Ils sont là depuis les débuts de la guerre au Sahel. Ils baragouinent un arabe incompréhensible, pour avoir quelques sous.
Ils déambulent, de café en bar, pour gagner de quoi se sustenter. Ils, ce sont, les réfugiés venus du Mali et du Niger. Ils ont dû traverser des misères, des bas, rarement des hauts, pour arriver dans notre pays, munis du minimum. Il faut dire qu’il n’y a point de vieux parmi eux. Peut-être que cette notion lapidaire pourrait nous expliquer le phénomène de cette migration forcée par la guerre, le pourquoi de l’absence de vieux du voyage : l’âge. Un jeune a toutes les raisons d’espérer en l’avenir, à une vie meilleure, et un sénior aucune. Cela nous amène à nous interroger sur les raisons qui ont poussé les migrants à faire tout ce périple pour finir à Tizi-Ouzou : Qu’est-ce qui est si tentant, si attirant, attractif dans cette région pour les faire venir ? D’abord, qu’est-ce qu’un migrant ou un réfugié sur le plan sémantique ? En droit international, le «réfugié» est le statut officiel d’une personne qui a obtenu l’asile d’un Etat tiers. Il est défini par une des conventions de Genève (relative au statut des réfugiés), signée en 1951 et ratifiée par 145 Etats membres des Nations-Unies : «Le terme “réfugié” s’appliquera à toute personne (…) qui, craignant d’être persécutée du fait de sa race [son origine], de sa religion, de sa nationalité de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner». Ce statut peut être «perdu» si la situation dans son pays a changé si la personne y est retournée volontairement ou encore si elle a changé de nationalité. Le dictionnaire Larousse définit un «migrant» comme toute personne qui effectue une migration, c’est-à-dire qui se déplace volontairement dans un autre pays ou une autre région «pour des raisons économiques, politiques ou culturelles».
Dès le matin…
Le Petit Robert restreint la raison de ces déplacements au fait de «s’établir». Ceci est encore loin. Restons donc là où nous sommes et observons la vie de ces gens qui n’ont pas choisi leur destin. Dès le matin, ils quittent leurs grabats et envahissent la ville. Aujourd’hui, même les villages de haute montagne n’échappent pas à leur quête de subsides. Larbâa Nath Irathen, Aïn El Hammam, Mekla, Tigzirt, Azeffoun… Ils s’adonnent à la mendicité. D’autres, plus téméraires, slaloment aux ronds-points, entre les voitures, pour demander aux conducteurs de leur glisser une pièce. Parfois, ils forcent la main, surtout aux femmes, pour leur donner 5 ou 10 dinars. Mais cela n’indisposent pas outre mesure les Kabyles qui se montrent très généreux avec ces malheureux. De jeunes étudiants ont trouvé une idée autant noble que géniale, celle d’enseigner à ces migrants le français pour permettre leur intégration : Younes Ali Slimane, étudiant à Tizi-Ouzou, est avec des amis à l’origine du projet « L’école des réfugiés ». «Avec un groupe d’amis, militants des droits de l’Homme, nous avons décidé d’aider les migrants. À force de voir ces hommes, femmes et enfants vivre dans des conditions très précaires, dans des sortes de bidonvilles éparpillés dans la ville, nous avons eu envie d’agir. Pour l’instant, ils sont réduits à la mendicité pour survivre. Bien sûr, nous ne prétendons pas leur apporter une connaissance suffisante du français pour travailler.
Des passants généreux !
L’idée est surtout de leur permettre de se débrouiller pour des choses simples du quotidien, par exemple comment demander une bouteille d’eau. Nous avons réuni un peu d’argent et sommes partis chez un libraire pour acheter des fournitures scolaires. Le libraire s’est montré très généreux avec nous, nous offrant également du matériel. Nous sommes repartis avec un sac rempli. Ensuite, nous avons été dans le camp qui a été improvisé près de la gare routière de Tizi-Ouzou. Nous ne savions pas vraiment comment les aborder et établir le contact. Finalement, nous nous sommes assis par terre et avons commencé à colorier les pages des cahiers que nous avions apportés. Les enfants se sont réunis autour de nous et ont demandé à apprendre. Même des adultes ont voulu se joindre à nous. Beaucoup, cela se voyait, n’avaient jamais tenu un crayon dans leur main. Nous y sommes retournés cinq fois depuis et avons donné des cours de base : l’alphabet, les nombres, les couleurs. Nous nous sommes rendu compte que parmi les langues que nous essayions de leur enseigner, français, anglais, arabe et tamazight, c’était surtout le français et l’anglais qu’ils retenaient. Du coup, nous leur apprenons le français en priorité. D’autres volontaires nous ont rejoints en entendant parler du projet. Nous n’avons pas encore répondu à tous. Nous sommes des étudiants et disposons de peu de temps. Des habitants ont fait des dons matériels. Nous ne voulons pas avoir à gérer de l’argent et nous refusons les dons financiers. Le projet se transforme en projet d’aide aux réfugiés. Nous commençons à nous organiser pour gérer et distribuer tous ces biens aux migrants», nous a-t-il raconté. Nous avons essayé par souci de ne rien rater à propos des subsahariens de prendre contact avec le directeur des affaires sociales. Ce dernier nous rétorquera que ses services ne s’occupaient des migrants mais que c’est la délégation de solidarité de la wilaya qui s’en charge. Qu’à cela ne tienne, nous appelons le standard de la wilaya et demandons à parler au délégué à la solidarité. Dans un premier temps, la préposée nous passe le service des associations. Puis la direction des affaires sociales et la solidarité. De guerre lasse nous avons laissé tomber. Cela écrit, nous avons constaté que les migrants ne fréquentent pas les «meidat er rahma» et qu’ils sont moins nombreux qu’avant le carême.
Sadek A H