La voix éternelle

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Par S. Ait Hamouda

La voix de Matoub Lounes ne laisse personne indifférent, surtout accompagnée d’un verbe explosif, détonnant et chargé de poudre. Matoub n’a pas cherché à se mettre au devant de la scène, elle est venue à lui pas comme un méchant cadeau mais comme une récompense méritée pour son combat. Il était de toutes les batailles pour l’identité la justice sociale, les droits de l’homme, l’Algérie…C’est que toutes ces batailles l’ont délégué l’ont élu, l’ont désigné parce qu’elles ont trouvé en lui l’interprète idéal et le combattant sans concessions et sans à priori. Il était entier, total et sans complaisance, même envers les siens. C’est pourquoi il a été reconnu de par le monde comme un chanteur, un artiste et un poète universel dans tout ce qu’il représente de sincère, de juste et de sempiternel gouailleur. N’est ce pas que son public est pluriel. Il est dans les jeunes, les adultes, les femmes et les hommes, les fonctionnaires, les gens aux ordres, les chômeurs, les voyous. Tout le spectre social avec ces bons et ces moins bons. Il a chanté comme personne avant lui, la révolution dans ses labyrinthes, ses méandres, ses dédales, ses incertitudes et ses promesses. Il a chanté Boudiaf, Djaout, Boucebci, Yefsah et tant d’autres sans jamais se compromettre ni avec le pouvoir, ni ses sbires, ni avec les opportunistes, ni les parvenus de la vingt-cinquième heure. Il est resté propre jusqu’au vertige, jusqu’à perdre haleine, jusqu’à la pureté mythique, jusqu’à la mort. Et pourtant, elle l’attendait au détour d’une rue, dans un virage ou devant chez lui. Peu importe où, mais elle -la mort- était dans ses chansons celle qui occupait le plus de place. Elle l’avait épargné ou raté plusieurs fois : la première fois, il a été mitraillé à Ain El Hammam, une deuxième fois poignardé par un voisin et une troisième fois kidnappé par le GIA qui n’a pas osé ou voulu le tuer…Mais il n’en avait cure, malgré les blessures, les poches d’évacuation qu’il portait, avant son enlèvement, il ne ratait pas un match de la JSK. C’est qu’il était on ne peut plus honnête avec lui-même et avec les autres. La preuve, prenez le fourgon, le taxi, le bus, attablez-vous à une table de bar ou d’estaminet, vous aurez Matoub en boucle. N’est-ce pas la meilleure preuve de sa popularité de son aura, de son legs inestimable. Mais comme la faucheuse ne pouvait rater plus de trois fois son bonhomme, elle l’a attendu, cette fois, au détour d’un virage en épingle à Tala Bounan. Il avait résisté rendu coup pour coup, mais c’était irrésistible et il est tombé comme un arbre, il est mort debout Lounes.

S. A. H.

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