Un discours, un projet

Partager

Pour au moins trois raisons, la sortie de Amara Benyounès jeudi passé à Constantine aura été marquante. La première est que c’est pour la première fois qu’une rencontre organique, donc par définition fermée, s’est déroulée dans une telle transparence, la presse ayant suivi les débats qui ont suivi l’intervention du secrétaire général de l’UDR jusqu’à l’ultime question et même au-delà, puisque les journalistes présents ont insisté pour un point de presse qui n’était pas au programme. La deuxième est que cela fait longtemps qu’un parti démocrate n’a pas foulé le sol constantinois mystérieusement supposé définitivement acquis au (x) conservatisme (s). C’est d’ailleurs par ce cinglant démenti que M. Benyounès a entamé son discours dans une salle Ibn Badis investie par l’encadrement fédéral des wilayas de l’est du pays.La troisième enfin est que le militantisme politique qu’on dit depuis quelque temps tombé en désuétude recèle toujours de formidables disponibilités pour peu que le discours et les hommes qui les sollicitent rompent avec le système de pensée et les réflexes qui ont sonné la banqueroute des autres partis hors les convocations conjoncturelles des clientèles traditionnelles. Au plan politique, le premier responsable de l’UDR ne s’est pas éloigné des sujets chauds qui font l’actualité. Sur la maladie du président de la République d’abord, Amara Benyounès a rappelé l’attitude de l’UDR à savoir l’inquiétude, la digne discrétion et la conviction qu’il n’y a aucune raison de douter de la version officielle exprimée par le chef du gouvernement quant à la nature de la maladie du Président. Cette attitude a été bien sûr opposée à “l’agitation des charognards qui dans l’entourage même du Président s’affrontent déjà dans une succession supposée ouverte”. Voilà ce qui a servi d’introduction à un regard copieusement critique sur une “alliance présidentielle dont les trois partis qui la composent n’ont décidément pas grand chose à partager”, dira Benyounès avec une bonne dose de sarcasme “en dehors de la stratégie de lutte antiacridienne”.Un sujet découlant de l’autre, le secrétaire général de l’UDR a, dans la foulée de son analyse de la classe politique, formulé une nouvelle vision du projet de rassemblement des démocrates. Une fois le constat fait sur l’échec des démocrates, tels que catalogués jusque-là, à trouver un minimum commun, il formulera sa vision de ce rassemblement à partir de la certitude que ceux-ci (les démocrates) se trouvent dans tous les partis hors islamistes, dans les institutions, la société civile et la société tout court. Il posera cependant la condition que ce rassemblement se fasse autour d’un projet et non autour d’un homme et surtout pas contre le président de la République.Amara Benyounès a aussi évoqué la question des caricatures qui a fait couler beaucoup d’encre. Tout en dénonçant le fait que “ces dessins d’un mauvais goût soient publiés et aient blessé la sensibilité des musulmans”, il rappellera l’attachement de son parti à la liberté d’expression et regrettera la disproportion et la violence de certaines réactions, surtout qu’elles émanent pour l’essentiel de pays qui ne sont pas des exemples de vertu et d’ouverture. Il se félicitera par ailleurs de la sérénité de la réaction officielle de l’Algérie avant de clore le sujet par une interrogation inquiète sur la manifestation de la salle Harcha où deux ministres d’Etat étaient présents alors qu’on y glorifiait Zarkaoui qui, rappelle-t-il, vient de revendiquer l’assassinat des deux diplomates algériens. Amara Benyounès a aussi évoqué les élections partielles en Kabylie et la situation socioéconomique dominée par les difficultés de tous genres et les scandales financiers à répétition. Le premier responsable de l’UDR a bien sûr fait une évaluation et esquissé les échéances organiques de l’UDR avant de parler en des termes confiants et déterminés de la question de l’agrément de son parti. “Nous avons satisfait toutes les obligations légales et il n’y a aucune raison pour que les pouvoirs publics nous refusent l’agrément”, dira-t-il, avant d’ouvrir un débat avec les militants. Un débat d’une rare franchise qui a tourné surtout autour des difficultés structurelles et parfois des différences d’approche. Que ce soit quand il s’agit de dire que la vie n’est pas rose, ou pour déborder d’enthousiasme, les militants de l’UDR de l’est du pays ont mis la même détermination. Amara Benyounès est revenu de Constantine avec la satisfaction que “ça promet”.

Maïssa Nesrine

Partager