Les décrocheurs pris dans l’ornière de la délinquance

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L'éducation joue un rôle important dans le développement des sociétés et il serait utopique d'envisager un développement durable sans elle.

Elle occupe une place centrale dans le classement de l’IDH (Indice de Développement Humain) des différents pays à l’échelle mondiale. Ses effets sur la démographie, la croissance économique, le progrès social et politique font d’elle un des meilleurs leviers de la réduction de la pauvreté. Cependant, au plan individuel, elle transmet les connaissances indispensables pour comprendre la complexité du monde actuel et ainsi y vivre le mieux possible. La place de l’éducation dans le développement de toute société est unanimement reconnue par tous de nos jours. Elle a toujours été considérée comme primordiale, car participant pleinement au développement socio-économique des sociétés. L’école est la pierre angulaire de la conduite de la vie d’un individu. Elle est aussi l’établissement où est dispensé un enseignement collectif général aux enfants d’âge scolaire et préscolaire. La déperdition scolaire est une problématique complexe, car chaque aspect qui en découle lève implicitement le voile sur l’ampleur du phénomène. Si l’on considère que l’Éducation et l’Enseignement sont les deux préalables au développement des enfants et à leur future insertion dans une vie citoyenne, le phénomène de la déperdition scolaire doit pouvoir trouver remédiation dans une remise à plat des objectifs que se donne un pays, quel qu’il soit, pour son Éducation nationale. Nonobstant les assurances de la ministre de l’Éducation nationale quant au taux de déperdition scolaire en Algérie, celui-ci, selon le rapport du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), est présenté comme étant le plus faible en région d’Afrique du Nord et Moyen-Orient (MENA). L’échec scolaire reste un tant soit peu la hantise des parents et des élèves décrocheurs. De même, le décrochage scolaire est plus important chez les garçons que les filles. Par ailleurs, une ribambelle d’interrogations reste soulevée en rapport audit phénomène. Qu’est-ce que la déperdition scolaire ? Quand peut-on parler de déperdition scolaire ? Et pourquoi y a-t-il une déperdition scolaire ? Pour répondre à ces questions, il faudra se référer aux théories récentes du domaine didactique, psychopédagogique et surtout sociologique illustrées en cela par des réalités qui touchent l’école algérienne. De ce fait, la déperdition scolaire veut dire la perte progressive des élèves au cours de leur cycle scolaire. Cette perte regroupe l’ensemble des exclusions décidées par le conseil des professeurs pour les situations suivantes : mauvais résultat, mauvaise conduite, abandons décidés par l’élève et/ou ses parents pour une raison économique ou sociale. La déperdition scolaire constitue un gaspillage de matériel, de temps pour le système éducatif ainsi que pour la société dans son ensemble. Elle est suscitée par les problèmes de redoublement et/ou d’abandon d’études. Elle correspond à une sortie prématurée d’une partie des effectifs scolaires engagés dans un cycle ou dans un programme d’études.

En zone rurale, ces régions les plus touchées…

En zone rurale, notamment dans les contrées reculées de la Kabylie, ce phénomène reste d’actualité d’autant plus que les conditions ne s’y prêtent pas souvent eu égard de l’éloignement des établissements et le manque de moyens pédagogiques. Pour s’apercevoir de l’ampleur du phénomène, il suffit de sillonner les villages de certaines localités où les jeunes adolescents sont happés par un chômage endémique. Un autre fléau, et non des moindres, la consommation de drogue et d’alcool prend des proportions alarmantes loin des regards inquisiteurs dans les contrées reculées. Pratiquement, il n’y a pas un village qui est épargné par ce fléau. En effet, 900 000 Algériens sont accrocs aux joints selon le professeur Mustapha Khiati, président de la Fondation algérienne pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (FOREM). Le chiffre avancé est loin de refléter la réalité du terrain, car les consommateurs de drogue ne le crient pas sur les toits et rares sont ceux qui recourent à des cures de désintoxications. Selon ledit professeur, la frange de la jeunesse compose la quasi-majorité de cette population puisque parmi ces drogués, figurent 15% de collégiens, 27% de lycéens et 31% d’universitaires. De plus en plus, la classe juvénile, notamment les garçons, quitte l’école à un très jeune âge. Les déperditions causées par les échecs scolaires sont très importantes en Algérie causant la souffrance des parents, un complexe d’infériorité chez l’enfant et le désarroi du corps pédagogique. À peine 4% des enfants algériens inscrits à l’école primaire arrivent à décrocher le baccalauréat sans redoubler. La ministre de l’Éducation nationale, Nouria Benghebrit, appelle à une réforme en profondeur «Sur les 1 000 élèves arrivant en fin de cycle primaire, seul 41 arrivent à décrocher leur baccalauréat sans redoubler». C’est le constat alarmant dressé par la ministre de l’Éducation nationale sur les ondes de la radio publique algérienne le 20 décembre de l’année scolaire précédente. Une situation qui pose, selon la ministre, «le problème de l’efficacité de l’efficience et de l’effort du financement que l’État consent pour ce secteur». Ce n’est un secret pour personne, la vie peut être parfois injuste et cruelle. Elle n’épargne personne et sa cruauté dépasse, parfois, les limites du supportable. Le destin ou tout simplement les aléas de la vie conduisent certains vers des sentiers tortueux et sinueux. Même les enfants se retrouvent parfois confrontés à ce que la vie a de plus abject. Des enfants qui ne connaissent que la misère, la précarité et le travail forcé. Ils sont mendiants, porteurs de cageots au marché du coin, ou simplement des  » parias » cherchant leur nourriture dans les décharges publiques. Afin de sortir des sentiers battus et de l’hypocrisie ambiante, on vous propose de partager le temps d’une simple lecture, la vie de ces enfants. Le système éducatif algérien manque de performance, estime le Conseil national économique et social (CNES) qui, dans son rapport 2013-2015, révèle que près de 1,5 millions d’enfants sont soumis au redoublement scolaire, dont près de 500 000 finissent par quitter prématurément l’école. Même si la déperdition scolaire est devenue une fatalité en raison de la défaillance du système scolaire, les experts du CNES soulignent que si l’élève doit quitter l’école un jour, il doit au moins être armé d’un minimum de connaissances de base. Il est évident que le décrochage scolaire dépend d’un ensemble de facteurs sociaux et individuels, comme la pauvreté le chômage, la marginalité etc.

Quel est le profil d’un «raté» ?

Le profil du public qui décroche ne résulte pas d’un hasard. Néanmoins, il faut se poser la question de la responsabilité de l’école qui d’une certaine manière échoue à intégrer la totalité des élèves. L’école est d’ailleurs perçue par bon nombre d’élèves comme une machine à exclure. Beaucoup d’élèves ont une image assez sombre de l’école. Ils ont l’impression que lorsque vous avez des difficultés scolaires, l’école ne sachant quoi faire de vous, ne vous propose que des redoublements qui ne sont pas efficaces et des orientations que vous n’avez pas choisies. Les élèves en difficulté se sentent méprisés, ils ont le sentiment de ne pas avoir leur place à l’école. Dans cet enchevêtrement aux multiples couacs, l’élève se sent désorienté et ne pense qu’à quitter les bancs de classe pour «un meilleur monde». Le résultat de la course n’est autre que l’errance et l’oisiveté dans la plupart des cas. Autrement, l’enfant n’a d’autres choix que de retrousser les manches et d’affronter la dure réalité. Vendeurs à la sauvette, travailleurs sur chantier…les enfants décrocheurs baignent aussitôt dans la dure réalité du monde du travail, et sans aucune assurance de surcroît. Ainsi, des boulots pareils sont légion dans la région, «Je n’ai pas le choix de rechigner à une telle besogne. Nous sommes une famille nombreuse, en sus, mon père est un malade mental. Je suis contraint d’abandonner l’école pour aider ma famille», nous avoue avec un goût d’amertume Farid, un jeune d’à peine 16 ans. «Chaque matin, je dévale les routes tortueuses de notre village en allant vers Takrietz pour bosser dans un chantier du bâtiment. Les temps sont durs, et à mon âge, il vaut mieux se lever tôt que de roupiller comme un vieux chat», enchaîne notre interlocuteur, originaire de la commune de Chemini. Toutefois, les décrocheurs ne sont pas à l’abri de l’ornière des fléaux sociaux tels que la consommation de drogue et/ou d’alcool et le banditisme… Beaucoup de jeunes errants, qui sont en grande majorité des mineurs ayant échappé à l’autorité parentale et à leur protection, se retrouvent exposés à toutes sortes de dangers ; travail en noir, agression, viol, kidnapping, maltraitance…sont entre autres les risques qu’encourt l’enfant une fois «jeté» à la rue. D’autre part, la délinquance juvénile, qui s’est banalisée ces dernières années, tend à donner des sueurs froides aux sociologues qui estiment que ce genre de comportement peut être fatal pour les jeunes garçons s’ils continuent à «errer» en toute liberté dans la nature. Le désengagement de la famille et son absence totale dans la prise en charge des problèmes rencontrés par leurs enfants mineurs est l’une des causes les plus connues dans les cas de délinquance juvénile. «La violence est omniprésente. Cette nouvelle génération ne sait pas s’exprimer sans faire usage de la violence. Il n’y a qu’à voir la réaction de nos jeunes dans les stades pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène», affirme un enseignant.

Bachir Djaider

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