Un témoin du passé

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Aux alentours de ces deux villages proches l’un de l’autre, l’on constate le passage de l’armée française par les traces qu’elle a laissé derrière elle : des carcasses d’avions de combat, des fragments d’obus de mortiers 105 et leurs impacts sur les rochers, il est aisé pour un œil averti de reconstituer les violents accrochages qui ont eu lieu presque quotidiennement tout le temps qu’a duré la guerre, l’acharnement des troupes françaises à conquérir ces lieux stratégiques n’avait d’égal que la farouche résistance de la détermination des moudjahidines à les en empêcher. Spectateurs aux premières loges, les habitants d’Iouakouren ont assisté en direct aux empoignades féroces entre les moudjahidine et les soldats français. Ces derniers n’ont jamais eu le dessus en ces lieux malgré leur supériorité écrasante en hommes et en armements. Confiant en leur position imprenable et à l’engagement sans réserves de la population à leurs côtés et qui leur assuraient l’approvisionnement en nourriture, habillement, et médicaments au péril de leur vie, les djounoud avaient installé un important PC, ainsi que de nombreux refuges permanents. A chaque défaite, l’armée coloniale se retournait contre la population sans défense, hommes, femmes, jeunes ou vieux sans distinction, tous passaient par les centres de torture afin de leur arracher des renseignements, ces deux villages à eux seuls comptabilisent des dizaines et des dizaines de martyrs, ils ont même subit plusieurs massacres collectifs à l’artillerie. Tenus en échec en ces lieux pendant des années en y subissant plusieurs pertes tant humaines que matérielles, l’armée coloniale a eut recours à la stratégie classique qui lui réussissait si bien et qui consistait à détruire les villages (en 1959) et déraciner la population pour isoler les moudjahidines. Regroupés au lieudit “Raffour” un lieu facile à surveiller car entouré de casernes militaires, celle de M’chedallah au nord, caserne d’Ahnif à l’ouest, celle d’Ath Mansour au sud et enfin celle de Chorfa à l’est, de manière à ce que ces deux villages guerriers soient bien en vue et en permanence. Déracinés, éloignés de leur terre devenue par la volonté de l’armée française “zone interdite” les habitants d’Iouakouren ont pendant plusieurs années vécus à la manière des “forçats” faisant connaissance avec la famine dans des taudis de fortune. Immédiatement après l’Indépendance, ce arch s’est mis en mouvement en actionnant l’honorable système ancestral d’entraides mutuelles dans tous les domaines et par tous les moyens. A souligner que c’est l’un des arch les mieux organisé de toute la vallée du Sahel. En quelques années, une transformation radicale s’est produite à Raffour, ce qui n’était qu’un hideux bidonville s’est métamorphosé en une coquette petite ville avec de belles vitrines alléchantes donnant sur la route nationale N°26 qui la traverse. Les habitants d’Iouakouren se sont avérés avoir le commerce dans le sang, ils n’ont rien à envier dans ce domaine à nos légendaires compatriotes du Mzabe, à noter aussi qu’à l’heure actuelle, les meilleurs entrepreneurs de la daïra de M’chedallah, voire même de la wilaya de Bouira sont originaires de ce arch. Nous clôturons en citant au passage un (ténor) de la chanson kabyle issu de ce arch, en l’occurrence Fatah Hadad dont la réputation n’est plus à faire, un chanteur qu’on ne peut écouter sans avoir la chair de poule, à lui seul il a réussi à faire sortir de l’anonymat dans le domaine culturel, une importante région kabyle.

Omar Soualah

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