La richesse hydrique n’est pas synonyme de la disponibilité de l’eau

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Le secteur de l’eau à travers la wilaya de Tizi-Ouzou est toujours en souffrance, en dépit de la richesse hydrique dont jouit la wilaya et des efforts consentis par l’état pour faire parvenir ce liquide rare et précieux au millier de villages que compte la région.

Dans certains villages, comme c’est le cas au versant Sud de la wilaya, l’eau potable est rationnée en hiver comme en été. En période estivale, quand la demande augmente, l’eau se fait de plus en plus rare, ce qui pousse la population à des actions de rue. Les routes sont barrées et les sièges de mairie et de daïras fermés. Des marches et des sit-in sont devenus monnaie courante, ceci dans l’optique de demander une distribution régulière et équitable de ce liquide indispensable à la vie de tous les êtres. Ces derniers temps, d’autres problèmes relatifs à l’eau ont occupé les unes des journaux. Le risque de voir des frères s’entredéchirer pour cette ressource n’est pas à écarter. Cela confirme, on ne peut mieux, la thèse soutenue par l’UNESCO et L’ONU, qui ont, dores et déjà prédit que les futurs conflits entre nations seront à base de l’eau. Nous avons, pour comprendre cette situation peu confortable que vit notre wilaya, examiné de près ce dossier. Tizi-Ouzou est une région montagneuse, caractérisée par un relief accidenté elle est parmi les régions du pays les plus denses en population (une moyenne de 400 habitants au km2), avoisinant les 1 200 000 habitants. Ces reliefs sévèrement accidentés par endroit et cette densité importante des populations posent des contraintes dans sa production, son acheminement et sa distribution. Ces contraintes dans l’exploitation des ressources hydriques sont pour bien des cas à l’origine du manque d’eau à travers les villes et les villages.

Un patrimoine hydrique, le plus important du pays mais…

L’abondance de cette ressource n’est pas forcement synonyme de sa disponibilité dans les foyers. Son exploitation est rendue compliquée par la nature du relief, la vétusté du réseau de distribution et son importance et le coût du mettre cube d’eau, lequel revient au final à l’ADE est entre 35 et 40 DA alors que l’entreprise ne le vend qu’à 6.50 DA. Si l’on ajoute à cela toutes les eaux qui se perdent dans la nature, les factures impayées et les piratages, en plus de sa gestion dans certains villages par les comités de village, on comprend la difficulté de rendre l’eau disponible dans les foyers au moins à raison de quelques heures par jours. Le pari est grand, l’ADE peut-elle le relever ? La population l’espère en tous cas. Il est tout a fait établi que l’état a consenti des efforts ayant rendu les indicateurs socio-économiques de la wilaya satisfaisants par rapport au reste des régions d’Algérie. Officiellement, chaque citoyen bénéficie de 165 l / j. Mais sur le terrain, il y a une forte disparité entre les communes et les villages, par endroit, le citoyen ne bénéficie que de 20 l /j, voire moins, ce qui est bien évidemment au dessous de la norme. La fréquence de distribution pose aussi un véritable problème de disparité flagrante. En effet, il y a des régions qui reçoivent de l’eau 24/24h, alors que d’autres ne l’a qu’une fois par 15 jours, et à raison de deux à trois heures surtout, bien sûr, en été. Il faut aussi signaler que le taux de raccordement au réseau AEP est de 98.8%, ce qui est un chiffre éloquent mais les conduites sont souvent en acier, donc vétustes et mal entretenues. L’algérienne des eaux n’arrive plus à réparer les innombrables fuites. Pire encore, l’ADE et certaines APC, qui ont affiché de la volonté pour juguler le problème des fuites, ne sont pas arrivées à le faire. Les moyens matériels et humains sont insuffisants devant la gravité de la situation. Pour compliquer encore la tâche à l’ADE, le relief sévèrement accidenté demande la réalisation de plusieurs stations de refoulement. Les factures d’électricité de l’ADE s’élèvent à 50 milliards de centimes par années. Chose qui retarde le développement et la réhabilitation des réseaux.

Le secteur de l’eau est névralgique

Le secteur est névralgique, car toutes les activités socio-économiques (les établissements publics, hôpitaux, unités industrielles, entreprises de bâtiment, commerces, abattoirs… sont tributaires de la disponibilité de l’eau. La direction de l’hydraulique, chargée de la mobiliser et de l’acheminer vers les foyers et les unités de productions, consent de grands efforts pour la mobilisation de la ressource de diverses origines (alluviale, superficielle, de sources ou de dessalement). Ce stratégique secteur reçoit, chaque année, des financements conséquents de la part du pouvoir central, en plus de quelques budgets communaux et de wilaya. Mais jusqu’à présent, les objectifs ne sont pas encore atteints. La réalisation de nouveaux barrages, la réfection des anciens réseaux en acier et la construction de nouveaux réservoirs ne se font qu’à pas de tortue. Les besoins de la population sont toujours croissants et malheureusement, la disponibilité de l’eau risque fort de faire fausse route, si le secteur concerné ne met pas les bouchées triples. La création de nouveaux centres urbains, à l’instar du pole de Oued falli, Tamda, Tizi djamaâ, entre autre, pose une contrainte majeure pour le secteur en terme d’adduction et de mobilisation de l’eau, car les adductions existantes sont souvent sous dimensionnées.

1 170 réservoirs à travers la wilaya

Le patrimoine hydrique de la wilaya est très important. Son réseau d’adduction est de 2 674 Kms et celui de la distribution est de 3 168 Kms. Il est aussi recensé 166 stations de pompage qui utilisent une quantité considérable d’électricité et quelques 1 170 réservoirs d’une capacité de stockage de 369 085 m3 qui représente 13% de tout le patrimoine national. Huit cents pompes tournent H24, avec des opérateurs qui se relaient pour entretenir les équipements. Cet important patrimoine subit, chaque jour, des agressions de tous genres, mais ce sont les chantiers de gaz qui ont occasionné le plus de dégâts, sachant que la remise en l’état est un problème qui touche l’ensemble des chantiers de la wilaya. Les potentialités hydriques de notre wilaya sont estimées, toutes sources confondues, à environ un milliard cent millions (1 100 000 000) de m3. Sur ce volume, on arrive à mobiliser 224 millions. Ce qui, théoriquement, peut couvrir de manière significative les besoins de notre région. Le volume de stockage est appréciable mais avec les nouveaux transferts, d’autres réservoirs doivent être construits afin d’atténuer la fragilité des réseaux en ayant une certaine autonomie en cas de pannes. Malgré l’existence de certains problèmes récurent, comme les oppositions des citoyens, les retards mis pour la réalisation de certains projets, à l’instar du raccordement en énergie électrique de certaines stations de refoulement, sont injustifiables. L’eau régularisée pour les besoins de l’agriculture n’est pas exploitée de manière rationnelle. Aucun organisme de gestion n’a vu le jour. Cette ressource est gérée anarchiquement et sert souvent pour les cultures spéculatives. Malgré les efforts fournis dans le domaine de la mobilisation et des transferts, à l’image de taksebt pour le flanc Nord et de celui de koudiet pour le flanc Sud, la région de Bouzeguéne reste le point noir de notre wilaya, car c’est la seule qui manque de ressources avec l’accroissement des populations et des besoins.

L’importance de réaliser de nouveaux barrages

L’importance de la réalisation d’au moins deux nouveaux barrages est tout indiquée pour augmenter la capacité d’emmagasinement de la wilaya et sécuriser le patrimoine hydrique pour la décennie à venir. Les travaux de débroussaillage dans le barrage Souk N’tlata sont terminés, et la creusée des tunnels avance malgré des problèmes persistants, tel que le manque de main d’œuvre qualifiée, mais le manque de ciment risque d’engendrer du retard. Celui de sidi Khelifa peine encore a démarrer, car il est au stade de la levée de contraintes. Ceux de sidi Khalifa et Bounachi sont toujours en stand-by. La régularisation d’une partie importante de la ressource de surface à travers le barrage de taksebt mais aussi l’achèvement du barrage de souk tlata, de sidi khelifa, de bounachi et celui de zaouia, donneront une autonomie de 05 années pour la wilaya de Tizi-Ouzou. Les services de l’hydraulique ont fermé plus de 40 forages réalisés à coût de milliards mis hors service par le phénomène de l’extraction de sable. L’extraction illicite de sable semble être un problème insurmontable pour notre wilaya. Tous les walis venus à Tizi-Ouzou, n’ont pas réussi à éradiquer ce phénomène, malgré le danger que représente ce phénomène. Signalons que si les services concernés arrivent à exploiter de manières efficientes les eaux souterraines, les eaux de surface constitueraient une ressource de sécurité

Un manque de 100 000 compteurs à gagner

La distribution et la gestion de l’eau assurée par l’ADE restent des problèmes majeurs, étant donné que l’entreprise en question manque cruellement de moyens humains et techniques. Elle n’arrive plus à assurer ses engagements vis-à-vis de ses abonnés. La vétusté des réseaux, leur importance et les problèmes de gestion rendent sa tâche très ardue entrainant des retards dans ses interventions et surtout de l’inefficacité ce que le citoyen considère comme de la négligence, voire du mépris. Le manque de personnel et de moyens techniques au niveau des subdivisions est aussi un facteur à l’origine du mécontentement des populations. Le début des travaux de réfection des réseaux va forcément résoudre en partie le problème de gestion en limitant les fuites. Le taux de déperdition de l’eau avoisine 63%, cela a un cout financier. Le piratage et les piquages illicites des réseaux sont aussi une contrainte de gestion du fait que de grandes quantités d’eau produites échappent à la facturation. L’ADE de Tizi-Ouzou facture pour 270 000 foyers, alors que la Sonelgaz avoisine les 400 000, on peut donc estimer le manque à gagner de plus de 100 000 compteurs. C’est comprendre que l’ADE a d’énormes potentialités, mais il faut un plan de redressement et surtout beaucoup d’argent, alors que celui-ci vient à manquer par ces temps de crise économique et de chute du prix du baril de pétrole. Il faut vite trouver d’autres sources de financement.

Hocine T.

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