Résultat d’expériences humaines historiques, cumulées, complémentaires et solidaires, forgées durant des siècles dans le domaine de la communication et de l’expression écrites, l’alphabet latin est devenu un patrimoine de l’humanité. La vaste étendue géographique de son utilisation en a fait une convention internationale tacite par laquelle la quasi-totalité des langues se transcrivent et par laquelle la communication fonctionne aisément. Les moyens modernes et techniques, tels que la télécommunication, l’informatique et les nombreuses pistes qu’offre l’Internet, accentuent et amplifient sans cesse le rapprochement et l’intercompréhension entre les hommes grâce à ce caractère. C’est ce qui a davantage contribué à l’élargissement et à la quasi-généralisation de l’utilisation de cet outil graphique devenu un espace communautaire constamment rassembleur. En cela, l’expansion de l’usage généralisé de l’alphabet latin est considérée aujourd’hui comme étant une «écriture internationale incontestable», une forme d’esperanto scripturaire. Si les langues ne sont pas neutres dans ce qu’elles permettent comme expression plurielle dans la vision du monde, en revanche, l’alphabet latin, de part sa neutralité son efficacité et son usage massif, leur assure et leur conserve plutôt cette personnalité indépendante et ce caractère propre à chacune d’entre elles. De plus, l’outil graphique latin est devenu pour ainsi dire une aubaine pour les langues particulièrement fragilisées par l’évolution rapide, constante et dynamique des effets de la mondialisation. Il leur applique une nouvelle sécurité qui les met à l’abri de nombreux dangers d’extinction, malheureusement constatés par les services concernés de l’UNESCO. Même les langues indochinoises, pourtant à très forte tradition d’usage d’écriture toute particulière quand elles sentent le besoin d’accroitre leur présence sur le marché international, finissent par succomber devant l’impérieuse nécessité de se reporter et d’adopter l’alphabet latin. Que dire alors des intellectuels arabophones, à l’image de l’éminent écrivain égyptien Taha Hussein, qui ont recommandé à l’académie de langue arabe d’adopter le caractère latin pour la transcription de la langue arabe. Leur proposition a été perçue par l’orthodoxie musulmane comme étant une déviation par rapport à l’islam. Ainsi, l’académie de langue arabe n’a pas été de taille à distinguer entre efficacité et sacralité. Alors, Résister face à ce passage obligé qui s’impose de lui-même, pourtant ô combien utile et d’intérêt, au nom de considérations idéologiques, politiques, religieuses et autres positions frontistes de principes, achève de conduire tôt ou tard les réfractaires droit vers l’échec. Un sort que nous ne saurons accepter coûte que coûte pour notre langue berbère.
Abdennour Abdesselam ([email protected])