Entre traditions et modernité, faste et ostentation

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Depuis la mi-juillet, les fêtes de mariage battent leur plein dans la vallée de la Soummam. Presque tous les jours, de longues enfilades de voitures de luxe paradent sur les routes.

Ces fêtes mobilisent beaucoup de monde tant du côté des familles organisatrices que du côté de celles invitées. Des sommes colossales sont dépensées souvent au détriment des nouveaux mariés qui ont mis des années à économiser pour fonder un foyer. L’été qui tire à sa fin est la saison par excellence des mariages. Cette année, les unions conjugales se suivent et se ressemblent à en juger le budget colossal consacré pour ce genre de fêtes.

Ainsi, chaque année, de nouvelles traditions voient le jour et viennent alourdir le budget consacré aux fêtes de mariage. Ce phénomène a tendance à rendre le mariage presque impossible pour de nombreux jeunes. D’ailleurs, l’âge de mariage recule, d’année en année, à tel point que le nombre de vieux garçons et de vieilles filles augmente crescendo.

C’est donc au milieu du foisonnement des accoutrements plus ou moins occidentalisés ou orientalisés qu’on a pu constater la présence en force de la robe kabyle, malgré les quelques modifications qu’elle a subies dans sa conception. En cette saison estivale, à la différence des années précédentes où la plupart des célébrations de mariage se faisaient uniquement les week-ends, les noces se fêtent par les jeunes couples, durant tous les jours de la semaine. À Chemini et dans les communes limitrophes, ces cérémonies battent leur plein créant une liesse populaire et une ambiance de joie sans égales. Une ambiance particulière règne sur les routes de cette contrée, envahie par les klaxons, youyous et cortèges de voitures sillonnant toute la région. Le disque-jockey, communément appelé DJ, est devenu l’attraction favorite des jeunes en particulier qui se donnent à cœur joie de gambiller au rythme des chansonnettes spéciales fête. Mais le seul bémol que retiennent les villageois, c’est le vacarme que suscite cette musique au-delà de minuit, empêchant du fait les travailleurs et les enfants d’être dans les bras de Morphée. Ce n’est nullement une sinécure de vouloir aspirer au repos en ce mois de mariage par excellence. Des norias de cortèges sillonnent les artères sans rémission du matin au soir, et soutenus par des concerts tonitruants de klaxons et un relent de youyous. Ainsi, tout est pêle-mêle dans ce type de cortèges où le code de la route est bafoué. Le danger guette en permanence les automobilistes et les usagers. Si dans un passé récent, les fêtes de mariage étaient souvent célébrées dans les villages, un phénomène nouveau est venu s’incruster dans les mœurs des gens N’Ath Waghlis, à savoir la location des salles des fêtes. Ces établissements sont devenus un lieu de prédilection pour les unions conjugales, notamment pour les familles ne disposant pas d’assez d’espace pour organiser ce genre de célébration. Que ce soit à Sidi-Aïch ou à Ouzellaguen… plusieurs familles de la daïra de Chemini jettent leur dévolu sur lesdites salles pour célébrer dignement leur fête de mariage.

Raison économique

Ce faisant, lesdites salles des fêtes affichent complet, car c’est la période idéale pour célébrer les mariages. La gent féminine saisit cette opportunité pour se défouler, exhiber ses belles toilettes, ses bijoux et se retrouver dans une ambiance typiquement conviviale. Cependant, le recours de certaines familles à l’organisation des fêtes de mariage dans les salles des fêtes est motivé par des raisons économiques pour justifier ce changement radical et cet abandon total des traditions. Mais cet argument ne tient pas vraiment la route, du moins quand il est évoqué seul. Lorsqu’on n’ignore pas les prix pratiqués par les salles des fêtes, on se demanderait légitimement si c’est dans l’intention de faire des économies que les familles ont recours à ces infrastructures. C’est plutôt afin d’éviter le gaspillage de beaucoup d’énergie uniquement que cette solution est adoptée. De même, les interminables va-et-vient des convives dans l’enceinte de la maison des mariés créent souvent des tensions au sein des familles à tel point que cela se termine souvent par des engueulades et grogneries. Une fête qui se tient à la maison entraîne la mobilisation générale de tous les membres de la famille, et ce, pendant des jours avant le jour J. Par contre, lorsque la fête est abritée dans une salle, il suffit de payer et tout est servi sur un plateau d’argent le jour du mariage. Les avantages d’une salle des fêtes sont certes évidents, mais il n’en demeure pas moins que ses inconvénients sont innombrables. Le charme de la fête disparaît du décor en laissant place à une mise en scène orchestrée où tout un chacun prend place comme dans une cantine scolaire. Jadis, la fête était une occasion pour que les membres de la grande famille et des amis se retrouvent non seulement autour d’un couscous, mais aussi autour de la fameuse soirée du henné.

Bachir Djaider

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