Le jour de tous les saignements

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Le jour de l’Aïd El Kebir, c’est le jour où l’on égorge le mouton, c’est la fête du mouton. C’est la journée des réjouissances particulières et des joies sublimes, la journée de la charité et de la solidarité pour ceux qui ne sont pas dans le besoin. Ceux qui n’ont pas de problèmes pour boucler la fin du mois. Pour ceux qui ne connaissent pas les difficultés financières. Cet Aïd tombe à point nommé pour montrer la différence entre pauvre et riche. Dès lors qu’entre les deux il n’y a rien. L’espace sidéral, les profondeurs insondables et les vertiges telluriques. Que l’on prenne par où l’on veut le sceptre, il n’y a que le bout de bois que l’on ressent mais nul ressentiment là où l’on touche de particulièrement solide. N’étaient les simagrées des richissimes individus se vautrant dans leur fortune et se noyant dans les oripeaux enjolivés de jouissances crasses et de détresses feintes pour paraitre aux yeux du monde justes, sages et généreux. Il faut en convenir d’une chose, le porte-monnaie du pauvre trouvera assurément de quoi le sustenter de Job qu’il est et qu’il était au Crésus qu’il veut devenir. Entre l’être et le paraître, il n’y a qu’une ride, qu’un cheveu, qu’un soupir d’espérance. Que l’on se prenne pour ce qu’on soit, riche ou pauvre, la question n’est pas là. Mais que l’on se montre dans sa nudité intime, dans sa stricte indigence ou dans son opulence la plus tonitruante, il n’est pas de signes avant coureurs montrant celui qui égorge de celui qui n’égorge pas. Jadis, on égorgeait peu ou pas du tout. C’était la guerre et ses misères, la guerre et ses douleurs, la guerre et son sang. On prenait son mal en patience et l’on se trouvait enfant, pour se créer, s’inventer des réjouissances peu réjouissantes. On s’accoutrait dans des habits neufs et attendait, les yeux ouverts jusqu’au petit matin, pour se lever dans ses plus beaux et pourtant modestes atours. Personne ne se plaignait, ni ne se lamentait, ni ne pleurnichait, on trouvait le temps de s’amuser, de jouir du moment que nous offrait ce jour bénit. Aujourd’hui, la fête est devenue un effet de mode, et beaucoup de gens cherchent le paraitre pour le paraitre. Mais qu’à cela ne tienne, bonne fête de l’Aïd quand même !

Par S. Ait Hamouda

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