La caroube, une richesse abandonnée

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Le caroubier a été pendant longtemps, pour bien des familles, la seule source d’argent. Il est malheureusement de nos jours en passe de perdre ses lettres de noblesse.

Le caroubier, cet arbre séculaire qui dispute les espaces de terrain à l’olivier sur le pourtour de la Méditerranée, qui a tout le temps été soigné en vue d’améliorer sa récolte, qui a tout le temps constitué une richesse importante des paysans qui vivaient des produits de leurs terres, est, ces derniers temps, abandonné aux orties et aux ronces. Pourtant son fruit, la caroube, a souvent et pendant des siècles sauvé bien des familles de la famine. Il a aussi été pendant longtemps pour bien des familles la seule source d’argent. Il est malheureusement de nos jours en passe de perdre ses lettres de noblesse. Même si son prix de vente est relativement intéressant puisqu’il est à hauteur de 2000 à 2500 DA le quintal selon les collecteurs, la caroube n’est plus récoltée comme avant. Les caroubiers sont abandonnés, laissés aux ronces qui les ont envahis. Les raisons de cet abandon sont multiples, mais la principale, en plus de l’amélioration des conditions sociales bien sûr, selon Da Raveh, habitant d’un village de l’ouest de Bejaïa, est sans doute l’éloignement des caroubiers des routes carrossables. En effet, ajoute-t-il, avec la disparition des ânes dans les villages, les gens rechignent à transporter sur de longs raidillons de lourds sacs de caroubes sur leur dos.

Au bonheur des sangliers et chacals !

Les fruits murissent et tombent au seul profit des chacals et des sangliers qui s’en régalent. Seuls quelques écoliers qui veulent se faire un peu d’argent de poche s’y intéressent encore. Rencontré dans le village de Da Raveh, avec dans une main un couffin contenant des sacs de jute et dans l’autre une longue perche, Mourad, collégien qui attend la rentrée, en parle. «Les caroubes, pour moi, sont une vraie aubaine. A 2 300 DA le quintal, je travaille pendant une dizaine de jours et je ramasse de quoi couvrir tous les frais de la rentrée, c’est-à-dire, mes habits et les fournitures scolaires et, il m’en restera un bon petit paquet pour mes autres dépenses. C’est facile, je choisis les arbres bien chargés de caroubes et qui sont faciles à monter. Avec ma gaule, je fais tomber les caroubes par terre et je remplis les sacs. Le problème est seulement de les transporter jusqu’à la route, mais je fais des sacs de 20 à 30 kilos que je transporte en plusieurs voyages et j’attends le collecteur qui viendra les charger sur son camion.» Le travaille est plutôt rentable, estime Mourad, puisqu’en une journée, en travaillant seul, il arrive à récolter jusqu’à deux quintaux.

Quand la récolte assurait le vivre, le mariage du rejeton et l’achat d’un fusil…

Dans le temps où les caroubiers étaient élagués et soignés, le rendement à l’arbre était bien supérieur. La pulpe des gousses était succulente et juteuse. Parfois, quand l’arbre est bien soigné il arrive même qu’un filet de miel jaillisse du fruit lorsqu’on le casse en deux. A cet époque qui n’est pas très lointaine d’ailleurs, les caroubiers sont récoltés même lorsqu’ils se trouvaient loin du village et de la route et qu’ils ont poussé sur les terrains abruptes ou au fond d’un ravin. C’était toute la famille qui s’y mettait et les sacs sont transportés à dos d’âne jusqu’à la maison où ils sont vidés pour être réutilisés encore le lendemain. Les caroubes s’entassaient dans les cours, et de toutes les maisons du village s’exhalait l’odeur suave des caroubes. Avec la vente des caroubes, toutes les dettes contractées durant l’année étaient épongées et il en restait assez pour envisager de grandes dépenses comme acheter du bétail, marier un fils ou s’équiper d’un fusil de chasse. C’était dans le temps !

B. Mouhoub

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