Le Rebelle impénitent !

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Matoub a aussitôt après sa libération par le GIA qui l’avait enlevé un soir du 25 septembre 1994, écrit un livre intitulé «Le Rebelle». Il en parle : «cet ouvrage est la somme de toutes les souffrances passées. Mon rapt, puis ma libération grâce à la mobilisation de la population a été le déclic qui a déclenché le besoin d’écrire. C’était un moment important dans ma vie. Quand j’ai été blessé la population a été pour moi d’un grand réconfort psychologique. Par contre, le dernier épisode a été très fort, très douloureux. 15 nuits de séquestration, c’est 15 morts consécutives. J’en garde encore des séquelles. C’est ce qui m’a motivé pour écrire ce livre. L’écrit reste comme un témoignage impérissable du péril islamiste auquel certains osent trouver des circonstances atténuantes et vont même jusqu’à le soutenir (…)». « »C’est toi l’ennemi de Dieu ». Je n’ai pas répondu. Ensuite, il a passé en revue tous ce qu’ils avaient à me reprocher. J’ai compris à ce moment-là que mon « procès » se préparait. En tête des chefs d’accusation, évidemment, mes chansons. « C’est à cause de tes chansons que la Kabylie est en train de sombrer dans le néant, c’est toi le responsable ». Je n’avais donc d’autre choix que d’abandonner, je devais cesser de chanter. L’exemple, le modèle qu’ils me citaient sans cesse était celui de Cat Stivens que tous appelaient de son nom musulman, Yusuf Islam. Ce très grand chanteur avait décidé du jour au lendemain de quitter sa vie passée pour embrasser l’islam et rejoindre  » les rangs du djihad « », a-t-il écrit. Il est vrai qu’il avait souffert et beaucoup souffert lors de sa captivité. Il racontait que plusieurs fois, il l’allongeait par terre et faisait la prière du mort sur son corps. Ils lui ont appris à prier et lui ont fait jurer sur le Coran qu’il ne chantera plus. On parlait alors du syndrome de Stockholm qui consiste à amener l’enlevé à avoir de la sympathie pour son ravisseur. En Kabylie, tout le monde se tenait le ventre et attendait que l’on annonce l’égorgement de Matoub. On a attendu plus de 15 jours sa libération. Puis ce jour arriva. On l’a relâché à Ath Yenni le 10 octobre à 20h. C’était la joie, les liesses, tous les fans de Lounes convergeaient vers Taourirt Moussa. Mais Matoub ne pouvait recevoir tout ce monde. Il était fatigué fourbus, et devait s’en débarrasser de ses souvenirs de captivité. Mais il y avait des gens, à l’époque, et pas n’importe qui, qui pensaient que «c’est un auto-enlèvement, qu’il était à l’abri dans une maison à Ath Eurbah (Iboudraren) et que bientôt, il réapparaitra saint et sauf». Et puis, Lounes Matoub, pas plus de quatre ans après, est tombé comme un chêne de Kabylie ou des Aurès. Il est mort debout, les armes à la main.

S.A.H.

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