Quand les maquignons dictent leur loi…

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Jeudi passé pour sa dernière tenue avant l’Aïd El Adha, le marché hebdomadaire de Draâ El-Mizan a connu une grande affluence, notamment l’aire réservée à la vente de bétail ainsi qu’à l’extérieur où des centaines de moutons étaient proposés à la vente. En effet, il était très difficile de se frayer un chemin, il fallait se donner des coudes pour se déplacer. Les prix ? Il ne fallait pas beaucoup de temps, surtout pour un observateur aguerri, pour être fixé sur la température ambiante du marché. Ainsi, alors qu’il était dix heures, venant à notre rencontre, Si Rabah et Si Ali, deux septuagénaires originaires de Tafoughalt, n’avaient pas hésité à nous confier, tout en faisant la moue que le marché était complètement déréglé. «Ce n’est plus un marché les prix ne correspondent nullement à la qualité de ces moutons et les petits éleveurs venus de tous les villages environnants ont été leurrés par les prix proposés, à leur entrée, par les maquignons et les revendeurs qui ont déjà une grande quantité de bêtes dans leurs camions. Si vous regardez bien, il n’y a qu’eux qui sont en train de vendre tout en ne faisant exposer qu’un petit nombre de moutons alors que le reste attend, dans les camions», nous confient nos interlocuteurs tout en s’apitoyant sur le sort de ces dizaines de pauvres villageois qui, par désespoir de cause, tentent de coller l’une de leurs bêtes à toute personne qui s’en approche. «Ce mouton, dès que je l’ai vu de là-bas, il m’a plu et j’étais prêt à lui proposer quarante cinq mille (45000) dinars mais à ma grande surprise, il m’annonce qu’on lui avait déjà proposé quarante huit mille (48000) dinars et comme le marché va bientôt se vider, il insiste pour que je le prenne à ce prix là mais je ne peux accepter», nous déclare ce quinquagénaire qui sera tiré par le bras avant même de faire deux pas, par un autre vendeur tenant en laisse, quatre belles bêtes, mais là encore, le pauvre croit dur comme fer que les prix proposés par les maquignons et les revendeurs tenaient la route. Par ailleurs, malgré le grand nombre de bêtes exposées à la vente en ce jour de marché peu d’entre elles, ont trouvé acquéreur. «La situation actuelle du marché est compréhensible d’autant plus que les acheteurs potentiels sont les fonctionnaires et les ouvriers qui ont été déjà soumis à d’énormes dépenses au cours de cet été avec les nombreuses fêtes, la cherté de la vie ainsi qu’avec la rentrée scolaire. Même avec un salaire de cinquante, voire même soixante mille dinars, on ne peut se permettre un mouton à cinq millions alors qu’il faut dire ce qu’il en est, une bête à moins de quatre millions, équivaudrait à jeter purement et simplement son argent par la fenêtre», nous déclare avec beaucoup de sérieux cet ancien fonctionnaire des ponts et chaussées. Par ailleurs, bien avant midi, certains vendeurs, pressés par les transporteurs, ont commencé à charger leurs bêtes, bien malgré eux. «Nous avons laissé passer notre chance car nous espérions gagner deux ou trois mille dinars de plus», regrettent ces villageois venus de Frikat.

Essaid Mouas

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