Il y a manifestement problème dans l’apprentissage des mathématiques au point où l’on peine à constituer une classe de sciences exactes de 20 élèves dans un lycée de 1000”.Ce constat n’est pas une fantaisie de journaliste en mal de scoop, mais bien la lecture officielle de l’institution chargée de l’éducation de nos enfants ! Comment expliquer cette déchéance dans une matière dotée des plus forts coefficients, de volumes horaires importants, de séances matinales choisies, au moment où les élèves brillent dans les savoirs à fort taux de mémorisation comme l’histoire et l’éducation religieuse ?Nos enfants sont-ils des tarés congénitaux ou est-ce l’école fondamentale qui a aplani la bosse des mathématiques chez nos potaches ? L’évaluation des préjudices occasionnés par 20 ans d’expérimentation des méthodes d’apprentissage conçues pour des attardés mentaux en occident n’a jamais été faite. On a subrepticement affiché la fin des travaux de ce chantier destructeur et chargé les mêmes acteurs de se remettre en question et de faire des miracles !Il y a incontestablement l’avant et l’après école fondamentale. C’est dans les récentes tentatives de remèdiation, de reconstruction d’une école performante que l’on découvre l’ampleur des dégâts. La faiblesse en mathématiques est bien circonscrite dans le temps. Elle est l’un des fruits amers de ces deux décennies d’école “Fawdha-mentale” comme la qualifie si finement le bon sens populaire !C’est pour poser la problématique de l’évaluation scolaire en général à la lumière des réformes récentes introduites dans les programmes, notamment l’adoption de l’approche par les compétences, que la direction de l’éducation a réuni successivement les proviseurs le dimanche 5 et les DEF le lundi 6 février, deux importants regroupements abrités par le lycée technique Ihaddaden, auxquels ont assisté les inspecteurs des diverses disciplines.Après l’introduction de M. Melais, directeur de l’éducation, son explication de l’ordre du jour et la mise en situation des 130 personnes présentes dans l’amphithéâtre, le chargé de l’orientation scolaire a présenté, projection vidéo à l’appui, une lecture des résultats scolaires des candidats au BEF 2005, une étude statistique sommaire dégageant les généralités et les tendances lourdes de l’éducation dans la wilaya.
Faible en maths, donc nul en langues étrangères !
Sans grande surprise on apprendra que durant la décennie 1996-2005, les résultats scolaires dans cet examen charnière qui sanctionne les 16 ans de scolarité obligatoire, ont connu une stabilité dans la médiocrité oscillant entre 40 et 50 %. L’année 2005 est venue sanctionner cette latence par une régression de plus de 10 points puisque le taux de réussite a dégringolé à 39%.Le conférencier a tenté d’établir quelques corrélations significatives. Sans trop s’attarder, il démontrera que quand un élève est faible en mathématiques, sa note en langues étrangères (anglais et français) ne dépasse pas la moyenne. Certains intervenants relèveront au passage quelques anomalies comme ces 853 candidats qui ont obtenu 20 sur 20 en éducation physique et sportive, ou encore ce sujet d’éducation civique composé sur une seule leçon étudiée de façon facultative au premier trimestre, alors que la règle usitée en la matièreimpose la construction d’un sujet à difficulté graduelle incluant des savoirs répartis sur au moins les deux tiers du programme.Le débat qui s’en est suivi n’a pas brillé par l’efficacité tant les conditions du regroupement ne se prêtaient pas au travail intellectuel. Quelques réflexions intéressantes ont néanmoins émaillé le brouhaha de chefs d’établissements infantilisés transformés par la logique administrative en porteurs de courrier, et en souffre douleur de chefs de service déshumanisés.La faiblesse en mathématiques corroborée par l’étude des résultats du premier trimestre 2006 a pris la part du lion dans ces interventions désordonnées. On évoquera dans le registre des causes de cette grande déficience l’absence de continuité dans les programmes entre les cycles primaire, moyen et secondaire. Elle est illustrée par des écarts types de 3 à 4 points dans les résultats des élèves qui changent de palier ! Ainsi un élève qui accède au CEM avec 14 sur 20 se retrouve avec une moyenne autour de 11 au premier trimestre de sa première année moyenne ! Le même phénomène est observé entre le collège et le lycée où l’adaptation est encore plus problématique parce que souvent compliquée par une orientation inadaptée, voire hasardeuse.L’université, quant à elle, souffre d’absence de pré requis scientifiques de base chez les nouveaux bacheliers qui redoublent leur première année ou changent de filière dans des taux qui dépassent les 50 %.
Programmes dépassés, enseignants mal formés, effectifs surchargés
Les participants ont stigmatisé la maigre maîtrise de la didactique des mathématiques par les enseignants du primaire, cette catégorie d’éducateurs étant constituée en général d’éléments recyclés par l’institut des techniques de l’éducation (ITE) après leur échec au Bac, remarque valable également pour les professeurs du cycle moyen ayant un niveau inférieur à Bac+ 2.On a également évoqué la suppression des séances hebdomadaires d’exercices, des séances de calcul mental annihilées par l’introduction de la calculatrice, le travers imposé par les coefficients, et d’autres aléas propres à la discipline avant de recenser les nombreux facteurs exogènes politiques, idéologiques, démographiques, historiques voire géographiques, des fatalités contre lesquelles personne ne pourrait rien faire.“Les programmes sont tellement longs que les cumuls des leçons non effectuées représentent sur le cursus une année scolaire complète. Les effectifs des divisions pédagogiques avaient souvent frisé la barre de 50 élèves par classe, et les enseignants mal formés avaient trouvé là le terrain favorable à la paresse et à la régression. L’année blanche occasionnée par le boycott scolaire a exacerbé le poids des effectifs dans l’échec scolaire. Actuellement, la génération du boycott est arrivée au lycée et il n’y a pas de division avec un effectif inférieur à 45 !”,affirme un proviseur qui regrette de ne pouvoir analyser les premiers apports de la réforme initiée depuis trois ans.N’ayant pas été réunis dans des conditions matérielles favorables à un travail scientifique concis et sans complaisance, les participants sont restés au niveau des généralités contreproductives qui confortent cette asthénie ambiante. Le directeur de l’éducation dans son mot de clôture a exhorté les chefs d’établissement de se ressaisir, lesquels directeurs rejetteront la balle aux enseignants qui ne manqueront pas de trouver trop faibles les élèves qu’on leur affecte avant que ces derniers aient effectué le premier exercice. Apparemment les mathématiques c’est comme les salaires, leur faiblesse est un problème national qui échappe au ministère de l’éducation.
Rachid Oulebsir