Nous arrivons au lieudit Hrira, et un ouvrage hydraulique attire notre attention. “Il vient d’être emporté par les premières pluies de l’hiver” nous dit-on. “Sa réalisation remonte à moins d’une année” poursuit-on. Ainsi, il n’a pu résister à la première saison qui l’a vu naître… La piste est donc impraticable, notamment en ces temps où le ciel arrosait la terre depuis plusieurs jours. Pour cela, les propriétaires de terre à Azaghar trouvent du mal à atteindre leurs terrains, sur la route nous croisons quelques paysans. Tous réitèrent la nécessité d’améliorer l’état de la route, car matin et soir, ils font plus de 7 km de marche, en aller et retour pour atteindre leurs destinations. Cette situation se complique durant la campagne oléicole ou la campagne de fenaison où les propriétaires se déplacent avec “armes et bagages”. La région d’Azaghar n’est réellement animée qu’au moment de ces campagnes où des famille entières se rendent aux champs dans une ambiance particulière. Au matin, le départ se fait à l’unisson, et le retour se fait de même, le soir. Quand au reste de l’année, seuls quelques uns s’y rendent. Dans leur majeure partie, ces terres fertiles sont abandonnées, leurs propriétaires ne se souviennent pas de leur existence en dehors de la production oléicole et fourragère. Cependant, quelques agriculteurs, souvent locataires des parcelles de terrain travaillent la terre. Arrosées par des retenues collinaires et l’oued Sebaou qui y prend naissance, quelques produits agricoles y sont cultivés. “La pastèque y a avoisiné 25 kg, l’année dernière” nous dit-on à Azaghar. D’autres produits agricoles sont aussi cultivés, de la pomme de terre, poivron, piment, tomate etc. A cette exception, les terres dans leur ensemble restent non-productives, fautes d’accès adéquat. A mi-chemin, notre “mission de reconnaissance” s’arrête. Notre avancée est impossible, car la route est “trop” impraticable. Nous nous arrêtons pour rebrousser chemin. D’ici, la vallée parait interminable. Nous sommes à quelques encablures de l’ancien village socialiste de Boubhir, terrain dans le temps de la défunte Révolution agraire. Ce village se trouve de l’autre versant de l’oued, dans la commune d’Illoula, séparée naturellement de Bouzeguène par le lit de l’oued. Nous entamons le chemin du retour, et notre véhicule trouve du mal à avancer. Les quelques tracteurs agricoles traversant la piste et menant le même itinéraire ont accentué la dégradation de l’état de la route déjà détérioré. Ainsi, des ornières et des nids-de-poules caractérisent le chemin, favorisés par les abondantes pluies de la saison. A mi-chemin du retour, notre véhicule s’immobilisa, son avancée devient impossible. Les roues se débattent et s’enfoncent de plus en plus dans cette terre légère, et bien arrosée. En accélérant, une fumée noire, due au contact serré des pneus avec la terre, jaillit. “Les services de dépannage”, contactée, trouvent également du mal à atteindre les lieux. Les quelques revenants de leurs champs tentent d’aider avec les moyens de bord pour sortir de l’impasse, sans succès. Arrive alors “Dichini”, “élu” par la population “chef d’Azazga”, vu ses exploits en matière de secourisme et de dépannage dans cette région isolée. Avec le temps, sa culture en la matière devient de plus en plus vaste, permanent bénévole, il jouit ainsi de la reconnaissance de la population. La contribution de tous a donc permit de sortir de l’impasse. Ainsi notre “mission” qui devait durer quelques temps, s’est prolongée jusqu’à la fin de l’après-midi. Il y a quelques semaines de cela, cette route grouillait de monde. La cueillette des olives battait alors son plein. Pendant cette période une ambiance particulière mêlée à une fatigue collective y régnent. Le départ des oléiculteurs se fait le matin à l’unisson. Un départ massif, où l’on remarque des groupes de personnes tout au long du chemin qui dessert la zone. Des femmes, des hommes et même des enfants font le déplacement, bien que les oliveraies soient éloignées et la piste y menant, difficile à emprunter. La récolte des olives dure selon son importance, allant de quelques jours à plusieurs semaines. Chaque jour donc, tout ce beau monde fait le parcours du combattant de plusieurs km matin et soir pour atteindre la destination. Avec “armes et bagages”, les femmes ont en même une tenue spéciale qui leur permet la liberté de mouvement et l’accomplissement des travaux des champs. En partant, le repas est préparé, l’approvisionnement en eau est fait et les outils que nécessite le travail des champs sont emportés. Au retour, les choses sont plus compliquées après la fatigue d’une journée de travail, s’ajoute la montée avec “armes et bagages” également, ne pouvant ramener la récolte, elle est laissée sur place en attendant d’être “rapatriée”. Le déplacement se fait donc comme au bon vieux temps, la situation ne s’est pas “trop” améliorée pour les paysans. La campagne de fenaison se fait de la même façon. Ainsi, les faucheurs font leur départ à l’unisson, avec le matériel nécessaire pour le travail. Cette campagne est plus dure pour les paysans. Au long trajet quotidien s’ajoute la chaleur de cette saison. En dépit de son éloignement, Azaghar reste une zone à rentabiliser.
… A rentabliserLa région d’Azaghar compte les terres de sept villages à Bouzeguène, qu’on surnomme les Ath Hendhla, en l’occurrence ; Ighil Tizi Boa, Ikoussa, Tazrouts, Ibouyisfène, Aït Saïd, Ibekarene et Ath Wizgane. La majeure partie des oliveraies de Bouzeguène y sont implantées. Elles constituent ainsi une véritable forêt d’oliviers, dont la qualité de la récolte est incontestable, ce qui constitue un apport économique des plus importants pour la population locale. Si l’olivier était dans le passé, la principale richesse d’Azaghar, l’élevage aussi était une activité qui a caractérisé la région. En effet, les éleveurs dans le passé y élisaient domicile en hiver pour s’occuper de leurs bêtes. Campant tout au long de la saison, ils ne regagnaient leurs domiciles qu’en été. Une habitude qu’ils ont pris avec le temps. Ils fuyaient ainsi le froid glacial de la montagne en hiver et la chaleur torride de la vallée, en été.Par ailleurs, les plus importants lots de terrain communaux qui permettaient la réalisation de projets d’utilisation publique y sont également implantés, au moment où des projets ont du mal à trouver d’assiettes foncières adéquates “en haut”. Une zone donc à rentabliser, que la population locale voit comme future zone d’activités et même éventuel chef-lieu communal et de daïra, d’autant plus que ce dernier a atteint ses limites d’extension faute de foncier public. Aussi, le chômage florissant qui caractérise la localité pourrait y trouver une zone d’absorption. Ce phénomène grandissant constitue une bombe sociale à retardement, car si dans l’immédiat la majeure partie de la population locale vit essentiellement des pensions des vieux retraités de l’émigration, l’avenir nécessite de réfléchir à une solution alternative. “L’enterrement” de ces ressources avec leurs ayants droit privent ces bénéficiaires secondaires de leur source de vie.Cette zone constitue donc la seule alternative à un essor économique de la région d’où la nécessité de son désenclavement.
…A désenclaverLa route d’Azaghar pourrait constituer dans l’avenir une autre issue à même de désenclaver la région de Bouzeguène, elle-même, du principal axe routier qui traverse la région jusqu’à Boubhir en passant la majeure partie de la surface “utile” de la localité. Ce chemin figure sur le Plan directeur de l’aménagement urbain (PDAU) qui prévoit son raccordement jusqu’à l’intersection qui regroupe la déviation jusqu’a Chaïb-Souamaâ avec la RN 71 et le CW09.Ce projet, s’il vient à être réalisé, permettra le désenclavement à plus d’un titre. Ainsi, les automobilistes qui rallieraient Tizi Ouzou via Azazga en deux heures de route le feraient en moins de temps. A l’heure actuelle, la seule issue consiste en le CW 251 qui rallie la RN 71 via Ifigha. Ce chemin sinueux avec des limites multiples fait craindre à la population le pire. Son éventuelle coupure isolerait la population du reste du monde. Sujet à des glissement de terrain en amont et en aval et à des chutes de pierres, ajouté à cela son éloignement ainsi que son impraticabilité, due au verglas en hiver. Ces phénomènes avaient déjà fait leurs victimes par le passé.La route d’Azaghar a été proposées pour le bitumage à plusieurs reprises. Des fiches techniques ont été réalisées par les services de l’APC. Proposé également dans le cadre des PCD, le projet attend toujours d’être pris en charge. Dans une récente fiche réalisée par les même services, le montant global serait de plus de 7 milliards de centimes. Le projet consiste en 7 km de route, reliant le CW 251 au village socialiste de Boubhir, ainsi qu’un pont reliant les deux rives de la rivière. Arrivant à cette destination, les automobilistes emprunteraient alors, le CW 09 distant de près de 3 km de la direction Chaïb-Souamaâ. L’espoir de la population de voir ce projet réalisé est grandissant. Il leur permettrait de rallier le chef-lieu de wilaya en quelques dizaines de minutes et désenclaver de ce fait, toute la région.
Naïma Boukella