«Regardez ce mouton dont le prix réel dépasse les 4 millions de centimes. On ne m’en offre que vingt sept (deux millions et sept cent mille centimes)», nous dit un jeune éleveur qui tient, attachées à une corde, une dizaine de bêtes. De l’avis des vendeurs, le prix du mouton a beaucoup baissé ces derniers jours. Un autre jeune vendeur nous aborde «les acheteurs m’offrent moins de trois millions de centimes pour des bêtes dont le prix se situerait entre quatre et cinq millions. Ce n’est pas normal» Des troupeaux entiers retournent à l’étable, faute d’acheteurs désireux de mettre le prix. «Ils veulent tous un beau mouton mais personne n’ose débourser sa valeur. Je ne vends pas à perte.» Désignant quelques curieux qui tâtent le marché de loin, il dit qu’ils «attendent la promotion. Ils croient qu’on les a trouvés et oublient toutes les dépenses et les sacrifices que nous avons consentis pour les élever. Nous avons fondé notre espoir sur l’Aïd El Kébir qui, ces dernières années nous a aidés à faire face aux dépenses de l’élevage tout en arrivant à vivre.» A quelques jours de la fête, les acheteurs ne se bousculent pas. La plupart de ceux qui décident de satisfaire au sacrifice ont déjà acheté leur bélier. Les ventes ne pourront pas être boostées par les retardataires, habituellement peu nombreux. Les clients, quant à eux, semblent attendre une baisse du marché plus importante tout en sachant qu’un beau mouton coûtant entre trois et quatre millions de centimes représenterait «une affaire». Ils attendent tout de même la dernière minute. Des informations destinées à «tuer le marché» comme nous le dit un autre éleveur, sont distillées par «radio trottoir». Certains affirment que des ventes de moutons par facilités de paiement sont en cours mais n’ont jamais cité le lieu. D’autres disent avoir entendu que l’état aurait importé beaucoup d’ovins mis en vente à des prix défiant toute concurrence. Les revendeurs locaux ne s’en laissent pas compter pour autant. Au point de vente informel, de la grande rue, rares sont les maquignons qui ont vendu une bête ce matin du jeudi. A midi, las d’attendre un hypothétique client «sérieux», ils s’en retournent, guidant leurs troupeaux vers les villages où ils sont propriétaires d’étables. L’un d’eux, catégorique, nous confie qu’ «à ce rythme, je ne vends pas. De toute façon les prix ne baisseront pas plus, après l’Aïd. Au contraire.»
A.O.T.