Une lutte et des acquis incontestables

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Plusieurs années sont passées depuis le 20 avril 1980. Plusieurs acquis ont été engrangés, quoi que l’on dise. Tamazight jouit d’un statut national et officiel.

Mais, cette consécration ne doit pas nous faire perdre de vue les sacrifices qui ont été consentis à cette fin. Donc, cette évocation qu’on s’apprête à célébrer, non pas dans la mêlée tonitruante, ni la haine, doit nous inspirer plus d’unité plus de cohésion, pour une tamazight plus unificatrice, plus réaliste, plus homogène, plus normalisée. Parce que sans une langue structurée, il ne saurait y avoir une langue sinon un fatras de parlers désunis où chacun parle son idiome et s’en fout de l’autre. La compréhension inter-dialectale est la condition sine qua non à une intelligence, savamment partagée entre Algériens d’abord et ensuite entre Maghrébins. Il en va de l’avenir et du présent de notre pays. Il ne saurait y avoir de lendemain heureux sans une pensée, sans une stratégie, sans une vision nationalement partagée. Le secrétaire général du HCA a raison de souligné que «le moment est venu, à la faveur aussi du long et appréciable processus d’accumulation scientifique, autre acquis important engrangé d’amorcer la dynamique d’affirmation de tamazight dans sa dimension académique la plus féconde, avec la caution des compétences désormais attestées et avérées dans ce domaine». Il a assuré que pour sa part, il est «d’ores et déjà engagé dans l’édification de la nouvelle étape résultant de l’officialisation de tamazight, sachant qu’il devra essentiellement contribuer à la mise sur rails des projets structurants et d’avenir qui engagent le destin de tamazight, patrimoine de tous les Algériens, en la propulsant vers la modernité». En effet, le moment est venu pour expurger Tamazight de toute la médiocrité qui l’étouffe, car depuis qu’on célèbre Tamazight, bien des réalisations d’une qualité douteuse ont été offertes au public, que ce soit dans le théâtre, le cinéma ou l’écrit. Dans le 4e art, peu d’œuvres méritent qu’on s’y attarde, dans le cinéma idem, nous comptons à peine six films dignes de ce nom, dans l’écrit, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. À part quelque production qui en vaille la peine, il n’y a rien à lire. Une académie formée de linguistes, de sociolinguistes, de grammairiens, d’anthropologues, en un mot de tous les spécialistes, pourrait apporter à cette langue la science qui lui a tant manquée. Certes, l’officialisation principielle du « tamazight » donnera de puissants arguments aux militants de la « cause berbère », mais elle n’aura de contenu concret que celui qu’ils y mettront, en conjuguant leur génie créateur et leur talent. Répondant à une question de Peligri : dans quelle langue rêves-tu ? Mouloud Mammeri, répond spontanément : «Le sais-je ?… Je ne sais pas si la langue de mes rêves tient à des vocables ou à des flexions. J’imagine que la langue réelle adhère aux images, que je rêve en berbère la haute montagne ou en français le monde extérieur, celui pour lequel il faut plutôt des outils éprouvés que les envoûtements de la musique. Je suis sûr que c’est en berbère que je fabule, c’est-à-dire que je construis selon ma plus douce pente, sans souci des lois dures des choses et de leur poids, quand le verbe fait concurrence (non-complaisance) à Dieu dans l’invention. Mais j’imagine que tu m’as posé cette question parce que tu crois que dans le rêve, notre être vrai s’épanche et s’épand, qu’il ne triche plus avec lui-même, parce qu’il a largué les amarres, il a brisé toutes les chaînes dont les règles strictes et une longue éducation avaient entravé les élans fous. Alors, la langue de mes rêves est aussi délestée des flexions, des accords avec le complément direct quand il est placé avant, des «s» au pluriel et de la voie moyenne qu’un air de flûte dans le coin le plus retiré d’une forêt perdue. La langue de mes rêves est une musique que mes mots n’ont pas besoin d’amarrer à des bornes (…)». De Jean Amrouche qui ne sais pleurer qu’en Kabyle, nous serions inspirés à ne prendre que l’essentiel et non l’accessoire pour en faire de Tamazight le socle et le ciment qui nous unissent dans une Algérie riche de sa diversité.

Sadek A.H.

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