Quand on n’a que la roche pour survivre…

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Tala Bouzrou est un village de la commune de Makouda du versant Sud de l’ancienne confédération d’Ouaguenoun.

Cette localité rocheuse de 12 000 âmes laquelle culmine à 700 m d’altitude, est située à 20 kms du chef-lieu de wilaya et est entourée du village Tarihant à l’Est, du chef-lieu de commune, Makouda, à l’Ouest, de la commune de Mizrana au Nord et enfin de la commune d’Aït Aissa Mimoun au Sud. Sur le plan toponymique, Tala Bouzrou est un mot composé de : Tala qui veut dire «fontaine» et Bouzrou qui signifie littéralement «de roche (s)». En effet, une source qui a été transformée en fontaine par les anciens habitants autochtones, jaillissait à proximité d’un énorme rochet, d’où la prévenance de ce toponyme. Connu pour sa pierre taillée d’un grand raffinement et de décoration, ce beau village antique mais oublié a vu, malheureusement, mourir à petit feu, un nombre important de ses tailleurs de pierres, terrassés par la maladie de la silicose, une pathologie qui n’a pas de traitement, selon un médecin de la région. Et d’ajouter : «80 % de malades atteints de la silicose au niveau de la wilaya sont du village de Tala Bouzrou. Et en plus, 75 % parmi-eux, sont des fumeurs.»

La silicose, une maladie incurable

La silicose est une maladie pulmonaire provoquée par l’inhalation de particules de poussières de silice (silice cristalline). Elle est incurable, mais on peut prévenir l’exposition à la silice au travail. Les travailleurs les plus susceptibles de contracter la silicose sont ceux qui travaillent dans les mines, les fonderies, le forage, le taillage et le martelage de roches, etc. Bien que ce métier soit parmi les anciennes professions pratiquées par les habitants, force est de constater que l’approche actuelle est différente de la première. Voulant améliorer et accélérer leur rendement, tout en ajoutant une touche d’esthétique aux pierres taillées, ces artisans ont intégré des outils électriques dans ce travail, sans pour autant se protéger en prenant en considération les nuisances engendrées par ces machines. En effet, ces tailleurs de pierres utilisent des tronçonneuses pour tailler la pierre. Au contact de ces machines, il se dégage un nuage de poussière qu’ils respirent. Ces particules de poussières se logent, alors, dans les poches d’air des poumons, ce qui cause l’inflammation des tissus pulmonaires, selon les spécialistes. «J’ai travaillé plus de 30 années comme tailleurs de pierres, et je ne suis jamais tombé malade. Ce métier est noble, mais il demande une certaine connaissance et une meilleure approche. J’ai formé plusieurs personnes de toutes générations. Je leur ai transmis mon savoir-faire, s’elles veulent vraiment pérenniser ce travail. Mais, apparemment, elles ne font qu’à leur tête. Et le résultat est dramatique», nous dira un ancien tailleur en retraite. En effet, la majorité de ces tailleurs ne se protège pas convenablement contre ces poussières qui se dégagent. «Je mets juste un foulard mouillé pour me protéger. Et ça, depuis le début de mon métier», nous dira un jeune. Même si la silicose est déclarée comme étant une maladie professionnelle, la majorité écrasante des tailleurs de pierres n’a pas jugé utile de s’assurer. «Je travaille sans assurance. Je sais bien que je suis perdant dans l’affaire, mais c’est comme ça. Les médicaments sont très chers et puis, je prends en charge toute une famille. Quand je tombe malade, c’est une vraie catastrophe», se désolera un tailleur d’un certain âge. Pour les médecins du secteur de Tigzirt, le problème est doublement ressenti : «ces tailleurs de pierres ne viennent chez nous que quand ils arrivent à un stade avancé de la maladie, c’est-à-dire avec une insuffisante respiratoire chronique, et là on ne peut que constater leur situation. On aurait aimé que ces travailleurs viennent régulièrement pour des consultations de prévention. Comme ça, on peut les sensibiliser et les aider, car certains sont de vrais artistes, il suffit de les doter des moyens adéquats de protection qui sont excessivement chers chez nous». Après le décès de plus d’une vingtaine de personnes à cause de cette maladie, la plus part des jeunes tailleurs de pierres ont changé de métier, ces dernières années.

Azrou Imedyazen

Azrou Imedyazen ou (Rochet des poètes, en français) est un site préhistorique, un rochet de forme étrange dans cette région montagneuse et rocheuse. En accédant à ses petites grottes magnifiques, probablement des sanctuaires où se pratiquaient, jadis, des cultes, on tombe nez-à-nez avec des gravures rupestres et des écritures libyques, qui témoignent de la succession de plusieurs civilisations au Nord-africain. Les dessins représentent des animaux et des scènes de chasse. Azrou Imedyazen est considéré comme un lieu de pèlerinage où on demande la protection des Iâassassen (anges gardiens) même si le site est laissé-pour-compte. Au chapitre histoire de la guerre de libération, le groupe Tala Bouzrou, qui avait pris le maquis en 1945, est considéré comme étant le premier dans la région de Kabylie. Il était composé à l’époque, d’Akli Babou, d’Ali Rabia, de Bachir Ahmed et de Semaoun Ahmed. Après l’assassinat du garde-champêtre par Krim Belkacem et la condamnation à mort par contumace de ce dernier, le fils de Dra El-Mizan et signataire des accords d’Evian rejoint le groupe de Tala Bouzrou. Quelques temps après, ce fut le tour d’Ouamrane et Ali Mellah. Selon Youcef Limani, notre interlocuteur, «à la veille du premier novembre 1954, s’était tenue une réunion dans cette localité pour constituer des groupes armés, qui allaient déclencher des attaques contre l’occupant, et ce, à Tigzirt, Azazga et …Blida». Mais la question qui se pose est, Pourquoi à Blida ? Notre informateur dira : «quelques temps avant le déclenchement de la guerre de libération, Rabah Bitat leur avait promis une centaine de combattants à Blida. Mais, 3 jours seulement avant le jour J, il s’était retrouvé tout seul. Et c’est ainsi que Ouamrane est venu à son secours en envoyant une vingtaine de soldats à Blida, à leur tête Moh Said Kasmi du village de Tala Bouzrou. Et même la création de la wilaya VI historique, décidée lors du congrès de la Soummam, a pris ses racines à partir des hommes de la région, qui se sont déplacés jusqu’au Sud en compagnie d’Ali Mellah et Ahmed Chafai».

Des contes et des mythes

Dda Mohend, un homme d’un âge avancé est serein et convaincu de ce qu’il dit. Pour lui, il n’y a qu’une vérité une seule, et ce ne sont, surement, pas ses yeux qui lui jouaient des tours. Il raconte : «à plusieurs reprises, j’ai vu une femme sortir de cette fontaine. Et dès qu’elle me voyait, elle retournait à l’intérieur». Ce récit nous a été relaté par plusieurs personnes, mais pas en témoins oculaires. Il y a aussi cette énigme d’une parcelle de terre très fertile -une chose vraiment très rare dans cette zone rocheuse – qui est restée à l’abandon, car il s’est avéré que lorsque quelqu’un l’exploitait, il mourut avant d’avoir goûté aux fruits de son labeur.

H Moula.

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