Le malade dialysé souffre parce qu’il est obligé de faire la dialyse trois fois par semaine et rester branché quatre heures aux appareils, ce qui lui fait vivre un calvaire.
À cela s’ajoute le nombre de malades en hémodialyse qui s’élève actuellement à 130. «C’est une usine, ce n’est plus un service», estime le Dr Ziani, médecin chef de la néphrologie et hémodialyse de l’hôpital Frantz Fanon de Béjaïa, que nous avons rencontré dans son bureau. Nous nous sommes aussi entretenus avec des pères de famille dont des malades, parfois très jeunes et souffrent depuis des années. Certains se soignaient par des corticoïdes qui leurs ont provoqué des diabètes conjugués à leur insuffisance rénale. Dans pareils cas, des interventions périodiques qui s’imposent reviennent à 300 000 dinars pour chaque intervention. Ce qui constitue une charge très pesante pour certains malades ou parents de malades à revenu modeste ou carrement dérisoire. Nous avons constaté aussi, des malades venus de différentes communes qui ne trouvent pas de place vu le nombre important de malades dialysés. Ces derniers doivent attendre longtemps pour qu’on leur cherche une place pour être dialysé d’urgence. Par ailleurs, les dialysés que nous avons rencontrés nous ont tous fait part de leur souhait qui se joint au vœu des médecins, lequel est d’avoir, enfin à Béjaïa, un service de transplantation rénale qui arrêtera leur souffrance.
Les patients développent des anémies sévères
«Nos malades sont pratiquement tous en insuffisance rénale, chronique, terminale, au stade d’épuration extra rénale, c’est-à-dire au stade d’hémodialyse, et ces malades là font des anémies sévères entre 5 et 6 gr d’hémoglobine qu’il y a lieu de prendre en charge», dira Dr Ziani. Actuellement, le traitement de l’anémie chez les malades dialysés c’est l’hyretropoétine, mais parfois, l’hyretropoétine classique ne donne pas de résultats, ce qui nous oblige à transfuser le malade, donc à demander du sang au Centre de wilaya de transfusion sanguine (CWTS). Parce qu’on essaye des doses maximales d’hyretropoétine, «mais on n’obtient pas de bons résultats», ajoute-t-il.
Une carence en sang
«Généralement, le service est satisfait de la quantité de sang qu’on leur expédie, mais parfois, cela devient un peu compliqué quand des malades doivent être greffés. Et lorsque le malade arrive à ce stade, les médecins ne peuvent plus lui transfuser du sang car la greffe rénale devient alors une contre-indication, ce qui nécessite des traitements appelés hyretropoétine L.P qui est la darde poétine qui n’est pas disponible ici à Béjaïa. Cependant, quoique disponible à la PCH, on ne la ramène pas souvent», nous a indiqué le Dr Ziani. Alors, chez cette catégorie de malades, comme c’est une urgence, «on doit les transfuser par du sang phénotypé et on a du mal à le trouver», ajoute-il. Il poursuit : «Par ailleurs, on a, parfois, des problèmes avec le CWTS par rapport à la quantité. On demande 3 kilos globulaires et on ne reçoit qu’un seul kilo. C’est vrai que le centre nous aide beaucoup en nous approvisionnant en sang, mais la quantité qui nous arrive reste très insuffisante».
Un service de greffe rénale, le souhait des médecins et des malades
Le souhait du Dr Ziani est de commencer la transplantation rénale à Béjaïa, car «avec la greffe rénale, on va arrêter la dialyse», dira-t-il. «Mais bon ! Pour le moment, rien n’est concret mais on a préparé en néphrologie des couples qui sont prêts et d’autres sont en train de l’être. Or, vu le manque du matériel ici au CHU de Béjaïa, on n’arrive pas à démarrer cette greffe rénale», avance-t- il. «Notre rêve est que cesse la souffrance de ces malades, et que l’on exauce leur souhait et celui de leurs familles qu’est de réaliser un service de transplantation rénale dans la wilaya», réplique-t-il. Par ailleurs, pour la réalisation de ce projet, il faut un bloc de chirurgie, un service de réanimation, un laboratoire, une pharmacie, un service de radiologie qui doivent suivre aussi, car un malade qui fait un rejet ou une complication «nécessite un examen doppler sur place, si ce n’est pas une sténose», ajoute le docteur. Nous avons aussi rencontré le Dr Kherfellah Medjdi, chef de l’unité de transplantation rénale au CHU de Béjaïa, qui soutient les propos de son confrère : «Béjaïa s’apprête à faire sa première transplantation rénale qui est programmée pour le mois de septembre prochain. Nous avons beaucoup de malades qui demandent à être greffés et leurs dossiers sont prêts. Nous en avons traité six pour l’instant, ce sont des couples donneurs-receveurs qui sont très très bien préparés pour la transplantation rénale. Par contre, nous avons enregistré beaucoup de manques pour la transplantation, car on n’est pas très bien équipé pour l’instant. Si on compare Béjaïa aux autres wilayas, telles que Batna, Constantine et Alger, qui sont beaucoup mieux équipées que nous, nous constaterons un grand écart». Par ailleurs, ce dernier espère que les autorités fassent de leur mieux pour bien équiper le service pour que la greffe rénale se fasse à Béjaïa dans les meilleures conditions possibles.
Des manques qui entravent la réalisation du projet
D’après le Dr Ziani, «il y a des couples donneurs-receveurs préparés depuis six mois, mais on n’arrive pas à démarrer le travail vu le manque de moyens. D’abord, le laboratoire d’analyse n’est pas performant et le service d’immunologie est inexistant. Le service de radiologie aussi ne suit pas très bien, par manque de radiologue. Donc, on a du mal à préparer ces malades. Or, le matériel qui a été demandé au service de néphrologie n’est pas réceptionné car il n’y a même pas d’échographe au service, un appareil des plus simples dont disposent tous les services de médecine générale. Avec un service de dialyse qui enregistre beaucoup de carences et des appareils de dialyse qui tombent souvent en panne, le service travaille avec les moyens de bord. Néanmoins, il n’y a pas de manque de chirurgiens, car au pire des cas, il peut être fait appel à des chirurgiens d’Alger, par exemple, pour pratiquer l’acte chirurgical et faire le suivi des malades nous-mêmes. Mais, on appréhende d’opérer des malades sans un bon suivi, car le postopératoire est très important : il faut qu’il y ait un laborantin, un bon biochimiste, un bon matériel de biologie, un bon service de radiologie avec tout l’appareillage, des écho-doppler, etc. Le vrai problème au CHU de Béjaïa, c’est le manque de moyens, en attendant la concrétisation des promesses données par les responsables du CHU. Mais pour l’instant, rien n’est arrivé», déclare le docteur. La salle de transplantation où on devrait mettre le donneur et le receveur n’est pas prête, car elle doit être équipée d’un matériel de réanimation, d’un scope, en sommes, d’un matériel sophistiqué alors qu’on n’a ni tensiomètres, ni lits, ce qui est bien dommage !».
Des chirurgiens qui s’ennuient
«L’équipe médicale néphrologique sur place est très expérimentée. Il y en a même ceux qui on fait de la transplantation rénale à Paris, qui ont de l’expérience et qui ont beaucoup travaillé mais qui s’ennuient ici», avance le Dr Ziani, avant d’enchaîner : «C’est vrai qu’il y a beaucoup de malades, du fait qu’on reçoit tout le temps des urgences de la wilaya. On travaille sans arrêt, c’est un service qui ne s’arrête pas de 7h du matin jusqu’à 22h, avec les urgences qui fonctionnent 24h/24h. Toutefois, nos chirurgiens veulent passer à la pratique, c’est-à-dire à la greffe rénale qui est leur domaine».
S. Mechmeche

