«Un sur trois ne paye pas sa facture»

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Des actions de protestation se multiplient au niveau de la wilaya de Tizi-Ouzou. Des villageois ferment des sièges de daïras et d’APC pour exprimer leur ras-le-bol quant aux pénuries d’eau. D’aucuns pensent que la gestion de la distribution de l’eau laisse à désirer. Qu’en est-il exactement du terrain ? Le directeur de l’unité de Tizi-Ouzou de l’Algérienne des eaux, M. Amar Berzouk en l’occurrence, apporte quelques éléments de réponses.

La Dépêche de Kabylie : Au préalable, pouvez-vous nous dresser un état des lieux de la situation qui prévaut à la wilaya de Tizi-Ouzou?

M. Amar Berzouk : Actuellement, la situation ne diffère pas des situations des années passées. Elle est, du moins, un peu critique. Nous produisant entre 250 000 et 300 000 m3 par jour, soit 180 à 200 litres par habitant. Nous essayons de toucher les 1 540 villages de notre wilaya. Nous gérons 165 stations de pompage, 191 forages, environ 7 000 kms de réseaux tout diamètre confondu, 6 stations de traitement, une station de dessalement et 1 345 réservoirs. Mais j’avoue que la gestion du réseau de distribution nous pose problème, vu le relief accidenté la situation géographique des villages et le manque du personnel, notre tâche s’avère un peu difficile.

Des pénuries d’eau sont décriées un peu partout au niveau de la wilaya. Peut-on savoir les causes exactes de ces problèmes ?

À vrai dire, il n’y a pas de manque d’eau au niveau de notre wilaya. Nous produisons entre 250 000 et 300 000 m3, comme je le disais, une quantité qui peut alimenter une population de plus d’un million d’habitants. Mais le problème se situe au niveau du réseau de distribution. Le secteur souffre d’un manque terrible en personnel, chose qui influe négativement sur le bon déroulement de l’opération de distribution, de la maintenance et du suivi du réseau. Même si la situation est un peu critique, elle ne diffère pas trop des situations des années passées. Avec un effectif de 1 600 travailleurs, toutes fonctions confondues, et 1 540 villages à gérer, il est pratiquement impossible de placer un agent dans chaque village pour veiller au bon fonctionnement du réseau. Car les différents réseaux ne sont pas toujours sécurisés et ils font, souvent, l’objet de manipulations et de piratages : c’est tout le monde qui se mêle, des gens se permettent de toucher aux réseaux, de vanner, de fermer pour son voisin, de faire des piratages. Et si on ajoute à ça le relief accidenté de nos localités, notre mission s’avère des plus difficiles dans l’acheminement de l’eau dans tous les foyers. Il faut signaler, également, que les délestages d’électricité se répercutent négativement sur le fonctionnement de nos stations, dans le sens où ces coupures provoquent l’arrêt de nos stations de pompages. Quoi qu’il en soit, le fait de produire cette quantité est déjà un grand pas.

Justement, y a-t-il des démarches palliatives à ces carences ?

Nous essayons de rendre notre présence plus visible sur le terrain, d’être à la page avec nos moyens de bord et d’être, surtout, à l’écoute du citoyen. Des opérations de réfection du réseau sont de plus en plus en amélioration, mais le problème d’eau est une affaire qui concerne tout le monde. Une utilisation raisonnable de ce liquide par le citoyen pour limiter ce gaspillage à outrance peut constituer une avancée, à long terme, dans la solution de ce problème. Car la réponse au manque d’eau réside également du côté du civisme si on veut vraiment pérenniser une solution, car toute solution conjoncturelle dans ce secteur ne peut durer longtemps. Autant prévoir des issues à long terme pour pérenniser une solution. Pour commencer ce projet, je dirai : arrêtons de faire du mal à l’eau. Nous devons penser aux générations futures. Je citerai cet ouvrage à Souk El Djemâa qui est le plus vieux de l’Algérie, il date de 1947 et il est fonctionnel jusqu’au jour d’aujourd’hui et il continuera à fonctionner jusqu’à la fin.

Qu’en est-il de la suspension d’alimentation en eau potable de la capitale par le barrage de Taksebt ?

Le barrage de Taksebt est un ouvrage de mobilisation d’eau potable. Il rentre dans un schéma national, donc il doit alimenter les wilayas suivantes : Boumerdès, Alger, Tipaza et Blida en attendant le fonctionnement du barrage de Souk N’Tlata. Je vous signale que la partie sud de la wilaya de Tizi-Ouzou est alimentée par le barrage Koudiat Acerdoune, situé dans la wilaya de Bouira.

Dans vos précédentes déclarations, vous avez soulevé le problème des créances. Où en est-on actuellement ?

Une créance énorme qui s’élève à 150 milliards de centimes répartis comme suit : 40 milliards des APC, 20 milliards de l’administration en général et le reste c’est une créance des ménages. Je tiens à signaler, aussi, qu’un tiers des foyers, c’est-à-dire plus de 100 000 foyers, de la wilaya ne dispose pas de compteurs, donc par ricochet, il ne paye pas la facture d’eau.

Un mot sur le conflit d’Illiltène…

C’est les vieux démons qui refont surface. L’eau qui est une bénédiction est devenue une malédiction. On dit en Kabyle «Aman d lehna, uɣalen d nneqma», (une paix qui est devenue une contrariété). Il y a de l’eau pour tout le monde à condition de laisser les gens travailler. On m’a sollicité pour contribuer à la solution dans la gestion de ce conflit. J’ai été sur place pour aider à rétablir la situation. Il faut que ça cesse et que les gens se retirent du conflit et laissent place à l’État pour qu’elle fasse ce qu’elle a à faire.

Entretien réalisé par Hocine Moula.

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