Les forgerons entre le marteau et l’enclume

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A Akbou, ils ne sont plus qu’une poignée de forgerons à ferrailler contre vents et marées, pour perpétuer un art et un savoir-faire voués à la disparition. «Nous faisons de la résistance. Nous sommes les rescapés d’une époque où l’économie traditionnelle avait ses lettres de noblesse et où le produit artisanal local était un outil de travail incontournable. Aujourd’hui, avec la prospérité factice permise par la rente et l’abandon progressif du travail de la terre, notre métier est à l’article de la mort», lâche, sur une pointe de nostalgie, un vieil artisan d’Akbou. Le démantèlement de l’économie rurale et la mécanisation des moyens de production, a induit une baisse significative de leur plan de charge. «Modernisation oblige, le tracteur a remplacé la paire de bœufs et la charrue à supplanté l’araire», signale un autre forgeron de la ville. C’est son père, se souvient-il, qui lui a mis le pied à l’étrier : «je devais avoir dans les dix ans, tout au plus. Aujourd’hui, je ne sais plus rien faire d’autre de mes mains, sinon, il y a longtemps que j’aurais pris la poudre d’escampette», confesse-t-il avant d’ajouter : «notre métier est pénible, salissant, ingrat et sans avenir».

Toujours alerte et actif, malgré le poids des ans, celui qui paraît comme le doyen des artisans de la région, n’est pas près d’abandonner son «atelier», incongrue au beau milieu de l’agglomération : ce métier, je l’ai hérité de mes ancêtres. Dans notre famille, on est forgeron de père en fils. La saga dure depuis plusieurs générations, mais les jeunes ne sont pas près de perpétuer la tradition, dont ils ont en cure», dira-t-il, entre deux coups de marteau. Comme ses devanciers, notre artisan s’est… forgé sur le tas. Dégauchir, reprofiler, aiguiser, fabriquer des outils, rien n’a de secret pour lui, dans ce travail qui allie un savant dosage entre dextérité et force physique. Avec une infinie amertume, nos artisans croient percevoir l’aube de l’extinction de cette activité séculaire. «Si un artisan ferme boutique, c’est bien souvent, pour de vrai et pour de bon, car il n’y a personne pour prendre la relève. Les jeunes boudent ces métiers, qu’ils trouvent ringards et surannés. Ils aspirent à faire carrière dans l’informatique ou les métiers de l’éducation par exemple», souligne un forgeron, en conjecturant que les jours de cet artisanat sont désormais comptés.

N. Maouche

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