Le secteur de la santé publique dans la wilaya de Tizi-Ouzou est indiscutablement peu performant pour ne pas enfoncer davantage le clou.
Sachant qu’à travers toute la wilaya, il n’existe qu’un seul CHU, qui a fini par se tailler la réputation d’hôpital régional, puisque des malades des wilayas voisines, comme Boumerdès, Béjaïa, Bouira et même Alger, y sont pris en charge. C’est forcement donc la surcharge ! La saturation pour cet établissement.
Surtout que les centres de la périphérie ne semblent pas jouer le jeu. Les centres de santé n’assurent pratiquement pas grand-chose en matière de couverture sanitaire. Les médecins spécialistes sont quasiment absents de ces établissements, tout comme les plateaux de radiologie. Dans un grand nombre, la garde n’est jamais assurée. C’est à peine qu’on assure pendant les horaires administratifs, comme dans une épicerie ou on s’en fou de la rentabilité. Dès fois même le médecin généraliste n’est présent que la matinée.
Les exemples sont légions à travers les localités, même les plus proches du chef lieu de wilaya, notamment à Tala Athmane qui relève pourtant de la municipalité de Tizi-Ouzou. Pas de médecin régulier, encore moins à plein temps. Dans l’après midi vous ne risquez de tomber que sur la porte fermée. L’an dernier on a équipé l’établissement d’un fauteuil dentaire, comme si ce n’était que ça qui manquait. Un dentiste a été aussi affecté. Mais rien n’a été fait, témoignent des habitants de la localité. Pour la simple raison que le dentiste affecté n’a pas exercé faute d’assistant… Ceci pour la petite histoire. La preuve que rien ne se fait dans ce centre, un médecin privé vient d’aménager juste à côté… Mais tout le monde n’a pas les moyens pour. Alors quand on tombe malade on va au CHU de Tizi-Ouzou.
Et on y vient de partout. Tout retombe donc sur le CHU Nedir Mohamed de Tizi-Ouzou. Ce dernier, malgré donc tous les efforts et les moyens disponibles ainsi que la volonté de son personnel et de son encadrement, n’arrive pas à satisfaire la demande toujours grandissante. Que faire pour assurer une couverture sanitaire efficiente et rapide aux malades ? La première solution préconisée, à savoir la réalisation d’un nouveau CHU, vient de tomber à l’eau, du moins pour le moment. La situation économique du pays est difficile, ce qui a contraint le pouvoir central à sursoir à cet important projet. Reste alors l’autre solution à savoir rentabiliser les EPH, les polycliniques, les dispensaires et les unités de soins de la périphérie. Mais la mission de la DSP semble très compliquée au vu de la situation de déliquescence dans laquelle les deux derniers directeurs ont plongé le secteur au niveau de cette wilaya. Un grand laisser aller ! Des médecins affectés ne pointent même pas à leurs établissements.
L’absentéisme fait rage dans le secteur. Et le moins qu’on puisse dire, il y a d’abord un grand manque de rigueur à rattraper pour imposer la discipline. Et puis chercher à combler les manques ! Les EPH ne disposent pas de personnel spécialisé en nombre suffisant alors pour consulter un médecin spécialiste, les malades n’ont d’autre choix que celui de se rendre au CHU de Tizi-Ouzou. Les rendez-vous sont très espacés, le malade risque de perdre la vie avant de se faire ausculter par un médecin spécialiste. Les patients plus aisés vont chez le privé mais cette chance n’est pas offerte à tout le monde. Du coup, les malades modestes galèrent en quête de soins.
Sept EPH et huit EPSP seulement à travers toute la wilaya
À travers tout le territoire de la wilaya de Tizi-Ouzou, qui compte pour rappel 21 daïras et 67 communes, on n’enregistre que sept (7) EPH et huit (8) EPSP, c’est comprendre que le secteur n’est pas présent partout. Sur les 21 daïras que compte la wilaya, il n’y a que 7 qui disposent d’hôpital de quelques dizaines de lits. Le nombre de lit global disponible au niveau des 7 hôpitaux n’est que de 1 240. Les huit EPSP de la wilaya totalisent 59 polycliniques et 290 salles de soins.
Des polycliniques souvent dans un état de délabrement avancé et ne disposant pas de moyens adéquats. Les exemples ne manquent pas : la polyclinique de Souk El-Tenine, dans la daïra de Maâtkas, était dans un état de délabrement avancé. La DSP et l’APW ont dégagé un montant de 8 millions de dinars pour sa réhabilitation. Les travaux sont lancés depuis près de deux ans mais jusqu’au jour d’aujourd’hui, ils ne sont toujours pas achevés. Le dispensaire de Souk El-Khemis, érigé en polyclinique et réhabilité est toujours inopérant de nuit. La polyclinique de Timizart, une structure étroite ne répondant pas aux normes et manque terriblement de locaux, ne fonctionne que de jour. «Une polyclinique sans ambulance», nous apprendra une source proche du dossier. La polyclinique d’Iferhounène, un projet lancé dans les années 76, n’est toujours pas opérationnelle. À présent, la structure est achevée et les équipements commencent à être réceptionnés.
Mais il faut signaler que les polycliniques ne sont pas toutes fonctionnelles en H24. À la polyclinique d’Iflissen, un ancien centre de santé totalement dégradé le service de radiologie n’est pas opérationnel à cause des infiltrations et le service des urgences n’existe même pas. L’idée de la réhabilitation et la récupération des deux logements pour avoir plus d’espace y a été proposée mais à ce jour, rien n’est fait. Concernant les unités de soins ou les salles de soins, leur état n’est pas meilleur et leurs moyens sont élémentaires. Certaines unités ne fonctionnent qu’avec un seul infirmier et pour s’en rendre compte, il n’y a qu’à faire un tour du côté de Maâtkas.
Il faut aussi signaler qu’en matière de ressources humaines, le nombre est insuffisant. Car un médecin spécialiste est conçu pour 3 246 habitants, un médecin généraliste pour 1 450 habitants, un chirurgien dentiste pour 3 418 habitants et un seul ouvrier paramédical pour 204 habitants. Des chiffres qui en disent long sur le manque de personnel spécialisé médical et paramédical. À signaler aussi que les moyens font souvent défaut car sont rares les EPH qui en disposent d’un scanner, d’une IRM… Quant aux soins lourds, comme la radiothérapie, il faut aller sur Alger, Blida, Constantine ou Oran. C’est comprendre que les cancéreux subissent des tortures inhumaines ; la maladie et les difficultés de se soigner.
L’importance de réaliser le nouveau CHU et les cinq EPH inscrits
Le nouveau CHU inscrit à l’indicatif de la wilaya a été gelé depuis le début de la crise financière due à la chute du prix du baril de pétrole. Les 5 EPH inscrits à l’indicatif de la wilaya de Tizi-Ouzou sont également touchés par ce gel. Celui des Ouadhias, dont la capacité est de 60 lits, est le seul hôpital à être lancé. Le taux d’avancement des travaux est, d’ailleurs, acceptable puisqu’il avoisine les 70%. Celui de Maâtkas est, selon des sources fiables, gelé après deux avis d’appel d’offre lancés en 2014 et en 2015.
Il est aussi question de sa réévaluation. Avec la crise actuelle, ce projet semble s’éloigner de plus en plus. Le projet de l’hôpital de 60 lits d’Ouaguenoun, dont l’étude est finalisée, est lui aussi gelé. Ceux de Mekla (un autre hôpital de 60 lits), Béni Douala, Aïn El Hammam, Bouzeguène et Ouacif connaissent également le même sort. Pour améliorer l’état du secteur, il est primordial de réaliser tous ces projets et prendre en charge les EPH existant et les EPSP, en réalisant des travaux de réhabilitation pour certaines infrastructures et d’extension pour d’autres afin de leur donner la capacité de travailler en H24. L’affectation d’un matériel approprié et moderne et le renforcement en personnel spécialisé médical et paramédical et en radiologues sont tous indiqués.
Cela sans parler des EHS, des maternités et des UDS qui nécessitent aussi un regard attentif, car les manques et les carences sont nombreux. Dans tous les cas de figures, la wilaya de Tizi-Ouzou enregistre un retard dans tous les secteurs et spécialement dans ce secteur névralgique qui est la santé publique. Les responsables locaux et les élus du peuple sont appelés à faire des démarches pour éviter à la wilaya cette politique d’austérité qui la frappe de plein fouet depuis les années 80.
Son développement a été freiné par les différents événements qu’elle a vécus et, enfin, par la sinistre décennie noire. Des tentatives de redresser la barre ont été enregistrées depuis 2012, mais l’élan est stoppé net par la crise actuelle. Il est donc juste que la wilaya soit épargnée par les restrictions et les gels décidés, notamment lorsqu’il s’agit du problème de la santé publique.
Hocine T.