«Notre commune est en souffrance»

Partager

Hocine Brik, la maire intérimaire de Mâatkas, un élu issu de la formation du mouvement populaire algérien (MPA), est un ancien cadre de l’éducation, il est aujourd’hui âgé de 56 ans et père de 7 enfants. Il assure la fonction de maire depuis quelques semaines.

Il a bien voulu répondre aux questionnements de la Dépêche de Kabylie et surtout informer la population locale sur tout ce qui a trait à sa grande commune, comptant plus de 32 000 habitants répartis sur plus de 45 villages. Une commune parmi les plus importantes de la wilaya en termes de population et de superficie, mais le sous-développement continue de malmener les habitants et constitue un véritable casse tête aux élus.

Les citoyens n’ont d’autres interlocuteurs que leurs élus et ces derniers ne jouissent malheureusement ni de grands moyens ni de prérogatives nécessaires pour prendre en charge les doléances légitimes des citoyens. Le premier responsable de la commune, conscient de la situation et de la dure réalité du terrain, a accepté de s’entretenir avec notre quotidien pour, d’une part, éclairer l’opinion publique locale mais aussi alerter les autorités de wilaya et les plus hautes sphères du pouvoir pour les inviter à accorder à sa municipalité une intention particulière, car cette région a donné des centaines de ses meilleurs enfants à la glorieuse révolution de novembre et a aussi payé un lourd tribut lors de la sanglante décennie noire. Il en ressort à travers la discussion que nous avons eu avec M. Brik qu’il est armé d’une volonté de fer pour avancer, mais il demande le minimum de moyens pour être en mesure de réaliser le projet de l’exécutif à majorité MPA, qui sortira la commune de son sous-développement.

«Depuis trois ans, la situation s’améliore mais…»

Depuis l’arrivée de l’exécutif issu du parti de M Benyounès, la situation tend à s’améliorer mais elle reste insuffisante vu l’ampleur du retard cumulé. «Personne ne niera à Mâatkas que la situation a évolué positivement, mais elle reste très insuffisante. Les contraintes des subdivisionnaires (ADE, Hydraulique et la SUC) qui à titre d’exemple ont été invités à réaliser les travaux de leurs secteurs respectifs rapidement, n’ont pas joué le jeu. Aujourd’hui, les travaux d’aménagement au niveau du chef-lieu n’avancent pas au rythme voulu et les axes routiers sont toujours dans un état chaotique malgré nos multiples interventions.

Le DUC lui-même a instruit la subdivision pour aller plus vite mais ce n’est pas le cas», déplorera notre interlocuteur. Sur un autre registre, à savoir celui de l’AEP et de l’assainissement, M. Brik notera : «Concernant l’AEP, nous avons, depuis 2006, élaboré une étude pour rénover le réseau en acier mais l’étude est restée dans les tiroirs des services de l’hydraulique jusqu’en 2013. La première tranche concernant le chef-lieu, Ait Aissi Ouziane, est achevée et à Ait Zaim, les travaux de remplacement de la conduite sont en bonne voie. Pour les nombreux villages restants, nous attendons d’autres projets de la part des services de l’hydraulique. À Bouarfa et Ighil Aouane, l’APC a réalisé sur son budget des réseaux ; il en sera de même pour le village d’Ait Ifrik. Mais pour le reste des villages, l’APC ne peut rien faire car ses moyens sont limités. Il n’y aura que les projets sectoriels qui pourront régler définitivement la vétusté du réseau».

Pour ce qui est de l’assainissement qui était à moins de 40% en 2012, le taux a grimpé à plus de 60% après trois ans. Un réseau de plus de 11 kilomètres a été réalisé à Berkouka. Il est aussi question d’autres réseaux à travers les villages d’El Bir, Ihadaden, Ait Ifrik, Tizi Tzougert, mais les travaux ne sont pas encore lancés. «Une fois ces réseaux réalisés, le taux de 70% sera largement atteint mais il faut aussi rappeler que ces tronçons se déversent directement dans les oueds, il nous faut des bassins de décantation et des stations d’épuration pour préserver l’environnement et la santé publique», demandera M. Brik.

Au sujet du gaz naturel, les travaux sont achevés depuis plus de 5 ans au niveau du chef-lieu communal et des villages de la périphérie, toutefois, la mise en gaz a été retardée par une opposition du côté de la commune de Souk El Tenine. «Nous avons multiplié les démarches pour la mise en gaz du réseau. La sonelgaz prévoit de mettre le réseau en service dans les deux semaines à venir. Pour ce qui est des autres villages, les travaux sont toujours en cours sauf dans le lot concernant les villages Adjaba, Issoubaken et Tizi Lilane, car l’entreprise engagée n’a pas donné signe de vie», informera M. Brik.

Pour ce qui est du réseau de l’électricité une dizaine de postes maçonnés ont été décrochés dont 5 sont opérationnels, 3 en voie de réalisation et 2 sont bloqués faute d’assiettes de terrain. Pour ce qui est de l’extension du réseau, 2 lots ont été attribués pour les villages d’Ait Aissi Ouziane et Tala Medda, mais les travaux ne sont pas encore entamés. «Nous comptons des centaines de foyers non raccordés au réseau de l’électricité les listes sont établies et transmises au secteur concerné qui est invité à faire plus d’efforts», appellera le maire.

«Le réseau routier nécessite, à lui seul, des dizaines de millions de dinars»

Abordé sur les projets de bibliothèque, de la crèche et du stade, notre vis-à-vis n’est pas allé du dos de la cuillère et annoncera : «Notre commune a bénéficié à l’instar de toutes les autres communes, de projets de bibliothèque et de crèche, mais les enveloppes financières allouées à ces deux projets sont insuffisantes. La bibliothèque a été réévaluée par deux fois mais cela n’a pas suffit. Nous avons adressé deux fiches techniques aux responsables concernés au niveau de la wilaya pour son achèvement définitif.

Pour la crèche communale, nous avons injecté 1,2 milliard de centimes sur le budget communal. Les travaux sont en cours. Au sujet du stade, nous ne voyons pas le bout du tunnel. Nous comptons deux clubs SDF qui évoluent dans le championnat de wilaya, mais nous n’avons aucune aire de jeux. Le dossier relatif au stade est ficelé et transmis à la DJS et au wali mais, à ce jour, rien n’est venu. Nous avons aussi une pépinière de talents dans différentes disciplines sportives ; la JSC Mâatkas regroupe 400 athlètes, mais ils évoluent dans des conditions misérables.

Nous demandons à la DJS de nous accorder un projet de réhabilitation de cette salle polyvalente qui, actuellement, ressemble beaucoup plus à un hangar». Concernant le projet de l’extension du siège de l’APC, M. Brik nous apprendra : «Les travaux sont en cours et ont atteint environ 20%. Toutefois, la cagnotte allouée n’est pas suffisante. Nous avons demandé au wali, lors de sa visite, de nous accorder une enveloppe de 10 millions de dinars pour son achèvement, chose qu’il a acceptée.

Mais dernièrement, il nous a instruit de l’intégrer dans le cadre des PCD 2016, ce qui est une chose impossible car nous n’avons eu que 18 millions de dinars. Des doléances urgentes ont été soulevées par la population, il faut les prendre en charge au risque de soulever un tôlé. Il est à signaler que le réseau routier nécessite, à lui seul, des dizaines de millions de dinars vu son état de dégradation avancée, et ce, malgré les efforts de l’APC, lequel compte un réseau de 146 kilomètres. «Notre commune est abandonnée par les pouvoir compétents et nous, élus, sommes jetés dans la gueule du loup», regrettera M. Brik.

«Notre parc roulant est non seulement vieux mais très amoindri»

La commune de Mâatkas totalise 17 écoles primaires, 5 collèges et 2 lycées. L’état des lieux n’est pas reluisant. M. Brik abordera ces secteurs avec beaucoup d’amertume pour dire : «Nous manquons sévèrement d’ouvriers pour l’entretien des écoles, le fonctionnement des cantines scolaires et le gardiennage. Certaines écoles fonctionnent avec un seul ouvrier. Le directeur de l’éducation, le wali et le DAS sont invités à réparer cette injustice. Pour le ramassage scolaire, c’est un calvaire quotidien. Notre parc roulant est non seulement vieux mais très amoindri. Nous n’assurons le transport qu’aux filles et avec toutes les difficultés du monde».

Pour ce qui est du logement et de l’habitat rural, la donne n’est pas meilleure, bien au contraire, puisqu’à Mâatkas, aucun logement social ni dans d’autres mécanismes n’est construit. Les assiettes foncières de l’Etat n’existent pas. Les citoyens se rabattent sur l’aide à l’habitat rural mais là aussi, c’est le système compte goutte qui est appliqué. «Nous comptons 1 132 dossiers ficelés et déposés au niveau de la DLEP, mais nous n’avons bénéficié que d’un quota de 150 aides.

Leur répartition nous a laissés des séquelles inguérissables, mais il fallait la faire», a fait savoir le maire intérimaire. La discussion pouvait encore prendre beaucoup plus de temps, tellement le président avait beaucoup à dire. «Nous invitons les responsables compétents à regarder dans notre direction. Notre commune est en souffrance. Notre population est sage et patiente, mais il faut en contrepartie la faire profiter de son droit au développement», clamera notre interlocuteur.

Hocine T.

Partager