Après son premier ouvrage souffles et sourire, sorti l’année passée chez les éditions Djitli de Bordj Bou-Arréridj, l’écrivain Rahmani Abdelghani vient de nous gratifier d’un nouvel ouvrage intitulé D’une rencontre à l’autre, publié aux éditions Benmerabet Mahmoud à Alger. Comme son nom l’indique, l’ouvrage est plein de rencontres qui font voyager le lecteur, tour à tour, à travers deux pays, l’un sur la rive nord, l’autre au sud ; qui lui font découvrir deux civilisations, deux cultures et deux sociétés diamétralement opposées et enfin des personnes dont la pensée et l’enseignement nous enrichissent lors de leurs entretiens ou échanges de conversations, comme nous le fait découvrir l’auteur. Ecrit dans un style purement simple, cet amoureux de la Kabylie, méthodique dans son travail, tout en s’attachant aux rites et coutumes, aux lois et aux rôles définis à chacun, nous fera découvrir aussi la vie de nos émigrés, partis vendre la force de leurs bras à bon marché à des pays quelques fois hostiles et xénophobes, tel que décrit dans la première partie du livre. Malgré l’insistance, les avertissements et recommandations de leurs aînés revenus perclus, fatigués et trainant divers maux et maladies, la plupart de nos jeunes ne font qu’à leur tête. Et puis, il faut bien le dire, le village natal et la montagne n’ont pas de chances de travail à leur offrir. Dans son cheminement, l’auteur mettra en exergue ses diverses rencontres, tel que porté dans le titre de l’ouvrage. Abdelghani Rahmani mettra également en exergue la souffrance, la misère, l’esprit de l’ostracisme d’une population ingrate aux bienfaits que procure cette main d’œuvre, composée surtout de jeunes travailleurs, venus de l’autre rive de la Méditerranée, en quête d’une vie moins dure sous un ciel plus clément, puisque c’est elle qui a eu le mérite de contribuer à la reconstruction de cette Europe déchiqueté par la seconde guerre mondiale. Une autre rencontre, celle-ci très importante aux yeux de l’auteur, car elle met en relief les qualités et vertus dont sont imprégnés nos travailleurs immigrés. Ceci est dû essentiellement à la lignée de nos ancêtres dont la fierté est partagée. Il faut dire aussi que cette communauté issue de la Kabylie profonde où l’environnement social est caractérisé par la solidarité une amitié inégalée et une tendresse qui prévaut depuis la nuit des temps, valeurs véhiculées par nos jeunes travailleurs émigrés, ne cesse d’étonner ses hôtes, ce qui fait naître un attachement et quelques fois une profonde confiance entre les deux communautés. C’est sans doute cette dépendance de ces valeurs morales, qui de nos jours sont devenues rares, que nos expatriés ont pu se faire une place honorable parmi la société occidentale en général et française en particulier, aux fins de profiter au mieux d’une culture supposée émancipatrice ou du moins permettant une promotion sociale que ne pouvait leur assurer la vie au village natal. Dans cet ouvrage, l’auteur nous décrira également tous les signes qui font la force et la promotion de l’identité de la société kabyle ainsi que la personnalité de la femme kabyle, cet acteur majeur, qui détient un rôle des plus prépondérants au sein de la cellule familiale. En effet, elle est la poutre maitresse de la maison kabyle «Asalas». Enfin, le patriotisme n’a pas été en reste. En effet, les faits remontent à l’ère coloniale. Le courage et la témérité du valeureux jeune Mamou est rapportée avec beaucoup de sensibilité dans un récit des plus émouvants. L’idée de ce transbordement de la révolution sur le sol même du pays colonisateur n’a jamais effleuré l’esprit des Indochinois puisqu’ils sont les premiers à avoir affaire au colonisateur français, avant nous. C’est dire l’intelligence de notre jeunesse à l’époque de la révolution. Les us et coutumes des villages de Kabylie sont rapportés très finement par l’auteur. Ce livre de 168 pages, plein de leçons, est à lire avec passion.
Arezki Toufouti
