Malgré les différentes campagnes lancées par les autorités pour éradiquer les baraques et autres quartiers précaires, il existe toujours des haouchs insalubres à Bouira où des familles continuent de vivre.
Des familles entières «survivent» dans ces coins qui enlaidissent le décor de la localité. Composé de plusieurs membres, parfois enfants, petits enfants, parents et grands parents, et ne disposant pour tout abri que d’une, deux ou au mieux trois pièces d’une exigüité dépassant toute imagination, des familles continuent à subir les affres de la vie. Autant dire tout de suite que la situation de ces familles auxquelles nous avons rendu visite mercredi dernier est des plus critiques. Il est près de midi et le mercure venait de grimper d’un cran lorsque nous frappons à la porte de Saïd (appelons-le ainsi), le frère aîné des cinq membres de la fratrie. Pour ce faire, nous traversons une cour commune miniaturisée où sur un petit réchaud à gaz cuit le repas de midi. La pièce où nous pénétrerons ensuite est de dimension si réduite que le problème d’espace doit se poser de manière vitale pour les cinq occupants, le père, la mère et les trois enfants, dont le plus âgé a 18 ans. Pour le mobilier, nous ne remarquons que deux canapés se touchant par un bout. «Ça c’est mon lit, et ça c’est celui de mon aîné. Quand nous voulons nous changer, nous sortons dans la cour», dit le père. En vain, nous cherchions les autres lits, et en vain nous nous demandions où les autres pouvaient se mettre pour la nuit. En effet, les deux meubles occupent avec l’armoire en face de la porte presque les deux tiers de la pièce. «C’est là que nous vivons depuis 56 ans», commente la femme, les yeux remplis de larmes de détresse. Le même sentiment de désespérance, nous le lisions dans le regard de la mère de cette famille et dans ceux de ses quatre filles assises dans la pièce à côté et où l’air surchauffé par le plafond bas ne doit pas avoir l’occasion de se renouveler beaucoup. L’une de ces filles a 38 ans, l’autre 24 ans. La benjamine, 22 ans, est étudiante. Elle devrait se poser pour elle aussi tout aussi vitalement la question d’espace ainsi que pour les autres frères mariés et ayant respectivement un et deux enfants. L’aîné des cinq frères assure que l’un d’eux se couche dans la cour. «Quand il pleut, le sol est complètement inondé et nous sommes obligés de vider les chambres pour évacuer l’eau et nettoyer», dira-t-il. On se doute qu’avec le manque d’espace, la vie n’est déjà pas rose pour cette famille nombreuse. Mais, il y a le chômage, pour les cinq frères dont le plus jeune a 35 ans, et son lot de soucis. Non seulement ils peinent à assurer leur subsistance, mais ils sont confrontés aux problèmes de loyer. Notre interlocuteur nous a assuré qu’il payait pour les trois pièces 6000 dinars par mois et que le propriétaire demande une augmentation de loyer. Ce n’est pas tout, se pose tout aussi dramatiquement la problématique de la salubrité et dans ces taudis, le risque est permanant et matérialisé par l’invasion des rats. Deux des frères ont été mordus par des bestioles à des intervalles très rapprochés. L’un des frères nous expliquait, en effet, qu’il y a environ 25 jours, il se faisait mordre à la tête par un gros rat alors qu’il dormait, il venait de terminer son traitement. Du côté du propriétaire, nous apprenions que les locataires de ce «haouch» ne s’acquittaient pas de leur redevance, que l’affaire est en justice depuis 10 ans et qu’il est détenteur d’une décision de démolition. Mais, pour des considérations purement morales, il s’abstient de toute intervention pouvant déboucher sur une expulsion par la force publique.
Aziz Bey