Le nouveau contexte du redéploiement

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Après le long règne de l’économie administrée jusqu’au début des années 1990, où n’était tolérée que l’entreprise publique- qualifiée plutôt de nationale-, les vertus de la nouvelle mode font valoir la seule entreprise privée. Ce qui correspond à une volte-face à 180 degrés, ne sachant vers quel horizon focaliser l’attention. L’option a été sous A. Temmar, ancien ministre de l’Industrie et de la Promotion des investissements, le « tout-privatisable ». Le bilan de son règne n’est pas très brillant. Un certain nombre d’entreprises qu’il avait privatisées ont été récupérées dernièrement par l’Etat. D’autres sont en voie de l’être. La loi de finances 2016 prévoit, elle, des possibilités de prise de participation dans les entreprises publiques, avec, au bout de cinq, une option d’achat du reste des actions. Ainsi, le destin des entreprises publiques demeure soumis à des politiques conjoncturelles qui peinent à bénéficier d’un minimum de cohérence. En lieu et place d’un débat sérieux et pondéré on eut droit à des « coups de tête »’ sans préavis, à une arrogance qui en dit long sur l’indigence de l’argumentation et, in fine, à des parodies où des modèles fort éloignés de notre univers culturel et politique ont été essayés. Le « tout libéral » n’a pas eu le temps de mûrir sa littérature économique en Algérie. En effet, à partir de 2007, un vent d’incertitude a soufflé sur le monde de la finance et de l’économie à travers le monde et a conduit des ultralibéraux dans le domaine de la décision économique à « revoir leur copie ». On en est arrivé à l’idée que pour sauver le capitalisme mondial, il est indiqué de puiser dans la politique interventionniste et protectionniste, c’est-à-dire, pour une grande part, dans les valeurs de la gauche. Cela a été vérifié aussi bien en Amérique, après la crise des subprimes, qu’en Europe, à la faveur de l’extension de la crise américaine. En Algérie, les impacts de la crise sont affectés d’un effet retard du fait d’une connexion peu intime de notre système financier et bancaire avec le système mondial ; cependant, la situation semble plus délicate lorsqu’on considère le recul des recettes pétrolières, l’amenuisement progressif des apports fiscaux y afférents et le manque de préparation des autres secteurs non énergétiques. Les choses se sont corsées davantage depuis juillet 2014 où la crise des revenus pétroliers a mis à nu les travers de la gestion rentière et de la dépendance du pays aux hydrocarbures. C’est dans ce contexte qu’une nouvelle réflexion s’engagea sur la manière de sortir du piège de la mono-exportation et de la stratégie d’investissement qui devrait la soutenir. Il s’agit, en fait, d’imaginer une nouvelle politique de l’entreprise où la rationalité et l’efficacité puissent transcender la nature juridique (privée/publique) de celle-ci. Car, les solutions proposées ou mises en œuvre jusqu’ici par le gouvernement sont plutôt d’ordre financier et monétaires (bancarisation de l’argent de l’informel, emprunt obligataire) visant à « parer au plus pressé » pour colmater les brèches du déficit budgétaire. En d’autres termes, la solution radicale et idéale, celle de la diversification économique, à travers une politique offensive dans le domaine de l’entreprise de production, demeure encore dans les limbes. Le pouvoir d’achat, le freinage de l’inflation, la création de nouveaux emplois durables, la création de la plus-value et le renflouement du budget de l’Etat ne peuvent se réaliser sans le redressement de l’entreprise algérienne, qu’elle soit publique ou privée, et sans une politique d’investissement audacieuse et inscrite dans la durée. La culture de l’assistanat et de la rente a fait des ravages, non seulement dans l’appareil économique, mais également dans le corps de la société à tel point qu’aujourd’hui, on n’arrive plus à distinguer les éléments qui font partie de ce qu’on appelle, par commodité de langage, le « système ». Un concept qui dit tout et rien à la fois. Cette culture remonte bien évidemment aux premières années où l’Algérie commençait à engranger ses meilleures recettes pétrolières et gazières. C’est-à-dire, au début des années 1980. En 1986, la crise des prix du pétrole allait mettre en difficulté le régime de Chadli Bendjedid. Elle fera exploser la jeunesse en octobre 1988. Après les années du Plan d’ajustement structurel et de la barbarie terroriste, les plans quinquennaux des années 2000 allaient bouleverser la donne des entreprises publiques, du fait qu’on leur « préféra » les partenaires étrangers dans la réalisation des grands ouvrages des infrastructures et équipements publics. L’Accord d’association avec l’union européenne, entré en vigueur le 1er septembre 2005, va exacerber les difficultés des entreprises algériennes, qu’elles soient publiques ou privées. Les opérations d’assainissement, qui ont touché un certain nombre d’EPE entre 2001 et 2008, ont englouti des milliards de dinars et n’ont pas permis de sauver la totalité des entreprises boiteuses. Après avoir récupéré au cours de ces dernières années, quelques entités privatisées au milieu des années 2000, le gouvernement met sur la table, via le nouveau projet du code d’investissement et par le truchement de la loi de finances 2016, l’option de privatisation par « tranches » (66% de prise de participation, dans la première opération, puis acquisition de 100 % des actions au bout de cinq ans). Une telle option, est-elle à même de contribuer à promouvoir l’entreprise algérienne et l’investissement productif, dans un contexte où la mise à niveau technique et managériale de l’entreprise algérienne en général tarde à se réaliser par la requalification de la ressource humaine et l’effort soutenu dans le domaine de la formation?

Amar Naït Messaoud

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