«La rue de France», une des plus anciennes artères du centre-ville de Bouira, se transforme durant le mois de Ramadhan en un immense marché à ciel ouvert. L’artère est connue pour son activité commerciale fluorescente mais aussi pour le flux important de bouiris qui y transitent. Comme chaque année en pareille période, la rue voit arriver chaque jour des dizaines de nouveaux marchands. Ces derniers, issus de milieux populaires aux revenus modestes, exercent pour la plupart des activités informelles. Chaque jour aux environs de 15h, des vendeurs dont des enfants à peine pubères mais aussi des jeunes et parfois des pères de familles prennent possession des lieux pour ne les libérer qu’à quelques minutes de la rupture du jeûne. Ainsi, les trottoirs et une bonne partie de la chaussée sont occupés durant plusieurs heures. Des étals de fortunes confectionnés à l’aide de cagettes en bois y sont installés. Faute d’espaces, certains vendeurs se servent carrément de leurs véhicules pour exposer leurs marchandises. Il faut dire que les meilleurs emplacements comme ceux situés à l’entrée de la rue commerçante sont occupés dès la matinée. Les retardataires parmi les vendeurs sont donc obligés de se rabattre sur les rares espaces encore libres. À 15 h 30, l’artère est bondée de commerçants et il ne reste plus aucun espace où s’y installer. La circulation, elle, est interrompue momentanément, car l’accès à la ruelle est complètement obstrué. Les marchandises proposées aux passants, il y a à profusion et de toutes sortes. Mais les plus répandus sont les produits de large consommation. On y retrouve, bien évidemment, ceux qui sont faist maison, à l’image des feuilles de diouls et des différentes variétés de galettes (Matloua, Ftir). Et ce sont souvent des enfants qui proposent ce genre de produits à la vente. Issus pour la plupart de milieux défavorisés, ces gamins s’adonnent à ce genre de travail pour subvenir aux besoins de leurs familles. Il arrive de croiser des enfants qui proposent aux passants des herbes et autres feuilles de laurier, communément appelés Hchich, lesquels entrent dans la préparation des plats ramadanèsques. On y trouve aussi des boissons gazeuses et toutes sortes de fruits, notamment ceux de saison, tels que le melon ou encore la pastèque. On propose également plusieurs variétés de pain. Ce produit, qui est généralement confectionné en boulangerie, est écoulé par des revendeurs. Entreposé dans des bacs en plastique à même le sol, le pain est commercialisé dans de mauvaises conditions d’hygiène, car exposé au soleil, à la poussière et au gaz d’échappement. Idem pour les autres produits. Les boissons gazeuses, par exemple, sont exposées au soleil des heures durant. Les fruits et légumes n’y échappent pas non plus. Mais tout cela n’inquiète pas outre mesure les passants. Beaucoup y font le plus normalement du monde leurs emplettes. Pour certains, c’est un rituel. «Pendant le Ramadhan, je passe presque chaque jour par cette rue. Je viens le plus souvent acheter de la galette faite maison. Je ne peux pas m’en passer. Pour moi, c’est comme un rituel», nous confie un des passants rencontrés dans cette rue. Il arrive de voir des policiers en uniforme effectuer des rondes dans cette rue, mais ces derniers s’assurent plus de la tranquillité des lieux que d’autres choses. Exceptionnellement durant le mois de Ramadhan, les autorités locales «ferment les yeux» sur ce qui se passe au niveau de la rue, même s’il y a beaucoup de choses à dire sur la qualité des produits et des conditions dans lesquelles ils sont écoulés. Ceci étant dit, sans ce marché le mois de Ramadhan n’aurait aucun charme aux yeux des bouiris. Les gens sont, plus que tout, attachés à ce marché qui leur rappelle l’enfance et Bouira d’antan.
D.M.