous nos yeux et je lui disais que la même chose arriverait à leur moulin s’il ne le modernisait pas”.“Je lui avais raconté aussi l’histoire de “Maître Corneille”, d’Alphonse Daudet dans “Les lettres de Mon Moulin”, mais il finit par me dire de dormir et de le laisser conduire, continue-t-il tout en regrettant que deux siècles après le miracle ne se reproduit pas pour le sympathique Hocine qui n’a pas, bien sûr, de secret.

Essaïd N’Aït Kaci

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