La lecture à Béjaïa a enregistré un net recul, en ce sens que les bibliothèques et les librairies drainent peu les amoureux du livre. Ce désintéressement des gens pour la lecture relève de plusieurs facteurs dont l’environnement social peu favorable au développement de l’activité culturelle, l’état déplorable de ces structures et le manque flagrant du fonds documentaire. L’absence d’une politique du livre dont les prix sont dirimants constitue une autre anicroche qui entrave la promotion de la lecture. Le décuplement, ces dernières années, des salles de jeux et cybercafés qui subjuguent de plus en plus de jeunes, a également contribué au confinement de la lecture, comme tient à le corroborer un libraire à Béjaïa. En effet, selon notre interlocuteur, les gens ne lisent plus de nos jours, en tout cas pas comme avant, pour le savoir et le plaisir. Les jeunes qui lisent généralement sont des universitaires qui ont assez souvent des lectures coercitives. Tous nos interlocuteurs concordent à dire que leur lectorat se compose foncièrement de vieux et de la gent féminine. L’autre raison et pas des moindres qui entrave la lecture évoquée par les libraires est celle ayant trait au prix du livre qui se cède à des coûts rédhibitoires, ce qui a pour effet inexorable de dissuader le lecteur. Le livre le plus accessible est vendu à plus de 500 DA, c’est énorme pour les gens qui crapahutent pour joindre les deux bouts. D’ailleurs, avant de penser à acheter un livre, les jeunes pensent d’abord à leurs panses. La pitance du corps règne sur celle de l’esprit qui est le cadet des soucis des algériens, qui courent plus après la miche de pain qu’après le livre. Néanmoins, cela n’empêche pas des aficionados de lecture de faire les librairies et autres bibliothèques inlassablement, en quête d’un ouvrage rare ou intéressant. Selon un gérant d’une librairie, «la plupart des clients et autres visiteurs qui entrent chez nous n’hésitent pas à farfouiller et feuilleter des ouvrages qu’ils n’achètent pas. Un autre gérant prône la promotion du livre à travers l’organisation d’activités culturelles inhérentes au livre, notamment les rencontres avec les écrivains indépendamment des rares manifestations consacrées au livre qui demeurent lacunaires dans la programmation.Ce constat affiche clairement l’état de déliquescence dans le quel périclite le marché du livre dans la capitale des Hammadites. Le livre, ce compagnon fidèle qui accompagne le prisonnier dans sa cellule, le chercheur dans sa tour d’ivoire, l’étudiant dans sa quête du savoir, peut être aussi un parfait révélateur des inégalités sociales et culturelles dans le monde, mais celui-ci est déjà plus ou moins menacé par l’édition électronique de nos jours.
B. Mokrani
