L’écrivain aux multiples facettes

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En quelques mots «Boris Vian est, et était là pour frayer brutalement la chronique, bouleversant les pronostics des éditeurs, fausser les prévisions des libraires. Aucun événement littéraire, depuis la Seconde guerre mondiale n’a eu un tel caractère spectaculaire ni une telle ampleur», écrivait Simone Rezzoug dans la présentation de «L’arrache-cœur» paru aux éditions ENAG, en collection de poche en 1988.Pourtant, cet homme n’était pas connu dans les milieux littéraires. Il devient brusquement l’idole de la jeunesse américaine hippie et le chantre des étudiants révolutionnaires en 1968.En Algérie aussi, Boris Vian n’est pas inconnu, puisque la plus célèbre et la plus rebelle a été adaptée par feu Mohia et chantée par Matoub Lounès et Ferhat M’henni au milieu des années 1980. «Le déserteur» en l’occurrence, connue sous le titre “Anid igh-ihekmen” pour la version Ferhat et «Amezzarti» dans la version Matoub. Cette chanson, à elle seule, nous dresse un tableau descriptif de l’auteur qui ne caressait pas les gouvernants dans le sens du poil.Si Boris Vian est connu beaucoup comme romancier, ses chansons, dont le nombre dépasse les cinq cent (500), avec dans la plupart du temps paroles et musiques de sa propre composition, alors que d’autres ont été composées en collaboration avec d’autres musiciens. Henri Salvador est l’un des chanteurs qui ont interprété le répertoire de Vian.Lire Vian n’est pas un exercice facile. Non pas parce que son style est complexe et d’un vocabulaire trop académique, mais c’est l’imagination de l’auteur qui est bizarre, et ses thèmes peu communs, nous renseignent sur la force du verbe et sens d’imagination déroutants. Dans l’Arrache-cœur, l’auteur met en scène une mère trop couveuse et trop possessive à l’égard de ses deux enfants, auxquels elle interdit de franchir la porte de la propriété de peur de voir leur arriver quelque malheur. Au jardin, elle leur interdit de jouer sous les arbres de peur de les voir tomber sur eux. Boris Vian joue avec les mots dans ce roman et invente des mois, aussi bizarres que le reste des personnages : Juillembre,Juiret, Avroût, Novrier, Marillet et Octombre sentent le surréalisme de l’auteur. Les mêmes mois ne portent pas les 30 jours de la réalité, mais jusqu’à 348 jours pour certains d’entre eux. Sacré Vian !C’est vrai que le fait d’épouser les idées surréalistes, veut tout dire et le synonyme assumer des choses complètement différentes, d’où le nom «surréalisme».Ainsi est aussi surprenant l’autre roman de Vian, “l’écume des jours», où le deuxième personnage principal est un grand fan de Jean Paul Sartre. ici, Vian joue aux anagrammes et renverse le nom de l’auteur des «mots», en jean Sol Partre. Le personnage en question dépense une fortune pour se permettre une collection originale des œuvres de l’écrivain. Pis encore, la somme dépensée a été prêtée par un ami pour sa fête de mariage.Boris Vian est né le 10 mars 1920, à Ville-d’Avray. Il suivit ses études secondaires au lycée de Sèvres avant de contracter un rhumatisme cardiaque en 1932. L’interruption de ses études ne tardera pas à tomber suite à la maladie. En 1935, c’est la typhoïde qui s’impose chez le petit Boris, l’année de la première partie du bac avec option grec et latin. Entre 1938 et 1939, les frères Vian animent des soirées de jazz, dans la ville de Ville d’Avray, où Boris se charge de la trompette pour exécuter le style cher à Louis Armestrong et Sidney Bechet. C’est là qu’il crée avec des copains l’orchestre Accord Jazz. En 1939, il entre à l’école centrale des arts et manufactures, d’où il sortira en1942, avec un diplôme d’ingénieur après s’être marié avec Michelle Léglise en1941. Il rejoint l’orchestre Amateur de Claude Abadie, avec qui il participera à de nombreux concerts et tournois.De musique, Vian saute au 7e art et écrit des scénarios cinématographiques de 1942 à 1945. Le 17 novembre 1946, l’orchestre Abadie-Vian triomphe au premier tournoi international amateur de Bruxelles, et publie. «Les Fourmis», recueil de nouvelles dans la revue Les amis des arts. En 1946, il quitte son emploi d’ingénieur à l’ADFNOR, et fait la connaissance de Sartre et Simone de Beauvoir.La même année est très riche en événements, qui changeront le destin de Vian du grand prix pour l’orchestre Vian-Abadie au 9e tournoi amateur de Paris, au bouclage du roman «L’écume des jours», en passant par la publication de «J’irai cracher sur vos tombes», sous le pseudonyme de Vernon Sullivan. Ce célèbre recueil de nouvelles est le premier livre publié et le futur best-seller en 1947. Cette année également ne sera pas moins marquante, puisqu’elle verra la publication de «L’écume des jours» et l’autre roman «Vercoquin et le plancta», ainsi que «L’automne à Pékin» et «Les morts ont toujours la même peau».Si dans l’histoire de la littérature, la grande majorité d’écrivains passent de la poésie à la nouvelle pour arriver au roman, Boris Vian fait exception, puisqu’il fait le chemin inverse. En effet, son premier recueil de poésie «Brahum’s digest» sera publié après la sortie de plusieurs romans et recueil de nouvelles. La naissance de sa fille Carole coïncidera avec la publication de «Et on tuera tous les affreux», recueil de nouvelles et l’adaptation de «J’irai cracher sur vos tombes» au théâtre. Mais, il subira la deuxième plainte contre le recueil sus-cité, avant son interdiction ministérielle en 1949, l’année où Vian plaidera pour Jean Cocteau au cours de l’émission radiophonique «procès des pontifes». En 1951, il récidivera avec la publication de «Le goûter des généraux», et s’alliera pour la vie avec la danseuse Ursula Kübler et devient membre du «club des Savanturiers», fanatiques de science-fiction. Il publiera en 1953 son dernier roman «L’arrache-cœur», et l’interdiction de ses œuvres signées Vernon Sullivan sont amnistiées. Après son mariage avec Ursula Kübler en 1954, il écrira beaucoup de chansons, dont le déserteur. En 1956, il décide de rompre le champ sans interrompre l’écriture de chansons. En 1957, il devient employé à plein temps, chez Philips, comme directeur artistique adjoint pour le jazz, avant de quitter ce poste pour Fontane, comme directeur artistique en 1948, l’année où il réussit à écrire plus de 140 chansons. Il s’essaye l’année suivant au cinéma avec un petit rôle.Ainsi, Boris saute d’un genre à l’autre et d’un emploi à l’autre. Il change d’emplois comme on change de chemises. Il meurt le 23 juin 1959, pendant la projection du film tiré de «J’irai cracher sur vos tombes».

œuvres de Vian : Poésie : Brahum’s digest, Cantilènes en gelée. Je voudrais pas crever.Essais : En avant la zizigue, chroniques de jazz.Romans : Trouble dans les audains Vercoquin et le planctonL’écume des joursL’Automne à PékinL’arrache cœurNouvelles : Les fourmisLe loup garouLes lurettes fourréesJ’irai cracher sur vos tombesEt on tuera tous les affreux Pseudo traductions.

Salem Amrane

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