«Les captages d’eau menacent la faune et la flore du PND»

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La direction du parc national du Djurdjura (PND), basée à Bouira, a préparé un riche programme pour la célébration de la Journée mondiale de l’arbre, coïncidant avec le 21 mars de chaque année.

Inscrit dans le cadre de son programme de communication, ce programme a comme premier objectif de sensibiliser les citoyens sur certains comportements qui peuvent nuire ou menacer la pérennité de l’écosystème du PND et l’environnement directe des populations de son périmètre. Dans cet entretien, le directeur du parc national du Djurdjura, M. Meribai Youcef, revient sur certains détails du plan d’action tracé par le PND, mais aussi certains nouveaux phénomènes, à l’image du tourisme de masse et de la surexploitation des ressources en eau du Djurdjura, et dont les effets néfastes sur l’écosystème, la faune et la flore commencent à se faire sentir.

La dépêche de Kabylie : Vous êtes le premier responsable du la réserve naturelle, parc national de Djurdjura, à cheval entre deux wilayas. Pouvez-vous nous présenter en quelques mots cet espace ?

Meribai Youcef : Le parc national du Djurdjura est un établissement public, à vocation administrative, qui n’a pas la qualité de la puissance publique. C’est un établissement qui a été créé en 1983 pour assurer des missions en relation avec les populations, les ressources de biodiversité la sensibilisation, la promotion des activités sportives de montagne et l’assistance du territoire pour lutter contre la dégradation des ressources, la limitation des périmètres à vocation stratégique et la lutte contre les incendies de forêts. Ce même territoire a été érigé en parc national, compte tenu des constats initiaux faits sur l’apport quantitatif et qualitatif des ressources de biodiversité des habitats naturels et des paysages qui composent ce territoire et qui font, comme bâtis intégrantes, du patrimoine national. Des tâches qui se font via des opérations de valorisation, d’exploitation et d’éducation à l’environnement, à des fins de la promotion de la recherche scientifique, appliquées de la sensibilisation et de la collaboration sectorielle qui s’exécutent sur son territoire. Sur le plan fonctionnel, le PND a des activités en rapport avec les aménagements, la promotion et la préservation du patrimoine naturel, à la reconstruction des habitats naturels, la réalisation d’espaces d’accueil et de canalisation des visiteurs. Le PND occupe un territoire à cheval entre les wilayas de Bouira et de Tizi-Ouzou. Il est réparti sur le plan opérationnel entre cinq antennes. Deux d’entre elles se trouvent dans la wilaya de Tizi-Ouzou. Il s’agit des unités de Tala Guilef et des Aït Ouabane. Il y a aussi deux antennes qui se trouvent totalement dans la wilaya de Bouira qui sont les unités de Tikjda et de Tala-Rana. L’antenne de Tirourda se trouve, quant à elle, à cheval entre les deux wilayas de Bouira et de Tizi-Ouzou, son territoire est partagé entre les communes d’Aghbalou (wilaya de Bouira) et Iferhounène (wilaya de Tizi-Ouzou).

Vous avez tracé aujourd’hui, un riche programme pour la célébration de la Journée mondiale de l’arbre. Pouvez-vous nous détailler ce programme ainsi que les objectifs attendus, surtout que cette année vous avez ciblé les catégories des moins jeunes, des étudiants et des écoliers notamment ?

Le programme tracé pour célébrer cette journée est placé sous le thème «la forêt et les ressources en eau». Le parc, en dehors de ses activités régulières, a préféré marquer cette journée notamment à travers l’organisation de «concours verts» au niveau de la totalité des secteurs, au profit des élèves des trois paliers. Des campagnes de volontariat de plantation d’arbres sont organisées dans différentes zones du parc, et ce, en collaboration avec plusieurs secteurs. Au niveau du siège central de Bouira, nous organisons également un concours avec la participation des élèves du lycée Hassan El-Alaoui de Bouira, ainsi qu’au profit des stagiaires du CFPA spécialisé en agriculture de Lakhdaria. Ces derniers sont venus pour s’associer à nous, dans l’objectif de célébrer cette journée importante.

L’avènement du tourisme de masse ainsi que la surexploitation des ressources naturelles, en eau notamment, menacent sérieusement l’équilibre de l’écosystème du PND, particulièrement ces dernières années. Quelles sont les actions que vous avez entamées pour la préservation de cet espace et la faune et la flore du PND ?

C’est une question fondamentale, car elle répond pleinement à la raison d’existence du PND, qui est initialement créé pour identifier ses composantes naturelles et l’étude des mécanismes d’évolution des espèces de faune et de flore qui se trouvent sur son territoire. Le PND est aussi reconnu comme une zone clé pour la biodiversité de la haute sphère méditerranéenne, qui se classe le troisième au monde. Le parc national du Djurdjura répond pleinement aux critères d’instauration des mécanismes de préservation de cette sphère. Le PND ne contient pas uniquement des espèces de faune et de flore, mais un ensemble de paysage qui contient tout un panel naturel, qu’on appelle «Écosystème», qui répond aux critères pour l’instauration de mécanisme draconien de préservation et d’orientation au sein de ce territoire. Nous ne pouvons pas omettre de parler du support de vie qui est le socle qui accueille le territoire. Ce dernier est pratiquement unique en Algérie, car c’est le territoire qui a plus d’altitude de toute l’Algérie du nord, il répond à des paramètres géologiques uniques. Des éléments qui font de lui un véritable château d’eau naturel, qui emmagasine les eaux pendant les périodes pluvieuses et qui les restituent par la suite avec une qualité reconnue propre à la consommation, à travers les sources, les écoulements de face, mais aussi à travers les deux résidences des deux versants. Le PND essaye d’améliorer ses performances et ces connaissances en matière d’encadrement et les connaissances techniques, l’importance des espèces, les démarches à prévoir en matière de préservation, d’aménagement et de collaboration avec les scientifiques pour, dans un premier temps, essayer de maintenir la consistance patrimoniale du PND, et, dans un deuxième temps, initier les démarches permettant d’inverser la tendance vers le sens positif de l’extension de ses ressources. Le parc national a ainsi initié un certain nombre d’études scientifiques sur différents aspects et des problématiques qui se trouvent au PND. On citera le cas du singe magot, sa présence dans le territoire et les contraintes majores pour sa préservation. Cette espèce, qui à défaut de se maintenir dans son habitat naturel, s’oriente vers les agro-systèmes et les zones d’habitations, avec toutes les conséquences de ce comportement, notamment sur les populations de ces zones. Ce singe, espèce protégée par excellence et qui n’existe qu’au Maroc et en Algérie, a besoin de nourriture diversifiée et d’espace naturel adéquat. Cette espèce très erratique sur le plan de territoire et sélectif sur le plan alimentaire est sérieusement menacée. L’homme est malheureusement le premier responsable des dégradations survenues sur son environnement, l’appauvrissement des habitats naturels et des prélèvements démesurés des ressources qui constituent la ration alimentaire produite par l’écosystème. Étant un animal, le singe répond aux menaces persistantes de l’humain par un instinct de préservation. L’homme le prive des fruits de bois et de l’eau aussi, dans son propre territoire. Le deuxième point concerne la texture géologique qui assure l’économie des eaux. Au cours de notre étude sur le comportement du singe, nous avons constaté un fait très marquant qui contribue énormément à la production d’un comportement anormal de cet animal vis-à-vis des habitations. Le captage des eaux situées sur les deux versants pour les besoins d’alimentation en AEP, des captages mal en point et qui remettent en cause l’équité entre la demande de la faune et celle des citoyens, notamment dans les zones situées au-delà de 1000 mètres d’altitude. La faune se retrouve souvent sans eau durant les périodes chaudes, donc ils sont obligés de s’orienter vers les zones d’habitations pour s’approvisionner. Ces dégâts empêchent la faune sauvage de s’abreuver dans leur milieu propre. La continuité des espèces de faune est, donc, sérieusement menacée au même titre que la flore. Le maintien des rapports en eau est aussi très important, via notamment la réintroduction de l’agriculture de montagne. Nous recommandons, donc, le maintien d’un débit écologique en basse-saison. Un taux d’écoulement naturel de 30% doit être garanti durant ces périodes. Les collectivités locales peuvent aussi s’orienter vers l’alimentation en moyen de forage.

Les campagnes de reboisement du cèdre sont-elles toujours maintenues ?

Le Parc national du Djurdjura mise beaucoup plus sur la stratégie de préservation. Les opérations de plantation ont été gelées pour l’instant. Actuellement, les capacités nationales en matière de production sont très faibles. Le choix du matériel végétal ne répond pas aux critères nécessaires pour la production de plans d’arbres. Il y a aussi une insuffisance dans la maîtrise des caractéristiques phytosanitaires, également un manque en matière d’entreprises qualifiées pour la réalisation. Aussi la démarche nationale ne met pas en œuvre les mécanismes pour permettre le suivi et la protection des plantations réalisées. À Tikjda, par exemple, les cheptels en liberté menacent à chaque fois les nouvelles plantations. Donc, nous avons préféré orienter nos efforts pour la reproduction naturelle de cet arbre, en minimisant aussi les agressions sur le tissu végétal.

Entretien réalisé par Oussama K.

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